david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

dimanche 8 avril 2018

De M. Renaud Camus à Hector Berlioz


   

 Qu'ai-je lu, en cette aube printanière et dominicale ?
  Dans son Journal, M. Renaud Camus confie qu'il vient d'être convoqué, pour ce lundi, à une gendarmerie voisine. Il ne sait pourquoi, mais dans un pays où a été abolie toute liberté d'expression, et où tout propos dissident peut expédier aux galères son auteur, sans doute ses amis doivent-ils se préparer à lui envoyer des oranges.
  Dans Forum opéra, un articulet abject contre Mme Anna Netrebko, coupable d'avoir rappelé certaines vérités contraires aux glapissements des hyènes féministes. Il est insinué que la diva devrait cesser de parler, c'est là le préliminaire d'une future interdiction de chanter.(Forum opéra a été créé par un M. Sylvain Fort qui a délaissé l'art lyrique pour se consacrer à l'écriture des discours de M. Macron).
  Dans L'Incorrect, un excellent article de M. Frédéric Rouvillois sur Charles Maurras, dont un recueil de textes paraît ces jours-ci dans la collection Bouquins.
   Il y a environ un demi-siècle, je m'étonnais auprès d'un homme que j'aimais beaucoup, et qui avait été, durant la guerre, un proche collaborateur de Maurras, que ce dernier n'eût pas fermé L'Action française quand les Allemands envahirent la zone libre, consentant ainsi , lui, si férocement germanophobe, si vigoureusement opposé aux nazis, à  publier son journal sous la botte d'un ennemi qu'il haïssait.
  --Parce que Maurras, me répondit mon ami, ne pouvait imaginer de vivre sans écrire son article quotidien.
  C'est ainsi qu'en cédant à sa graphomanie, Maurras permit que fut jetée aux enfers l'oeuvre de toue sa vie.
   J'ai aussi des lectures plus sérieuses.
   Ainsi, en rez-de-chaussée du Journal des Débats du 26 mai 1844, le feuilleton de l'admirable écrivain que fut mon cher Hector Berlioz, qui, rendant compte d'un concert historique où furent jouées des oeuvres de vieux maîtres (Lully, Rameau, Haendel etc.), écrit à propos des "tristes compositions de Couperin" :
   "Oh! la drôle de musique que celle des clavecinistes du bon vieux temps! Cela tapote, clapote, jabotte; on se demande pourquoi les notes montent, pourquoi elles descendent, ce que signifie tout ce mouvement sans chaleur, cette agitation inanimée; que veut l'auteur? que sent-il? que pense-t-il? Il ne sent rien, il ne pense rien; il veut seulement remplir son papier de notes qui ne s'accordent que pour assommer tout doucement l'auditeur, et le tour est fait.
  "Plus tard, deux cents ans après, viennent des hommes qui se fourrent dans la tête que cela est charmant, admirable, et essaient de le faire croire au public, qui croit, pour un instant, tout ce qu'on veut."
  Comment mieux juger cette vogue, aujourd'hui tyrannique,  du baroque ?

  *Précision en forme de post-scriptum. Lire M. Renaud Camus me divertit grandement, d'autant plus que son grand remplacement me paraît une hallucination assez bêtasse , et que je désapprouve à peu près tout ce qu'il édicte, mais qu'est-ce que défendre la liberté d'expression  si ce n'est défendre les auteurs dont la pensée vous répugne ou déplaît?

lundi 5 mars 2018

Un drame du harcèlement

  
     

   A l'occasion de la prochaine Journée Internationale de l'Homme que vont célébrer avec autant de faste que de bon goût politiciens, gens de media et cabotins assortis, je dois saluer la naissance du hashtag (???)  #BalanceTaTruie créé par un collectif d'hommes violés, harcelés ou importunés.
   Déjà, ce collectif a balancé une première truie , dont je n'hésite pas à diffuser le nom, qui est celui de Madame Putiphar.
    Rappelons les faits, selon le récit de Genèse, chap.XXX.
    Esclave de l'Egyptien Putiphar, Joseph
   "était beau de visage et très agréable. Sa maîtresse jetta les yeux sur lui, & lui dit : Dormez avec moi.
    "Mais Joseph ayant horreur de consentir à une action si criminelle , lui dit : Vous voyez que mon maître m'a confié toutes choses (...) & que m'ayant mis tout entre les mains, il ne s'est réservé que vous seule, qui êtes sa femme : comment donc pourrois-je commettre un si grand crime , & pécher contre mon Dieu, en violant la fidélité que je dois à mon maître?
   "Cette femme continua pendant plusieurs jours à solliciter Joseph par de semblables paroles; & lui, il continua à résister à son infâme désir (stuprum, dans le latin de la Vulgate).
   "Or il arriva un jour que Joseph étant entré dans la maison  , & y faisant quelque chose sans que personne fût présent
   "sa maîtresse le prit par son manteau, & lui dit encore : Dormez avec moi. Alors Joseph lui laissant le manteau entre les mains, s'enfuit, & sortit hors du logis".
    Nous avons ici un cas très-classique de harcèlement : un inférieur --Joseph est un esclave-- est en proie aux sollicitations libidineuses (stuprum) d'une personne qui lui est hiérarchiquement supérieure : épouse de M. Putiphar, Mme Putiphar est la maîtresse de Joseph.
   Le dénouement de l'affaire est tout aussi classique, je dirai même qu'il semble se dérouler aujourd'hui (nil novi sub sole...) : dès que M. Putiphar fut rentré au logis, sa femme alla vers lui et :
    "elle lui montra ce manteau [celui de Joseph] qu'elle avait retenu comme une preuve de sa fidélité,
   "& lui dit : Cet esclave Hébreu que vous nous avez amené, est venu pour me faire violence;
   "& m'ayant entendu crier, il m'a laissé son manteau que je tenais , & s'en est enfui dehors.
   "Le maître de Joseph trop crédule aux accusations de sa femme, entra à ces paroles dans une grande colère,
    "& fit mettre Joseph en la prison où l'on gardait ceux que le Roi faisait arrêter."
    De cette histoire, je me garderai bien de tirer la morale, de crainte de contrevenir à de récentes lois.

***Ma Bible de chevet, ici utilisée, est celle dite de Vence (1748-1750, 14 vol. in-4°).

vendredi 2 février 2018

Orchestres: une belle initiative paritaire


  



   En couverture du numéro de février de Diapason, revue consacrée à la musique classique et à la lutte contre les inégalités , ce gros titre : Femmes et cheffes (sic sic) d'orchestre –comment elles sont en train de gagner le combat.
   Pour ma part, je trouve que ce combat, nos futures cheffesses (ou cheftaines?) le gagnent bien lentement car les formations les plus prestigieuses  (Wiener Philarmoniker, London Symphony Orchestra, New York Philarmonic, Harmonie de Saint-Flour etc.) sont toujours dirigées, hélas mille fois hélas, par des hommes (horresco referens).
   Que faire ?
   Une solution fort simple existe.
   Nous savons que se prépare une réforme de la Constitution pour que soit élu(e) à la présidence de la République un(e) binôme paritaire composé d'une Femme et d'un homme , la Dame tenant les rênes du char de l'Etat les jours impairs , et les cédant au monsieur les jours pairs.
  Pourquoi ne pas adopter une mesure semblable pour les orchestres?
  Symphonies, oratorios, opéras etc. seraient divisés en relais de dix minutes chacun, le premier étant confié à une Cheffesse. A l'expiration de ces dix minutes, un minuteur ferait retentir une sonnerie (assez puissante pour que le bruit de l'orchestre ne la couvre pas), la maestra poserait sa baguette, quitterait le pupitre, serrerait la main au premier violon, saluerait le public puis irait s'asseoir du côté des vents pour touitter ou papoter avec ses voisins, pendant que le maestro serrerait la main au premier violon, s'installerait au pupitre etc. A la fin de ce deuxième relais, le minuteur retentirait de nouveau, le chef poserait sa baguette, quitterait le pupitre, serrerait la main au premier violon, saluerait le public puis irait s'asseoir près des cordes pour lire le journal tandis que la maestra , après s'être frayé un chemin entre les instrumentistes et avoir derechef serré la main au premier violon etc., et ainsi de suite jusqu'au dernier coup d'archet.
   --C'est bien joli, remarque un chicaneur, mais toutes les compositions ne peuvent être divisées exactement en tranches de dix minutes, certaines durent 57 minutes, d'autres 43, enfin, il n'existe guère de compte rond...
   Puérile objection! Il y a belle lurette que les chefs, ralentissant un allègro ou accélérant un pianissimo afin de montrer qu'ils comprennent mieux une partition que son auteur, donnent à toute œuvre la longueur qui leur sied, et c'est le plus aisément du monde que ce qui durait 57 minutes se traînera jusqu'à soixante, ou que sera expédié en quarante minutes ce qui s'étirait en quarante-trois.
   Une seule question reste en suspens : l'orchestre se taira-t-il pendant les changement de relais, ou continuera-t-il à jouer?
   Une haute commission doit être nommé pour étudier la chose – elle rendra un rapport.

samedi 27 janvier 2018

Pitié pour les femmes (mais pas toutes)




     --Caramba !, s'exclama el Direttore du Teatro del Maggio Musicale de Florence en achevant de lire l'argument de Carmen (livret de Henri Meilhac et Ludovic  Halévy d'après la nouvelle de Prosper Mérimée, musique de Georges Bizet ), mais... la Carmen... elle est tuée ! Et... par un homme !
    El Direttore sentit son front se couvrir de sueur. Comment, en l'an 2018, pourrait-il laisser montrer sur la scène, cette scène même qu'il dirige, le meurtre d'une Femme ?!!!
   Ainsi qu'il le déclara plus tard à des journalistes admiratifs :
   --A notre époque marquée par le fléau des violences faites aux femmes (*), il est inconcevable qu'on applaudisse  le meurtre de l'une d'elles.
   Mais que faire ? El Direttore appela aussitôt un monsieur Leo Muscato, metteur en scène de son état, et déjà chargé de massacrer par divers artifices le célèbre opéra. Tempêtes sous deux crânes et ... eurêka! La solution fut trouvée, aussi simple et parfaite que l'œuf de Christophe Colomb : à la fin de l'acte quatre et dernier, ce ne serait plus don José qui tuerait Carmen mais Carmen  qui tuerait don José. Certes, celui-ci s'exclame bien : "Vous pouvez m'arrêter, c'est moi qui l'ai tuée", mais l'opéra étant chanté en français devant un public italien, il était permis d'espérer que cette malencontreuse phrase ne serait pas comprise .
   Et c'est ainsi qu'en ce début de janvier 2018, les mélomanes florentins eurent le bonheur d'entendre une Carmen conforme aux nouvelles mœurs.
    L'affaire éveilla l'attention de nombreux confrères de notre Direttore car il existe, hélas! mille fois hélas!!!, d'autres opéras qui se terminent fâcheusement pour l'héroïne.
    Pour être bref, je n'en citerai qu'un, mais un fleuron du répertoire , c'est Otello (musique de Giuseppe Verdi, libretto d'Arrigo Boito d'après William Shakespeare). Dans lequel, je le  rappelle à l'intention des directeurs d'opéras et autres musicologues, à la fin de l'acte quatre et dernier (décidément dangereux) Otello (un homme) étrangle Desdemona (une femme).
    Tout ce qui a été dit pour Carmen peut être repris ici, pas question de montrer etc. et même solution : la frêle Desdemona étranglera le vigoureux Otello.
    Sauf que...
    Otello (Othello en français) est, nous dit Shakespeare,  un Maure, c'est-à-dire un monsieur venu d'Andalousie ou d'Afrique du Nord, et dont on a fait peu à peu un originaire du Sénégal ou de l'Ouganda, bref un migrant.
    Et peut-on, à notre époque marquée par le fléau des violences faites aux migrants, etc., montrer le meurtre d'un tel homme par une créature certes femelle , mais européenne, et aux cheveux d'un éclatant blond vénitien?
   Cruel dilemme, qu'avait pressenti mon ami Philippe Muray dans Moderne contre Moderne.
   Il existe heureusement un moyen de le résoudre, ce cruel dilemme , que je livre gratuitement  aux directeurs de théatres lyriques.
   Si toutes les femmes sont également supérieures aux hommes, elles ne sont pas égales entre elles, car il en existe qui professent ( ou ont professé) des idées nauséabondes et peuvent donc  être allégrement exterminées sous les applaudissements médiatiques.
   Je suis certain que vous avez déjà compris, ô lectrices ô lecteurs!, ce que devra faire le metteur en scène d'un nouvel Otello : affubler Desdemona d'un masque de carnaval représentant feue Mme Thatcher ( à Covent garden), ou Sarah Palin (au Met), ou Mme Le Pen (à l'Opera-Bastille), et laisser Otello l'étrangler, l'étouffer et même, pour une versions gore, l'égorger.
  Ouf!
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*Surtout à Hollywood (note de moi).