J'ai toujours éprouvé pour les faits-divers le plus vif intérêt, aussi
étais-je fort heureux de collaborer, il y a quelques décennies, à un
hebdomadaire spécialisé en ce matériau, apprenant des reporters envoyés sur le
terrain la réalité d'affaires souvent sanguinolentes, ce qui était ensuite écrit
et publié, that's another story.
Le fait-divers n'est autre que la révélation
d'une action humaine qui sort de l'ordinaire –ordinaire des conduites ou des
normes sociales --, et donc nous instruit sur la capacité de l'être humain à
bafouer ces règles, sur les motivations qui l'y conduisent et, parfois, sur la
rare ingéniosité qu'il y emploie.
Au-delà de l'auteur de l'acte, généralement
criminel, le fait-divers est un puissant indicateur des mœurs et coutumes, et
état d'esprit (ce que l'on nomme aujourd'hui mentalités) des individus qui vont y être mêlés pour enquêter,
punir et raconter , et ce traitement apporté à une action humaine singulière
est le plus exact miroir d'une société.
La caractéristique première de ce traitement
est qu'il tend à grossir l'affaire; comme le pêcheur qui aumente la taille de
la carpe prise, policiers et magistrats se valorisent, tant à leurs propres
yeux qu'à ceux de leurs employeurs et du public, en déguisant le banal en exceptionnel, rien de plus
humain, et dont il faut se résigner à s'accomoder. Quant aux journalistes, que
le sensationnel fasse vendre est le b a ba de leur métier; ils savent que ce
sont les mots (particulièrement les adjectifs) qui créent le sensationnel, non le fait en soi, de ces
mots, ils ont une ample réserve, c'est même leur capital.
A ces catégories professionnelles, dont nous
constatons l'activité déformante (mensongère?) dans les histoires (dès
l'invention de l'écriture) et les gazettes (dès M. Renaudot) se sont ajoutés,
depuis peu.., les politiciens, pour
qui certains faits-divers qu'ils rendent
spectaculaires par des artifices rhétoriques bien connus est une occasion
miraculeuse d'augmenter ou affermir (rattraper?) leur pouvoir.
Les politiciens ont , sur les
autres conteurs de faits-divers, l'avantage de pouvoir édicter des lois au service de leurs intérêts, ainsi
de cette loi donnant à un certain
crime une définition si large et si imprécise que l'on peut y faire tomber bien
des actes qui, selon le semble bon sens, et un honnête dictionnaire, n'en
relèvent pas (il s'agit du terrorisme).
Si, selon la définition du grand Leopold von
Ranke, l'Histoire consiste à écrire ce
qui s'est réellement passé, on aura compris qu'il n'en va pas de même pour
le récit journalistique ou le touitt
de politicien (ni pour le blogueur
militant , qu'il soit "de gauche" ou "de droite"), et le
souci de l'information s'efface comme le sourire du chat de Cheshire, de
celui-ci, il demeure une délicieuse image, de celui-là, rien.
C'était mon commentaire sur l'affaire d'un mahométan imbécile qui a tué son
employeur, pour avoir eu l'audace de lui reprocher de mal travailler.
P.S.- J'ai commencé de regarder la série The newsroom, écrite par M. Aaron
Sorkin, qui est d'une grande qualité
intellectuelle, et dont le sujet est la
possibilité d'une information objective; voilà qui mériterait une analyse
argumentée, que, par paresse, je ne ferai pas.