Les
ruines de Palmyre n'ont jamais eu pour moi, si loin que je fouille dans ma
mémoire, la moindre utilité, j'en ai quelques images dans divers ouvrages que
j'ai parcourus, je les ai, ces ruines, trouvé pittoresques, et même assez
réussies pour figurer dans un film post-apo
tel Mad Max XIV, mais, sauf phénomène
inédit qui entraînerait l'effacement de la représentation en même temps que
celui de la chose représentée, je pourrai toujours en contempler à mon gré les
images, quoiqu'il leur advienne, et leur plus funeste sort ne m'appauvrirait,
ni ne m'enrichirait.
D'autant que je me sentais plus d'humeur, ce
matin, à déplorer la disparition des
jardins suspendus de Babylone, dont nous n'avons pas le moindre croquis,
quant au Colosse de Rhodes, je dois me contenter de sa reconstitution (fantaisiste?)
dans le film du même nom de Sergio Leone.
Revenons pourtant à Palmyre, cette
ville-oasis où demeurent 170.000 êtres humains qui paraissent assez mal logés,
et qui n'ont pas eu l'idée, pourtant simplette, de réparer ces fameuses ruines
pour en faire de décentes habitations.
Au jour et à l'heure où j'écris, selon Al Jazeera, gazette mieux informée et
plus objective que ses homologues français, les prestigieuses colonnades sont
toujours intactes malgré l'invasion des cohortes de barbares mahométans, seules
quelques statuettes auraient été vendues, ce qui nous assure de leur sécurité.
Demain peut-être, ou même ce soir, ces
ruines ne seront plus que des ruines de ruines , mais ce matin cette vision
d'avenir n'est qu'une peur, et a donc déclenché,
comme toutes ces peurs dont se goinfrent mes contemporains, un flot d'émotions
allant de l'indignation à la colère (qui feraient mieux de se manifester face à
la vandalisation systématique du paysage français par l'érection de bâtiments
de la plus abominable laideur).
Mais un désastre
paraît déjà certain : l'évènement est une catastrophe
pour les tour-operators , ces commerçants qui transportent en charters un
bétail humain ignare, arrogant et vaniteux, dont la présence détruit la beauté,
et le sens, de tout site que magnifia l'art.
Puis-je qualifier ce désastre de bonne nouvelle?
Et si le pire arrive, pourquoi ne pas
reconstruire ces ruines dans un lieu d'un plus clément climat, par exemple à
Disneyland, dans un enclos appelé New
Palmyre?
Les tour-operators se réjouiraient d'y
emmener leurs troupeaux, les selfies devant les colonnades
continueraient de fleurir sur les réseaux
sociaux, et ainsi se consommerait enfin la fusion du patrimoine (de
l'Humanité) et de la modernité.