Par un
article du bon h16, infatigable pourfendeur de balivernes étatiques ( et auteur
de deux livres publiés aux Belles Lettres – Egalité,
Taxes, Bisous et Petit dictionnaire
incorrect mais vaillamment illustré
– qui permettent de se venger par le rire), j'apprends que le vigilant M.
Législateur prépare une nouvelle loi afin
d'interdire la vente ( et sans doute la détention) d'encens et de bougies
parfumées.
C'est là un
effet d'une révolution scientifique,
honneur de nos temps aussi lumineux qu'éclairés, dont il est utile de rappeler
les fondements.
Une
multitude de chercheurs, après avoir
consacré leurs jours et leurs nuits aux plus périlleuses expériences et en
avoir analysé et synthétisé les surprenants résultats, sont arrivés à cette conclusion dont le caractère novateur
s'unit à la simplicité fondamentale : tout
principe actif peut agir.
Explicitons, pour les béotiens.
Tout corps physique
( le corps mystique étant aujourd'hui hors sujet) se compose d'un certain
nombre d'éléments, à l'exception des corps purs, que l'on rencontre plus dans
les laboratoires que dans la nature.
Pour donner
un exemple domestique, les cigarettes que je fume avec délice, mais dont la loi m'interdit d'écrire la marque sous
peine de galères, se composent de 10 mg
de goudron, 0,9 mg de nicotine et 10 mg de monoxyde de carbone ( sans doute
aussi d'un peu de tabac et de papier, mais j'attends une prochaine étude pour en avoir la certitude ) ou,
autre exemple, ces biscottes que j'émiette pour les carpes se composent de
sucre, huile de colza, levure, dextrose, sel et acide ascorbique, avec des
traces de sésame.
D'autres
exemples se trouvent aisément dans les manuels de chimie ou de science
naturelle, j'y renvoie la lectrice curieuse, et vais tenter d'expliquer le
stupéfiant phénomène que peuvent déclencher ces éléments en me limitant à
l'animal supérieur appelé être humain ( tant pis pour les minéraux, végétaux et
animaux inférieurs).
La
démonstration peut paraître ardue, et une grande attention est requise pour en
bien saisir tout le mécanisme.
Lorsqu'un
être humain absorbe l'un de ces éléments, en le mangeant, en le buvant, parfois
en le respirant, ou même en le touchant s'il a l'épiderme poreux ou quelque
trou dans la peau, il se produit sur son organisme un effet ( autrement dit : un
principe actif agit ).
Cette
absorption peut être volontaire ou involontaire ( ainsi par l'antique et
barbare supplice de l'eau).
Autre exemple
d'absorption involontaire : une épouse facétieuse a, sans vous prévenir, mis de
l'arsenic dans la sauce béchamel dont vous souhaitez vous régaler, vous ingérez
cet arsenic sans en avoir exprimé la volonté ( ni même le désir ou l'intention
) , c'est donc là ce que les scientifiques
nomment absorption involontaire.
Pour ce qui
est de l'absorption volontaire, c'est ici votre volonté ( parfois même un vague
désir ou une molle intention) qui vous a décidé à manger des tomates ou
renifler de la cocaïne. Pourquoi un individu a-t-il la volonté d'introduire
dans son organisme des tomates ou de la cocaïne ? Parce qu'il sait que ces
goumandises contiennent un élément qui agira sur son organisme ( un principe actif donc) en lui apportant
une satisfaction (saveur agréable, gaie excitation ou, pour l'encens et les
bougies parfumées, odeur délicieuse, etc.).
L'action de
cet élément varie en fonction de nombreux facteurs, dont je ne citerai que
deux: la quantité d'élément ingéré en une ou plusieurs fois d'une part et ,
d'autre part, la constitution de l'organisme récepteur.
De ces
facteurs, qui agissent isolément ou interagissent, il résulte des effets qui
seront , ou ne seront pas, les effets
escomptés – ainsi, M. Martin éprouve un grand bonheur à manger deux tomates,
mais ce même M. Martin éprouvera un malaise s'il en avale une centaine en un
quart d'heure, tandis que M. Durand ira vomir à la première bouchée de ce
fruit, etc. Trivialement : tout ce que
l'on absorbe peut faire du bien ou du mal. Ce qui vaut aussi pour
l'absorption involontaire : je me
délecte du fumet du cigare de mon voisin tandis que le parfum de chou-fleur
règnant soudain dans la cuisine m'envoie faire un tour au village.
Jusqu'à la
révolution scientifique actuelle, les êtres humains, sans se soucier de théorie
ni de lire les études des chercheurs, apprenaient par l'expérience, la leur
propre ou celle d'autrui, quelle quantité d'un produit quelconque ils pouvaient
ingérer en fonction des spécificités de leur organisme pour n'en recueillir que
les avantages, et non les désagréments ( maladie exotique, mort subite, etc.)
et quel produit leur nouait l'aiguillette (rendait bréhaignes les dames) ou
leur faisait apparaître des cors aux pieds. Ainsi, dans leur immense majorité
(sinon l'espèce humaine eût disparu autour de l'âge de pierre), ces humains se
conduisaient en individus responsables, conscients des éventuelles conséquences,
heureuses ou malheureuses, de leurs actions.
Et sans
s'insurger contre le danger potentiel que présente... tout – tout ce qui se
trouve dans la nature ou que produit l'industrie humaine.
L'existence de ce danger potentiel ( je mets les points sur les i : la possibilité d'une
conséquence peut-être éventuellement néfaste dans certains cas ) étant
désormais établi scientifiquement, il était naturel que, dans sa grande
bienveillance unie à son souhait de supprimer le moindre sentiment de
responsabilité , M. Législateur intervînt pour en protéger ses sujets.
Mais pourquoi
procéde-t-il par petites touches, annonçant la prohibition de ceci pour
promulguer ensuite l'interdiction de cela au lieu d'édicter une seule et belle
loi qui bannirait en un unique article tout ce qui peut être avalé, touché,
respiré ( et même vu) ?
Paresse?
Attente de nouvelles études de chercheurs ? Surcharge de travail?
Ou pour se
donner le temps de préparer la loi
définitive qui, considérant non plus l'objet
ingéré mais le corps ingérant, abolirait radicalement le danger en
interdisant une bonne fois pour toutes aux êtres humains d'avaler, toucher et respirer ?
L'interdiction de l'encens c'est tout simplement pour finir de vider les églises
RépondreSupprimerEt les ashrams?
SupprimerJe m'étonne toujours qu'on ne mette pas la population en garde contre la consommation de cassoulet par intraveineuse. En effet, cette dernière peut s'avérer plus dangereuse que celle d'héroïne.
RépondreSupprimerMais moins que de renifler des tomates....
SupprimerPourquoi tant de haine ?
SupprimerLes emmerdeurs, Michel, les emmerdeurs, les législateurs, les déontologues, les fiscalistes, les régulateurs, les plantes saprofytes, les orties, le lierre, l'humanité en a toujours crevé. Le plaisir des femmes, horreur, plus de clitoris! le plaisir de fumer, danger, plus de tabac! le plaisir du vin, plus de vin! le plaisir de rire, plus de rire! le plaisir de vivre, plus de vie! j'ai toujours apprécié les Oiseaux d'Aristophane, cet esprit libre. Même dans le monde des Oiseaux, il a fallu qu'ils arrivent, les législateurs, les moralistes, les inspecteurs des impôts! nulle part où aller! il faut faire avec!
RépondreSupprimerBernard Deforge