J'ai eu, pour délaisser ce blog (italiques, et sic...) de bonnes
raisons – mon mépris pour internet,
ce féroce outil d'asservissement et d'abrutissement, mon dégoût pour la lecture
de fichiers informatiques ( et ce que j'offre ici pour votre lecture, ô
lecteurs ô lectrices, est, par une fâcheuse coïncidence, un fichier informatique, mais que dire des
superbes et étranges contradictions de l'âme humaine?...) -- et de mauvaises raisons, mon hédoniste
paresse, un assez bien fondé nihilisme, et le fait qu'il ne se produit rien
dans le vaste monde qui présente le moindre intérêt, non parce qu'il
n'arriverait rien qui ne pût susciter une analyse sociologique mettant au jour
certains mécanismes ou plus simplement provoquer des glapissements de colère,
mais parce que tout ce qui aujourd'hui arrive est déjà hier arrivé (et, bis
repetita non placent).
Quoique, pour être plus exact, ce que
fournit l'information, que je glane de préférence dans des gazettes exotiques,
en évènements (spectaculaires, scandaleux, bien tristes) n'est que la
continuation logique de ce que nous avons déjà vu mais, puisque les actions humaines
sont cumulatives, tout est chaque jour un peu plus gros, un peu plus effrayant,
ou désolant, pour le dire vulgairement, c'est toujours la même chose, seulement
à chaque fois en un peu pire.
Quoi de moins neuf que la manipulation du
langage, dont nous pouvons trouver à tout instant de remarquables exemples?
Notre vocabulaire s'enrichit jadis,
essentiellement au temps du peuplement de masse des Etat-Unis, des immigrants, ces hommes qui quittaient leur pays natal pour tenter
d'arriver en de plus vertes prairies.
Puis nous eûmes les immigrés --les mêmes, mais
arrivés, et installés.
Ces immigrés s'intallérent non seulement dans nos banlieues mais aussi dans notre langue durant quelques décennies, ils
en furent il y a peu chassé par les migrants;
privés de l' im, ceux-ci sont en même
temps privés de toute résidence, ils ne sont plus que des passants toujours en
mouvement, des sortes de touristes,
mais qui se refuseraient à l'achat d'un billet de retour.
Est-ce parce qu'il y a quelque chose de
barbare dans la consonnance du migrant (et dans la substantivisation d'un
participe présent, mais nous avons rejeté purisme, et bon langage) ? Le migrant
fut bientôt détrôné au profit du réfugié,
qui occupe désormais le haut de l'affiche politico-médiatique.
Pour s'enthousiasmer en faveur de l'immigré,
et de l'éphémère migrant, le célèbrer, le vouloir couvrir de tous les
bienfaits, il faut être mû par des raisons idéologiques (de même que pour le
honnir il faut être empli de préjugés), il est donc difficile que l'unanimité
se fasse en sa faveur (ou d'ailleurs contre lui, et je remets à des jours
meilleurs l'exposé de ma conviction que le préjugè fonde toute idéologie) -- mais le réfugié!
Le réfugié est un individu qui quémande un refuge car il a été chassé de son foyer
par d'abominables malheurs dont sont responsables des méchants et dont il est
absolument innocent, il est donc, par nature et par essence, un malheureux --et qui oserait refuser sa pitié (et l'argent
de ses voisins) à un malheureux, son (ou ses) épouse(s), et leur attendrissante
progéniture?
L'invention du réfugié a pour fin d'éliminer la raison au profit de l'émotion,
seul moteur des réactions de nos contemporains.
Lesquels, ne cessant d'être émus
(bouleversés, indignés, etc.), peuvent aussi être prompts à abandonner demain ce
qui hier faisait saigner leur petit cœur.