Est-il sage d'attaquer l'épouse d'un
adversaire politique?
Il y a bien des années, le meurtre d'un
petit gigolo, d'ailleurs assez beau gosse, nommé Marcovic fit naître une affaire d'un retentissement inouï et
dont les conséquences politiques furent proprement extraordinaires – mais à
l'opposé des espérances de ses instigateurs.
Pour mes jeunes lecteurs, ou mes
contemporains dont les années ont blessé la mémoire, rappelons que ce Marcovic
était, comme on l'apprit vite, un intime de M. Alain Delon (et, murmurait-on,
encore plus intime de Mme Delon...), cela fit de l'éclat (multiples Unes promettant de croustillantes révélations), tumulte qui enfla de la
rumeur affirmant que M. et Mme Pompidou étaient amis de M. Delon et de ce fait
avaient, ou auraient pu... la distinction fut laissée floue, croisé,et même
fréquenté le beau Marcovic.
En ce même temps, on prêtait, et je pense
plus à tort qu'à raison, à M. Pompidou des ambitions
présidentielles, ce qui en faisait, pour certains de ses camarades politiciens,
un concurrent, et un concurrent à abattre.
Nous ne saurons jamais dans quel cerveau
d'argousin de basse police naquit l'idée de la machination, mais machination il
y eut , et bientôt courut le bruit, habilement sussuré aux oreilles de
journalistes, qu'il y avait quelque chose
entre Mme Pompidou et Marcovic, ce qui, dans les milieux bien informés, devint
le récit de partouzes durant
lesquelles se mêlaient orgiaquement acteurs fameux, bellâtres entretenus et
éminence premierministérielle.
Pour accréditer la chose, il fut fabriqué
des photos, grossièrement truquées car cela se passait avant Photoshop..., montrant en position plus
que compromettante la femme du futur (?) César.
Restait à insinuer qu'une bien
compréhensible jalousie, ou la crainte du scandale, ou la simple méchanceté,
avait poussé l'époux outragé (ou trop complaisant, car ces fabrications ne se
soucient ni des incohérences ni des contradictions) à charger quelque spadassin
d'envoyer dans un monde meilleur le beau Marcovic.
Comme il se doit, ce roman parvint aux
oreilles du principal intéressé, qui fut ulcéré non tant qu'on cherchât à lui
nuire aussi bassement, mais qu'on s'en prît à l'honneur d'une femme qu'il
aimait et respectait.
Aussi souhaita-t-il que le Chef de l'Etat,
dont il se croyait proche et aimé, prît hautement sa défense et anéantît les
calomnies, las, M. De Gaulle jugea la chose insignifiante, et la traita avec
une désinvolture telle que le mari blessé crût que son maître ne rejetait pas
totalement les récits malveillants.
Se croyant délié de toute fidélité, M.
Pompidou prononça un discours romain signifiant qu'en cas de retraite de M. De
Gaulle, lui Pompidou était prêt à tenir les rênes du char de l'Etat, annihilant
ainsi la fameuse menace "Moi ou le chaos", aussi un référendum fut-il
joué et perdu, et M. Pompidou entra, victorieux, à l'Elysée.
En l'an 2017, les gens de medias firent
éclater une affaire (qui n'est une affaire
que parce qu'ils la nomment ainsi) mettant en cause un politicien professionnel,
M. Fillon, dont j'avais appris l'existence il y a quelques mois par des propos
dont la rare veulerie m'amusa assez pour
que je lui consacrasse ici même un ironique billet.
Nous pouvions donc penser que confronté à un
Fillongate, cet homme allait se
retirer sur ses terres la queue basse et retourner pour toujours à cette
obscurité qui lui sied si bien.
Mais... ô imprudente maladresse!, d'assez
crétins journalistes baptisèrent l'affaire Penelopegate,
prenant ainsi pour cible l'épouse plus que l'époux à abattre.
M. Fillon, reconnaissons-lui cette qualité,
aime et respecte Mme Fillon. L'on comprend que pour lui ce Penelopegate demandait une riposte appropriée à l'outrage, et
aussitôt, tel un héros de bande dessinée jaillissant d'un corps maigrelet pour
devenir un superhéros herculéen, le
voilà qui tonne et rugit, défiant ses ennemis et clamant sa volonté redoublée
de combattre jusqu'à la victoire.
Connaîtra-t-il le même destin que M.
Pompidou?
Why
not?