david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

dimanche 30 juillet 2023

 

 

                        Ce qui se conçoit bien…

   La perte du sens est l’un des phénomènes les plus marquants de notre société, et je veux en donner deux exemples tirés d’un domaine où pourtant ce sens devrait essentiellement importer  -- le domaine judiciaire.

   Considérons donc deux expressions proprement absurdes :  mise en examen  et  présomption d’innocence .

  Un crime ( ou un délit) a été commis. Des policiers, seuls d’abord, puis avec un juge d’instruction, mènent une enquête. Ils trouvent des suspects puis, après avoir examiné la conduite, les mœurs, la situation sociale, financière, etc. de ces suspects, décident au terme de cet examen que l’un de ces individus est coupable de ce crime (ou délit), et le juge prononce alors ce que l’on nommait en une langue adéquate une inculpation.

  Las, ce substantif dérivé de culpa, qui signifie faute , ou pour les chrétiens péché, a un beau matin été jugé offensant, contraire à l’universelle bienveillance de nos mœurs, et remplacé par  mise en examen, formule sans doute inventée lors de nombreuses séances de brainstorming réunissant des myriades de petits fonctionnaires.

  On observera que la mise en examen du suspect clôt l’instruction, et que dés lors cesse tout examen de l’individu  mis en examen …

  Peu importe, puisqu’il va alors bénéficier de cette moderne merveille nommée présomption d’innocence, à laquelle il semble que l’on ne puisse attenter sans commettre un délit.

   Quiconque a un brin de logique, ou se soucie vaguement du sens des mots, peut s’étonner : au nom de quoi pourrait-on faire un procès à un individu présumé innocent et le jeter dans le box des accusés? Et comment accepter que le magistrat dans son acte de renvoi, le procureur dans son réquisitoire puissent déclarer coupable ce présumé innocent ? Mais ne serait-ce pas plutôt que dès son inculpation… pardon, sa mise en examen, le suspect n’ait été un présumé coupable ? Et que ce qui fait agir les magistrats du parquet, id est les hommes qui représentent l’Etat, soit  une présomption de culpabilité transformée en certitude et justifiant une mise en accusation ?

   Tant que n’aura pas été prononcé un jugement en dernier ressort notre suspect sera certes juridiquement innocent – tout en étant, par l’Etat et les hommes qui parlent en son nom traité en coupable (et même, bien souvent, jeté en prison sans autre forme de procès).

   Si notre suspect nie toute culpabilité, s’opposeront, d’un côté, la défense affirmant l’innocence du suspect,  de l’autre, l’accusation affirmant la culpabilité du même suspect, et il n’y a là là nulle présomption de ceci ou de cela, car de deux affirmations contradictoires qui entraînent que l’une est nécessairement vraie et l’autre nécessairement fausse ne peut surgir aucune présomption.

  Ah, comme s’est enfui le sens des mots…