david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

vendredi 23 octobre 2015

Des immigrants aux réfugiés

         

    J'ai eu, pour délaisser ce blog (italiques, et sic...) de bonnes raisons – mon mépris pour internet, ce féroce outil d'asservissement et d'abrutissement, mon dégoût pour la lecture de fichiers informatiques ( et ce que j'offre ici pour votre lecture, ô lecteurs ô lectrices, est, par une fâcheuse coïncidence, un fichier informatique, mais que dire des superbes et étranges contradictions de l'âme humaine?...)  -- et de mauvaises raisons, mon hédoniste paresse, un assez bien fondé nihilisme, et le fait qu'il ne se produit rien dans le vaste monde qui présente le moindre intérêt, non parce qu'il n'arriverait rien qui ne pût susciter une analyse sociologique mettant au jour certains mécanismes ou plus simplement provoquer des glapissements de colère, mais parce que tout ce qui aujourd'hui arrive est déjà hier arrivé (et, bis repetita non placent).
   Quoique, pour être plus exact, ce que fournit l'information, que je glane de préférence dans des gazettes exotiques, en évènements (spectaculaires, scandaleux, bien tristes) n'est que la continuation logique de ce que nous avons déjà vu mais, puisque les actions humaines sont cumulatives, tout est chaque jour un peu plus gros, un peu plus effrayant, ou désolant, pour le dire vulgairement, c'est toujours la même chose, seulement à chaque fois en un peu pire.
   Quoi de moins neuf que la manipulation du langage, dont nous pouvons trouver à tout instant de remarquables exemples?
   Notre vocabulaire s'enrichit jadis, essentiellement au temps du peuplement de masse des Etat-Unis, des immigrants, ces hommes qui  quittaient leur pays natal pour tenter d'arriver en de plus vertes prairies.
   Puis nous eûmes les immigrés  --les mêmes, mais arrivés, et installés.
   Ces immigrés s'intallérent non seulement dans nos banlieues mais aussi dans notre langue durant quelques décennies, ils en furent il y a peu chassé par les migrants; privés de l' im, ceux-ci sont en même temps privés de toute résidence, ils ne sont plus que des passants toujours en mouvement, des sortes de touristes, mais qui se refuseraient à l'achat d'un billet de retour.
   Est-ce parce qu'il y a quelque chose de barbare dans la consonnance du migrant (et dans la substantivisation d'un participe présent, mais nous avons rejeté purisme, et bon langage) ? Le migrant fut bientôt détrôné au profit du réfugié, qui occupe désormais le haut de l'affiche politico-médiatique.
   Pour s'enthousiasmer en faveur de l'immigré, et de l'éphémère migrant, le célèbrer, le vouloir couvrir de tous les bienfaits, il faut être mû par des raisons idéologiques (de même que pour le honnir il faut être empli de préjugés), il est donc difficile que l'unanimité se fasse en sa faveur (ou d'ailleurs contre lui, et je remets à des jours meilleurs l'exposé de ma conviction que le préjugè fonde toute idéologie)  -- mais le réfugié!
   Le réfugié est un individu qui quémande un refuge car il a été chassé de son foyer par d'abominables malheurs dont sont responsables des méchants et dont il est absolument innocent, il est donc, par nature et par essence, un malheureux  --et qui oserait refuser sa pitié (et l'argent de ses voisins) à un malheureux, son (ou ses) épouse(s), et leur attendrissante progéniture?
   L'invention du réfugié a pour fin d'éliminer la raison au profit de l'émotion, seul moteur des réactions de nos contemporains.
   Lesquels, ne cessant d'être émus (bouleversés, indignés, etc.), peuvent aussi être prompts à abandonner demain ce qui hier faisait saigner leur petit cœur.