Je viens de lire avec un vif plaisir, dans la
fort bonne traduction française de l'abbé Mallet, avec un apparat critique de
l'avocat troyen Grosley ( auteur de l'utile traité De l'usage de battre sa
maîtresse ), l' Histoire des guerres
civiles de France sous les Règnes de François II, Charles IX, Henri III &
Henri IV (Amsterdam, 1757, 3 vol. in-4) de l'historien et homme de guerre
Henri Caterin Davila, publiée originellement en italien à Venise en 1630
(nombreuses éditions postérieures et traductions en espagnol, latin...).
Les mérites de cette œuvre sont trop connus
pour que je m'y attarde, aussi citerons-nous seulement quelques faits qui,
peut-être, sont oubliés des jeunes générations.
En l'an de grâce 1595, le duc d'Aumale, de
la Maison de Lorraine, manifeste un grand mécontentement de l'Arrêt du
Parlement de Paris qui l'a condamné, pour crime de Leze-Majesté, rebellion
etc., à être "traîné sur une claye jusqu'à la place de Grève, que là, il
serait tiré à quatre chevaux, que ses membres seraient attachés aux quatre
portes de Paris & sa tête mise au bout d'une pique & placée au haut de
la rue Saint-Denis. (... ) encore radiation de ses armes, confiscation de ses
biens, infamie pour ses Descendants, démolition de ses maisons & sur les
ruines de son château d'Anet serait élevé une colonne où l'arrêt serait
gravé."
Le duc d'Aumale se trouvant alors assez
éloigné de Paris, il ne fut éxécuté qu'en effigie (et le château d'Anet se
visite de nos jours).
Eut moins de chance Jean Chatel qui, pour
avoir tenté de poignarder Henri IV, fut condamné à être "mené à la Grève
dans un tombereau, là tenaillé aux bras et aux cuisses avec des tenailles
ardentes & qu'après qu'on lui aurait coupé la main, qui tiendrait le même
couteau avec lequel il avait blessé le Roi, il serait tiré à quatre chevaux,
son corps brûlé et ses cendres jetées au vent."
Ce
programme fut éxécuté point par point, sous les applaudissements du peuple.
Transportons-nous au siège de Ham, en
Picardie, toujours en 1595, durant la guerre qui oppose les armées de Sa
Majesté Catholique Philippe II à celles de Sa Majesté Très-Chrétienne Henri IV.
A la tête des assiégeants se trouve le Comte
de Fuentes qui détient en prisonnier de
guerre Louis de Gomeron, gouverneur de la place assiégée, laquelle se
défend et "commença à faire tirer le canon sur l'armée Espagnole. Le Comte
de Fuentes irrité [c'est moi qui
souligne] fit amener & décapiter
[idem] Gomeron à la vue du Château, en présence de toute l'armée."
(Comme on
le sait , la décapitation
est réservée aux gentilshommes, le vulgum pecus étant pendu, ou passé au fil de
l'épée).
Même si je m'efforce de ne pas lire les
journaux, il m'arrive, au tabac de mon village qui fait également commerce des
gazettes, de laisser entrer dans mon champ de vision quelque gros titre rendant
compte, en dénonçant, s'indignant etc., de l'actualité -- ce matin avait
la vedette une barbarie pratiquée par
des étrangers barbus et vivant dans des contrées exotiques.
Nous disserterons une autre fois sur le
caractère absolu – ou relatif ? – de ce bien
et de ce mal qui peuvent , ou non...,
varier selon les siècles et les lieux, et ne suggérerons pas qu'il y a des
hommes qui semblent simplement, pour certains de leurs actes, s'être trompés
d'époque.
Mais quiconque utilise les plus joyeuses avancées technologiques (drones,
missiles, etc.) pour lancer sans aucun risque des bombes qui déchiquétent
bergers (à pilosité faciale) et bergères (voilées), prouvant ainsi son ancrage dans la modernité, ne fait que
satisfaire le plus juste des impératifs catégoriques, et ne recueillera que des
louanges.