Parmi les
divers ouvrages, savants, que je reçois ce matin, j'en aperçois deux qui, sous
des couvertures à l'élégante typographie, parlent de philosophie, ce vain bavardage et ma vieille ennemie.
Je
n'entends pas ici philosophie dans le
sens, hélas obsolète, que lui donnaient les écrivains du XVIIIème siècle, ni
pour désigner l'amour ou la quête de la sagesse, ce en quoi excella Montaigne,
mais dans l'acception qui prévaut aujourd'hui, et qui désigne ce fleuve de mots qui, de Platon à
Heidegger ( et alii... ) se vautre dans le décorticage de l'être ( la chose se nomme ontologie ) et l'invention de concepts dont la finalité est de faire
disparaître sous un verbe proprement ésotérique toute réalité qu'ils feignent de montrer.
Pour l' être , en écrivant dans son célèbre Poème que l'être est, pensée ainsi
précisée : "Il faut dire et penser que ce qui est est, car ce qui existe
existe , et ce qui n'existe pas n'existe pas: je t'invite à méditer cela." ( traduction
de Clément Rosset, in Principes de
sagesse et de folie, Paris, 1993), Parménide a dit très exactement et très
exhaustivement tout ce qui peut être
dit de l' être : il est , mais, loin d'être méditée, cette vérité, sans doute trop vraie pour des hommes démangés d'abscons
bavardages, fut absolument ignorée, et de cette ignorance naquirent des
millions de pages qui ne nous apprennent rigoureusement rien, sinon qu'est miraculeuse la faculté de l'homme à
construire sur un néant intellectuel des systèmes d'apparence cohérente, dont
les mots, qui ne sont plus que des sonorités évocatrices d'images éthérées que
le lecteur associe à un contenu suggéré par sa seule imagination, peuvent atteindre
à une authentique beauté poétique – ainsi est-il pertinent de rapprocher
Damascius de Lautréamont, pour le meilleur, et d'Isidore Isou, pour le pire.
Le concept
est un outil , qui comme tout outil
est utile lorsqu'il est utilisé pour remplir sa fonction, -- enfant, je crus
même que c'est grâce à leur maîtrise des concepts que les Grecs vainquirent les
Perses ( je ne le dirais pas aujourd'hui) -- et
la philosophie, n'oeuvrant que dans l'abstraction , a fait pénétrer en
tous domaines une infinité de concepts, qui se multiplient d'autant plus
aisément que nulle réalité ne peut en borner le nombre.
Ainsi, tout
ce que connaît ( et, naguère,
simplement voyait ) l'esprit humain
a-t-il été pénétré par d'envahissants et monopolistiques concepts philosophiques, de l'histoire à l'art, de la politique à
la géographie, des sciences aux religions..., tout absolument..., qui en ont férocement vidé toute
signification ( et dont l'on peut observer un résultat concret dans la gigantesque
farce de l' art contemporain, qui est
discours sans représentation); il est permis d'admirer la constance et
l'étendue de cette logorrhée, qu'un souffle pourrait dissiper, si tant de
situations et de prébendes n'en dépendaient.
Selon la formule
fameuse, "toute la philosophie occidentale n'est qu'un long commentaire de
Platon", ( et de commentaires du commentaire, à l'infini), si de cet
interminable commentaire avait jamais
éclos cette vérité que les philosophes prétendent trouver, non par l'observation
du réel, mais par des enchaînement de mots, le discours se fût tu – mais il
continue, chaque jour plus prolixe, et cette vie même de la philosophie est la
preuve sans appel de son inanité.
Texte bougrement rafraîchissant qui résume ceux que j'ai pu lire dans votre Chronique des Belles Lettres. Down with Heidegger (and the car boots and doors that won't open) !
RépondreSupprimerUn peu d'ontologie fait obéir les Daimler, n'est-il pas ?
RépondreSupprimerMais trop les rend rebelles !
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