Thomas
Carlyle ( 1795-1881 ) fut l'un des historiens et essayistes les plus célèbres
et influents de son siècle ( le seul tableau que Marcel Proust fit accrocher
aux murs de sa chambre était le portrait de Carlyle par Whistler). Son livre le
plus fameux, et le plus lu, est On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History
, publié
en 1840 ( nouvelle et bonne traduction française de M. François Rosso : Les Héros, Paris, 1998 ) , dont un chapitre est consacré à Mahomet
– le Héros en tant que prophète. De
ce texte, qu'il me semble utile de lire aujourd'hui en son entier, voici, en
apéritif, deux extraits.
"Le
jugement que l'on a si souvent porté sur lui [Mahomet] et qui l'accuse de n'avoir été qu'un simple
imposteur, le mensonge incarné, et l'inventeur d'une pseudo-religion qui se
réduit à une énorme duperie inspirée par son orgueil démesuré ne peut plus
guère avoir cours de nos jours. Les calomnies qu'un zèle, au demeurant bien
intentionné , a entassées sur cet homme ne ridiculisent que nous-mêmes. (...)
Mais d'un grand homme, j'affirmerai sans ambages qu'il lui est résolument
impossible de n'être pas sincère. La sincérité, une sincérité profonde, élevée,
authentique est le fondement même de sa grandeur, elle est la caractéristique
primordiale d'un homme qui a tant soit peu l'étoffe d'un héros.(...) Et de
Mahomet nous ne croyons aucunement qu'il ait proféré des inanités ou de creux
mensonges, qu'il n'ait été qu'un charlatan habile, un calculateur misérable et
ambitieux. (...) Le puissant message qu'il délivra était réel : dans ses
paroles ardentes, pour confuses qu'elles apparaissent souvent, c'est une voix
jaillie de profondeurs inconnues que nous entendons.(...) Elles portent une
brûlante masse de Vie , surgie du sein de l'Univers, pour embraser le monde."
"On peut redire sans crainte que,
globalement, la foi de Mahomet est une forme dérivée du christianisme, qu'il
brille en elle un élément authentique de la plus haute spiritualité (...) Par
dessus tout, c'est une religion à laquelle ses fidèles croient de tout leur
cœur. Les Arabes croient aux préceptes de la foi mahométane et s'efforcent
autant qu'ils le peuvent de s'y conformer exactement. (...) Ce soir comme tous
les soirs, le vigile qui patrouillera dans les rues du Caire et criera :
"Qui va là" entendra du passant, en même temps que sa réponse, les
mots : "Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu"; Allah akbar, islam : ces
mots résonnent sans cesse dans les âmes, et dans toute l'existence quotidienne
de ces millions d'hommes obscurs."
Aujourd'hui,
sur le vieux sol gaulois, ces hommes obscurs inquiétent, ou font peur, parce
qu'ils sont devenus extraordinairement visibles, par leur volonté d'afficher
publiquement leur croyance par leurs rites, leur costume, ou l'abondance de
leur pilosité ( chez les mâles), par la
révérence ostentatoire, servile et odieuse que leur témoignent politiciens et
larves médiatiques et, plus profondèment, parce qu'il est impossible de nier la
force de leur foi.
Dans le camp de ceux qui refusent cette présence
autre (camp où je ne pressens pas que surgisse demain un Héros de la haute stature
de Mahomet ), je n'entends que paroles de refus et de rejet ou qu'appels à une
"laïcité" sans consistance – l'ancienne lutte entre la Chrétienté et l'Islam
fut un combat entre des hommes également habités de mots d'espoir qui résonnaient sans cesse dans les âmes ,
mais la Chrétienté n'est plus, son souvenir même est maudit... ( et le présent
christianisme a cessé d'être réellement religieux pour devenir prioritairement social, et à l'écoute du monde ) -- peut-on opposer un vide à l'ardeur d'une
foi ?
Il est
aussi permis de penser que le problème
de l'Islam en nos quartiers n'est, pour ses manifestations les plus insolentes,
qu'un problème d'ordre public, ce qui
regarderait le gouvernement, s'il en
existait un qui ne confondît pas abdication avec action.
Votre concision me bluffe !
RépondreSupprimerDe loin votre meilleur billet… Encore bravo !
RépondreSupprimerEt la semaine prochaine, Moïse, votre circoncision me bluffe.
RépondreSupprimerJe pensais que vous alliez nous parler de "L'an neuf de l'Hégire", ce beau poème de la Légende des Siècles.
RépondreSupprimerJe découvre cette amusante plaisanterie, due à une coupure de connexion qui avala le texte.
RépondreSupprimerJe le rétablis, après hésitation, car , dans sa première forme, ce billet ne manquait pas de force.
"peut-on opposer un vide à l'ardeur d'une foi ?" C'est bien là une bonne partie du pb. L'église catholique n a cessé de tendre la main aux musulmans alors que ceux-ci, naturellement, n'ont qu une chose en tête: prendre le pouvoir. Cela combiné avec une perte de foi généralisée en France ( et en occident )... autant dire que la voie est libre pour tous les mahomets.
RépondreSupprimerexcellente conclusion
Un homme participant à un débat sur l' Islam et son radicalisme demanda aux autres participants de l'émission ceci : " Ces hommes ont prêts à mourir pour leur croyance et nous, sommes nous prêts ou encore simplement capables"; il doit encore attendre la réponse.
RépondreSupprimer"On peut redire sans crainte que, globalement, la foi de Mahomet est une forme dérivée du christianisme"
RépondreSupprimerAlors là, pas d'accord du tout avec Carlyle.
Quant à "la plus haute spiritualité", tout dépend ce qu'on entend par spiritualité je suppose.
Mais je rapporterais simplement les paroles du père de Foucauld, qui disait (à peu près) qu'il avait compris que l'islam ne pouvait pas être la vraie foi lorsqu'il avait lu ce que disait le Coran à propos du paradis.
Il me semble que Carlyle confond piété et spiritualité, comme un certain nombre de catholiques aujourd'hui, hélas.
Et enfin, la sincérité comme fondement de la grandeur, hum, hum-hum...
Je n'approuve ni désapprouve les positions de Carlyle, mais il faut lire le chapitre entier pour comprendre sa pensée sur ce point ( les extraits faussent...).
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