Me voici
arrivé à la page 385 d' Auto-da-fé de
feu Elias Canetti, auteur bulgare de langue allemande qui reçut le prix Nobel
de littérature pour des raisons qui restent à déterminer.
Auto-da-fé est parvenu entre mes mains
par la chaude recommandation d'un ami dont le jugement droit et les goûts
éclectiques m'inspirent confiance ( mais errare
humanum est ), j'ai vite observé que le volume est long de 614 pages, et
pour espérer en atteindre le mot ultime – car il ne me plaît pas de renoncer à
ce que j'ai entrepris – il me faut utiliser deux trucs.
Le premier,
sorte de b a ba d'un reader by trade
, consiste à survoler quatre lignes sur cinq sans perdre le (mince) fil du
récit, donc de sauter la plupart des mots composant ces lignes mais en gardant
la capacité de débusquer celui qui créerait une rupture dans l'intrigue ( et
lorsque se présente cette éventualité : lire la ligne entière); l'exercice ne
demande qu'habitude, et sa récompense est la constatation qu'ainsi se tournent
vite les pages.
Le second truc m'est plus personnel. Il s'agit
de lire en prêtant au texte l'attention suffisante pour se donner la bonne
conscience de l'avoir véritablement lu, tout en laissant mon esprit vagabonder
vers, ou autour , d'autres œuvres qu'évoque ma laborieuse lecture.
Pour Auto-da-fé,
du moins jusqu'à cette page 341, ces œuvres sont : Corrections et Extinction de
Thomas Bernhard, La disparition de
Georges Pérec et Flatland.A Romance of
Many Dimensions (1884) du théologien et philologue anglais Edwin A. Abott
(1838-1926).
L'esprit le
moins prévenu a tout de suite observé qu'il ne semble y avoir aucun rapport de
la moindre sorte entre ces ouvrages, autre que d'être tous quatre considérés
comme des romans.
Les Thomas
Bernhard me furent chaudement recommandés par un ami, philosophe présocratique
assez autoritaire, le Perec par un ami auteur d'un roman à contrainte (
contrainte qui ne m'apparut que lorsque l'auteur me la révéla), quant à Flatland, je le dénichai tout seul lorsqu'en
fut publié la traduction française,sous le titre Flatland, en 1968.
Nous savons
que le génie de Thomas Bernhard repose sur l'élimination de tout alinea,
offrant ainsi au lecteur de rigoureux et sombres rectangles de caractères que
n'aére nulle ligne creuse ou même un tout petit peu creuse, espaces intimidants
où l'on ne pénètre qu'au marteau-piqueur. Aussi tenter de le lire est-il une
épreuve, je la surmontai, et en garde un souvenir effrayé.
Dans La disparition, l'oulipien Georges Perec
réussit la gageure de ne pas employer une seule fois (enfin... attention! spoiler : une fois ) la lettre la plus
fréquente dans la langue française : le "e". Le roman est bon.
Pour Flatland, Edwin A. Abott imagine un
monde à deux dimensions, tout ici,
choses et êtres vivants, n'a que longueur et largeur mais aucune hauteur – et c'est
dans un univers sans volume que se meuvent des personnages également plats.
L'inspiration est swiftienne.
Le point
commun entre ces œuvres est d'être soumises à une contrainte, qui est un jeu sémantique
chez Georges Perec, une ruse satirique chez Edwin A. Abott, un épate-bourgeois
chez Thomas Bernhard.
Mais quel
rapport avec Auto-da-fé ? Il est fort
ténu – il n'y a point de contrainte en ce texte, mais un procédé ( dire le fantasmé exactement comme le réel, le perçu comme l'existant ), procédé filé ad nauseam – mais ce lien fut suffisant
pour que j'échapasse à la pesanteur du texte tout en en poursuivant la dure
lecture.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerpriere de me pardonner mes fautes de frappe : j ecris ( en Russie) sur un clavier que je ne maitrise pas.Cela dit, j ai eu envie de commenter votre remarquable billet d hier ( commentaires dans lesquels je comptais emettre quelques reserves) Ayant constate qu aujourdhui, vous aviez censure jazzman et bar qui sont generalement de bonne compagnie, j ai decide de m abstenir. Qu ont ils donc ose dire pour que le gentleman que vous etes refusiez de leur dopnner la parole?
RépondreSupprimerJe n'ai, cher Monsieur, rigoureusement rien supprimé, et je découvre à l'instant ces suppressions qui ne sont pas de mon fait.
SupprimerCommentez commentez...
Et je vais fouiller dans "paramètres" pour tenter de découvrir la clef de ce mystère...
Bref, en gros, on peut dire que vous n'êtes pas emballé ! Après Sarraute, Canetti : je pense que vous devriez cesser de m'écouter…
RépondreSupprimerMais si nmais si , je vous écouterai et suivrai vos conseils -- sauf pour les prisnobel...
Supprimertiens, un n superflu (contrainte?)
SupprimerOui, 600 pages sans la moindre trace d'amour. Vers la fin on y espère (sans y croire) voir venir quelque chose du frère... mais non, ce ne sera pas mieux que les autres. Je vous rejoins, c'est un procédé, un exercice. Il y en a de plus agréable.
RépondreSupprimerQuand je disposais de plus de temps, j'entreprenais la lecture de deux livres quand l'un me fatiguais , je passais à l'autre. Sur le fait de sauter quelques lignes quand cela ne nuit pas à la compréhension de l'ouvrage, je l'ai fait aussi mais vraiment pour des bouses selon mon jugement.
RépondreSupprimerBonne journée
Merci
RépondreSupprimerBonne journée à vous également!
Mon épouse a hérité de feu ses Parents, plutôt sa mère, une fort belle série reliée et intégrale de chaque ouvrage ayant engendré ce fameux prix Nobel attribué à son auteur, de 1901 à 1966 (elle date en effet des années 60.
RépondreSupprimerHélas, mille fois hélas, il n'y en a pas un sur dix qui soit convenablement intéressant...
A votre différence, quand un livre m'ennuie, il me tombe des mains et regagne sans plus attendre son emplacement...
Et pourtant, je suis un abominable rat de bibliothèque...