david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

mercredi 14 août 2013

Crime et châtiment (III) : la question philosophique



   Voici deux conceptions du crime, de son châtiment, de sa réparation.
   Dans la première, se nomme crime, et seulement se nomme crime, toute agression commise contre un être humain – contre l'intégrité de sa personne ou de ses biens.
   La constatation de cette agression crée pour la victime ( ou ses ayant-droits) un droit sur l'agresseur. Ce droit est proportionnel au préjudice causé, et la victime est libre de l'exercer ou non ( libre de poursuivre cette réparation ou de l'abandonner ). La loi détermine le contenu et les modalités d'exercice de ce droit sur l'agresseur.
   Dans la seconde se nomme crime ( ou délit, ou infraction, peu importe ici cette distinction formelle) tout ce qu'une loi nomme crime, qu'il y ait ou non une victime humaine identifiable: le crime est une offense contre la société.
   Les agressions contre les individus sont punies, et elles le sont que la victime le veuille ou non – qu'elle pardonne à l'agresseur n'empêche pas le châtiment de celui-ci. La peine prononcée contre l'agresseur peut être pécuniaire (une amende au profit de l'Etat ) ou/et corporelle ( pendaison, emprisonnement, coups de fouet...) , elle prime sur toute réparation due à la victime (ce que dit l'adage: le pénal tient le civil en l'état).
  Selon cette conception, l'agression est donc d'abord une atteinte à l'ordre social ( ce qu'elle est effectivement ) et ensuite, accessoirement pourrait-on dire, une atteinte à l'intégrité d'une personne ou de ses biens.
  La loi définit sans la moindre limitation autant d'actes ou de conduites comme contraires à l'ordre social ( nuisibles à la société, i-e à sa richesse commune, à sa puissance, à son image, à ses croyances, à ses coutumes, à ses modes etc.) que peut l'imaginer le législateur.
  Ainsi voit-on, ou a-t-on vu, ou verra-t-on, indiféremment nommer et réprimer comme crime:
  L'homosexualité, le meurtre, le blasphème, l'incendie volontaire, la publication de mauvais livres, la consommation et le commerce d'opium, de poireaux, d'héroïne ou de viande rouge, le port d'un voile dans la rue, les coups et blessures, l'excés de vitesse , le dopage, le viol, la possession de certains chiens, la pédophilie virtuelle, la détention d'armes, l'expression de certaines opinions, le vol, la prostitution, le prêt à intérêt, les galipettes en groupe, le suicide, la culture du cannabis, la cigarette dans les restaurants et la destruction de hannetons protégés...
  La liste est sans fin : il n'y a pas ici de crime en-soi, dont la nature s'impose univoquement, mais une création politique dont l'ampleur n'est entravée que par la fatigue ou le défaut d'imagination du législateur.
  Ce qui motive cette création est l'évolution des mœurs, les demandes de l'opinion publique, l'apparition de menaces, le déficit du budget..., tout acte, toute conduite d'un individu peuvent être prohibés sous la qualification de crime dès que, je dois me répéter, le législateur estime que cet acte , cette conduite, portent, ou peuvent, porter atteinte à la société ( ou même seulement aux community standards américains ).
  Je note en passant que l'on trouvait nombre de crimes sans victimes dans les sociétés de jadis:  c'était essentiellement des infractions à certains préceptes religieux , comme le travail du dimanche.
   Entre ces deux conceptions, j'estime que seule la première est juste; la seconde se fonde sur la peur, l'envie, la cupidité et les superstitions, elle prévaut donc aujourd'hui dans toutes les sociétés et elle assure le triomphe de l'arbitraire le plus despotique sur le Droit.

6 commentaires:

  1. "(ce que dit l'adage: le pénal tient le civil en l'état)."

    Abrogé, depuis la loi du 5 mars 2007...

    Amike

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  2. Je ne lis pas les journaux...
    et cela ne change rien aux principes exposés ici.

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  3. Bonjour,

    Voilà un article informatif et une prise de position qui mériteraient une large diffusion pédagogique. Le public ne comprend rien à la justice parce que la justice est fondée sur ce type de concepts absurdes, tout droit sortis de l'imagination tordue de législateurs souvent plus pervers que cohérents. Bien sûr, que la primauté du crime contre la société ouvre à toutes les dérives, à commencer par l'élimination haineuse de la victime humaine qui en vient à faire les frais moraux et financiers du carnage.
    Pardon de venir faire ici ma pub, mais vous trouverez un développement par l'exemple et nombre de réflexions dans le même esprit à travers ce témoignage/essai :

    http://festin-de-haines.e-monsite.com

    Cordialement,

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  4. Merci...
    Collaborez-vous à l'édition de Voltaire de la V. Foundation ?

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    1. Pas à l'édition de Voltaire. Plutôt spécialisé dans la révélation des "pauvres diables" de génie, peut-être par identification...

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  5. Au rythme où la société va, bientôt sans doute, respirer du bon air et en rejeter du vicié sera qualifiable de crime envers Gaïa quand bien même aucune autre solution ne soit possible pour le maintien en vie biologique.
    Une des caractéristiques de ces crimes est leur propension à engendrer des amendes et autres compensations argentées adressées à l'Etat quand bien même personne ne voit le rapport.

    Merci de ne pas oublier que les turpitudes des hommes politiques comme mentir effrontément à leurs assujettis, présenter des budgets insincères, bidouiller les chiffres, etc... ne sont JAMAIS des crimes...

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