david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

vendredi 26 septembre 2014

Décapitation et barbarie



 Je viens de lire avec un vif plaisir, dans la fort bonne traduction française de l'abbé Mallet, avec un apparat critique de l'avocat troyen Grosley ( auteur de l'utile traité De l'usage de battre sa maîtresse ), l' Histoire des guerres civiles de France sous les Règnes de François II, Charles IX, Henri III & Henri IV (Amsterdam, 1757, 3 vol. in-4) de l'historien et homme de guerre Henri Caterin Davila, publiée originellement en italien à Venise en 1630 (nombreuses éditions postérieures et traductions en espagnol, latin...).
   Les mérites de cette œuvre sont trop connus pour que je m'y attarde, aussi citerons-nous seulement quelques faits qui, peut-être, sont oubliés des jeunes générations.
   En l'an de grâce 1595, le duc d'Aumale, de la Maison de Lorraine, manifeste un grand mécontentement de l'Arrêt du Parlement de Paris qui l'a condamné, pour crime de Leze-Majesté, rebellion etc., à être "traîné sur une claye jusqu'à la place de Grève, que là, il serait tiré à quatre chevaux, que ses membres seraient attachés aux quatre portes de Paris & sa tête mise au bout d'une pique & placée au haut de la rue Saint-Denis. (... ) encore radiation de ses armes, confiscation de ses biens, infamie pour ses Descendants, démolition de ses maisons & sur les ruines de son château d'Anet serait élevé une colonne où l'arrêt serait gravé."
  Le duc d'Aumale se trouvant alors assez éloigné de Paris, il ne fut éxécuté qu'en effigie (et le château d'Anet se visite de nos jours).
   Eut moins de chance Jean Chatel qui, pour avoir tenté de poignarder Henri IV, fut condamné à être "mené à la Grève dans un tombereau, là tenaillé aux bras et aux cuisses avec des tenailles ardentes & qu'après qu'on lui aurait coupé la main, qui tiendrait le même couteau avec lequel il avait blessé le Roi, il serait tiré à quatre chevaux, son corps brûlé et ses cendres jetées au vent."
   Ce programme fut éxécuté point par point, sous les applaudissements du peuple.
   Transportons-nous au siège de Ham, en Picardie, toujours en 1595, durant la guerre qui oppose les armées de Sa Majesté Catholique Philippe II à celles de Sa Majesté Très-Chrétienne Henri IV.
   A la tête des assiégeants se trouve le Comte de Fuentes qui détient en prisonnier de guerre Louis de Gomeron, gouverneur de la place assiégée, laquelle se défend et "commença à faire tirer le canon sur l'armée Espagnole. Le Comte de Fuentes irrité [c'est moi qui souligne] fit amener & décapiter [idem] Gomeron à la vue du Château, en présence de toute l'armée."
   (Comme on le sait , la décapitation est réservée aux gentilshommes, le vulgum pecus étant pendu, ou passé au fil de l'épée).
    Même si je m'efforce de ne pas lire les journaux, il m'arrive, au tabac de mon village qui fait également commerce des gazettes, de laisser entrer dans mon champ de vision quelque gros titre rendant compte, en dénonçant, s'indignant etc., de l'actualité  -- ce matin avait la vedette une barbarie pratiquée par des étrangers barbus et vivant dans des contrées exotiques.
   Nous disserterons une autre fois sur le caractère absolu – ou relatif ? – de ce bien et de ce mal qui peuvent , ou non..., varier selon les siècles et les lieux, et ne suggérerons pas qu'il y a des hommes qui semblent simplement, pour certains de leurs actes, s'être trompés d'époque.
   Mais quiconque utilise les plus joyeuses avancées technologiques (drones, missiles, etc.) pour lancer sans aucun risque des bombes qui déchiquétent bergers (à pilosité faciale) et bergères (voilées), prouvant ainsi son ancrage dans la modernité, ne fait que satisfaire le plus juste des impératifs catégoriques, et ne recueillera que des louanges.

2 commentaires:

  1. Il est vrai que la manière de tuer est très importante. Qu'importent les heures de terrible agonie que connaîtra la victime collatérale d'un bombardement ciblé ? La méthode est moderne, et ne saurait donc être barbare... Le plus choquant est le côté artisanal et archaïque de l'égorgement. De plus, un égorgé de plus ou de moins, depuis le temps que nos amis islamistes pratiquent cette technique ne devient vraiment scandaleux que quand c'est un compatriote...

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  2. C'est vrai que l'insistance sur le côté "barbare" de la décapitation depuis quelques jours m'amuse beaucoup. Vous avez très bien relevé pour quelles raisons.

    On peut encore rappeler que jusque dans les années 80 la peine de mort en France était infligée par guillotine. Que de temps parcouru en 30 ans...

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