Un billet dominical de M. Corto ( l'adresse
de son blog "A toi l'honneur!" se trouve
ci-contre à droite ) a attiré mon attention sur un certain individu qui semble
être une sorte de malfaiteur et vient
de créer une entreprise de délation au service de la police de la pensée et
inquisiteurs assortis.
J'ai eu
la curiosité de chercher quelques renseignements supplémentaires sur ce quidam,
et les ai trouvés d'une part sur Pipipedia, d'autre part dans un article d'un
quotidien vespéral connu pour être la conscience de la bourgeoisie-de-gauche.
A la lecture de ces textes, ce malfaiteur m'apparut comme un innocent
persécuté par des argousins aussi cruels que fourbes, des magistrats
prévaricateurs ( mais d'autres magistrats le lavérent des accusations portées
contre lui ) et des confréres dont la lâcheté est proportionnelle au nombre de
décorations qui égayent leur robe noire.
Je frémis, et fus pris d'un grand désir
d'écrire un petit texte coléreux pour défendre cet homme – la mauvaise action
qu'il commet aujourd'hui ne pouvant justifier de se taire sur les injustices
dont il fut naguère accablé.
Puis je réflèchis, et remarquai que je ne
disposais sur toute l'affaire que d'informations fragmentaires, et peut-être
orientées.
Je me
rappelais aussi une anecdote.
Il y a quelques années, un de mes amis,
universitaire de grand renom et historien respecté, prit publiquement fait et
cause, notamment dans les colonnes du fameux quotidien vespéral, pour un innocent accusé de crimes ( il
s'agissait de viols ) et condamné sur
les mensonges, manipulations et manigances diverses d'argousins fourbes et cruels qui convainquirent des
juges fanatiques de la répression d'expédier en prison ce nouveau Calas.
Proclamant qu'il avait usé de toute sa
science d'historien pour étudier le dossier et en débusquer les erreurs et
trucages, mon ami mena une ardente campagne de presse sur le théme de
l'innocence bafouée et de la vérité insultée, et son protégé fut libéré.
Peu
après, je lus à la Une d'un
quelconque journal que l'objet de tant de vigoureuses sollicitudes venait
d'être à nouveau arrêté -- encore sous
l'accusation de viol.
Ce même
jour, je déjeunais avec mon ami.
-- C'est
abominable, dis-je tandis que l'on nous servait un copieux et délicieux foie
gras artisanal. C'est une vengeance policière contre ce pauvre X***.
Et, alors
que j'ai toujours refusé de signer la moindre pétition – car je ne signe que ce que j'ai écrit --, entraîné par
mon indignation, je prononçai ces paroles:
-- Rédigez
vite une pétition pour soutenir cet innocent, je la signerai.
Mon ami
reposa son verre de vin de Sauternes, me regarda – je lui trouvai un air
catastrophé, comme s'il venait de découvrir qu'il avait omis un iota dans une
citation de Thucydide.
--Hélas,
murmura-t-il, mon frère est l'avocat de X***, et je viens de lire tout le
dossier –X*** est indiscutablement coupable.
( La suite nous apprit qu'il était également et indiscutablement coupable des précédents crimes, et que la méthode
historique universitaire n'est pas toujours appropriée à la résolution de
mystères plus contemporains).
De ce
déjeuner ( le tournedos Rossini était succulent, et je ne crains pas l'excès de
foie gras), je tirai la leçon qu'il faut se méfier de ses émotions, et connaître toutes
les pièces d'un dossier avant de juger.
Et
pourtant...
Un premier mouvement me porte toujours,
lorsque je lis un fait-divers, à prendre le parti du faible contre le fort – et
il n'existe pas plus faible que l'individu isolé face à l'omnipotente machine
de la police et de la justice --, mouvement conforté par le caractère grotesque des preuves de
culpabilité énoncées par les medias, alors que je sais que, le plus souvent, le fort a raison contre le faible,
que, le plus souvent, les accusés sont réellement coupables, et que, quasiment
toujours, ce que je vois dans les medias ne montre que l'incompétence des
journalistes, et non les lacunes ou erreurs d'un dossier.
Je sais
aussi que je ne pourrai jamais maîtriser mes émotions, que je ne cesserai
jamais de me sentir saisi d'indignation
au récit de tout semblant d'injustice, à la pensée de l'innocent croupissant
dans une geôle..., aussi ai-je décidé de ne jamais écrire une ligne sur de telles
affaires.
A moins... à moins qu'un jour je ne puisse
réellement connaître toutes les pièces de l'accusation et de la défense et
décider par ma seule et froide raison, sans voir un faible et un fort , mais
seulement des faits; il n'y a aucune
chance que les medias m'apportent cette connaissance, et donc toutes chances
que, sur ces faits-divers, je garde le
silence.
Petit ajout :
à trois ou quatre reprises, de malheureuses-victimes-d'une –injustice vinrent
me proposer de publier le dossier de
leur affaire.Je lus ces dossiers.Ils étaient convaicants – à condition
d'oublier qu'ils n'étaient que le dossier d'une partie, et je ne publiai rien.
Vous avez un beau cas d'innocent en prison en la personne d'un certain Estéban Morillo. Toutes les pièces du dossier montrent son innocence, les preuves abondent, tout est absolument limpide dans cette affaire, mais il paraît que c'est un néo-nazi, donc, même innocent, il mérite la mort.
RépondreSupprimerSage décision.
RépondreSupprimerAvant que mon commentaire lapidaire n'entraîne un fâcheux malentendu, je m'empresse de préciser qu'il répondait au billet de M. Desgranges et non au commentaire de Marco Polo ci-dessus.
SupprimerEn effet !
SupprimerJe crains même qu'en possession de toutes les pièces on soit bien en peine de démêler le vrai du faux. Comme vous le dites pour conclure, le dossier de l'"innocent" est convaincant. Celui de l'accusateur ne l'est pas moins. Seul le "présumé innocent" (et parfois certains de ses accusateurs) sait vraiment ce qu'il en est. C'est pourquoi je n'aimerais pas être amené à juger et ma foi en la justice est bien fragile.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerJ'ai supprimé ce commentaire contenant un nom de personne, que je n'avais volontairement pas écrit.
RépondreSupprimerPourtant vos lecteurs - si auditeurs de RTL - sauront probablement la deviner, puisqu'une affaire absolument à tout point semblable a été relatée il n'y a même pas 3 mois à l'émission "l'heure du crime"...
SupprimerAmike
"Un premier mouvement me porte toujours, lorsque je lis un fait-divers, à prendre le parti du faible contre le fort".
RépondreSupprimerC'est dit sans méchanceté aucune, mais c'est exactement ce que disait Oswald Baudot dans sa célèbre harangue aux jeunes magistrats. Ça a donné la justice que nous connaissons et subissons aujourd'hui. Du coup, j'ai plutôt tendance à préférer une petite injustice de temps en temps à un grand désordre.
"Une injustice est un désordre", a écrit Charles Maurras à propos de la trop fameuse phrase de Goethe.
RépondreSupprimerTous coupables, disait le supérieur de Mattéi dans le film de Melville: "Le cercle rouge".
RépondreSupprimerPour paraphraser le Judge Dredd, "60 millions de français, 60 millions de coupables" et appliquer l'adage :"la violence contre la violence".
Pour Dredd, on a les références culturelles que l'on peut.
Dredd : le film avec Stallone était assez rigolo, le récent remake n'est pas trop mal.
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