Je ne me
prosterne pas devant le Dieu Internet.
Ce dieu n'est qu'un outil ( nouvelle technologie serait plus exact,
mais cette expression est inélégante ), ses effets sont , comme pour tout
outil, en partie fastes et en partie néfastes, il produit des changements dans les activités
humaines, il n'a pas encore produit une révolution de l'ampleur de celle
qu'engendrérent l'invention de la
machine à vapeur et la domestication de l'électricité.
Je sais
aussi qu'internet n'est qu'un sous-produit du calcul binaire ( merci, M.
Turing...) et de l'informatique, celle-ci n'est pas mon sujet.
Internet
permet aux humains de communiquer, et de communiquer instantanèment ( ou
presque).
Internet
permet donc d'envoyer, à la vitesse de la lumière ou à peu près, une commande à
un vendeur par correspondance, de trouver vite fait bien fait des amateurs de
galipettes qui cherchent des amateurs de galipettes, de recevoir sur un écran
tout fichier informatique contenant texte, image ou son, de jeter des
bouteilles à la mer sous forme de message
afin de retrouver un ami perdu de vue, et de diffuser immédiatement dans le
vaste ether tout mot , ou suite de mots, qu'a pu formuler un cerveau humain,
sans qu'en importe le sens.
Voilà qui
est fort bien.
Voilà qui
existait auparavant, sous des formes plus lentes, et dont l'élaboration
demandait plus d'effort.
Ce qui
caractérise internet, ce qui le sépare des antérieurs moyens de communication
entre humains, c'est sa vitesse (
instantanéité, même ), sa facilité d'utilisation et son coût proche de zéro
( mais non égal à ).
Les humains
se sont rués sur ces qualités.
Et c'est
nécessairement qu'en utilisant internet ils ont abandonné ces formes qui
polissaient naguère les rapports entre êtres humains, car l'emploi de ces
formes commande du temps ( un peu ), demande même parfois un peu d'attention (
qui est un effort ) , et il eût été insensé d'utiliser le nouvel outil pour ses qualités
de vitesse tout en le ralentissant par l'observation d'anciennes coutumes.
Il est donc
tout-à-fait normal , je dis même : il ne peut en être autrement, que les utilisateurs
d'internet ( oui, il y a des exceptions – il y a toujours, heureusement, des
exceptions ) envoient des e-mails
sans assurer de l'expression de leurs
sentiments distingués, tutoient des inconnus sur des forums, commentent avec des onomatopées, répondent
d'un smiley à un énoncé ontologique ,
abandonnent orthographe et syntaxe, et communiquent
sans se soucier de la personne avec qui ils "communiquent", ni même
s'inquièter de s'adresser à une quelconque personne car le message est ici
devenu sa propre et seule finalité.
Mais
nierais-je que dans son infinie bontè le Dieu Internet fournisse une masse d'information supérieure à tout ce que
peuvent contenir encyclopédies, dictionnaires et tous les volumes de la Library
of Congress? Oh non ! Le Dieu dispense, gratuitement et accessible d'un simple click, et par milliards de
lettres et syllabes parfois aléatoirement assemblées, un jet continu d' information , dont l'abondance égale
l'indifférenciation, l'absence de tout contexte et de toute hiérarchie, où le
faux égale le vrai tandis que l'approximatif se taille la part du lion,
information agrémentée de liens qui
incitent le lecteur à sautiller de sujet en sujet, de bribes de faits en ombre
de connaissance pour enfin s'engloutir en des débris de savoir.
Mais
nierais-je encore que dans son infinie bienveillance le Dieu Internet a créé et
offert aux hommes le plus merveilleux espace
de liberté qui ait jamais existé ? Comme est grand l'aveuglement des dévôts
qui refusent de voir que cet espace est, de tous les espaces où peuvent se
mouvoir les hommes et ce que produisent leurs esprits, le plus surveillé, le
plus réglementé, le plus domestiqué—le plus livré aux multiples espionnages des
agences policières de trop réels Big
Brothers !
Quant aux
hommes et aux femmes qui croient pouvoir braver les lois scélérates annihilant
la liberté d'expression ou la liberté des échanges en se cachant sous un
pseudonyme ou l'anonymat, refusent-ils eux aussi de voir que les barons
d'internet, qui ont consenti à la délation dans l'espoir de conserver l' optimisation fiscale, s'empressent de
livrer aux argousins les identités que leurs machines font semblant de
dissimuler ?
Le samizdat
a abattu la tyrannie communiste – avec de l'encre et du papier. Et des phrases élégantes.
PS. Le fait que ce billet soit publié sur internet ne m'a pas échappé.
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RépondreSupprimerUn ami, qui est un excellent écrivain, auteur de nombreux ouvrages dont la langue est belle et le fond toujours intelligent, m'a écrit, en correspondance privée, ceci, rédigé en facebouque ou tuittère :
RépondreSupprimerLan nui avk le net c kon nora plu de C vigné
é kavek lordi et son klavié on nora plu lé mane uski dé flober.
Je vou zenvoi un peu + ke mé santiman 10 tingué. En nami tié.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerPourquoi écrire sous un pseudonyme, un parce que cela me plait et deux cela m'évite d'être importuné par des gêneurs comme je le fus une fois en écrivant sous véritable patronyme maintenant que l'Etat soit informé, je serais curieux de savoir ce que l'hydre étatique ne connait pas de nous.
RépondreSupprimerPour les formules de politesses, je n'an ai jamais écrit à mes proches et pour les courriers officiels, je me suis toujours emmêler les pinceaux car selon sic'est un home ou une femme , cela devient différents, je n'évoque même la situation sociale, là on tombe dans la névrose.
Pour le tutoiement , je ne l'utilise guère sauf quand la personne me prend la tête, là comme dirait nos jeunes, je ne le calcule même plus.
Pour la syntaxe et l'orthographe, je n'ai jamais été une épée, je compte donc sur la compréhension de mon interlocuteur.
Bien à vous.
"Le samizdat a abattu la tyrannie communiste – avec de l'encre et du papier. Et des phrases élégantes."
RépondreSupprimerA chaque époque ses moyens du moment.
A Athènes (de la grande époque), on débattait sur l'Agora...
A Rome, au Sénat...
Carthago delenda est