--Ah ben, ça alors...Ah ben, ça alors...!
Le Président-que-le-monde-entier-nous-envie
reposa le journal que son majordome lui avait apporté avec son petit déjeuner (
café éthique et croissant responsable), ferma les yeux pour que son cerveau pût
se concentrer sur l'examen de la troublante nouvelle, puis l'analyser, la
synthétiser jusqu'à ce qu'il disposât de l'intégralité des éléments pouvant
conduire à une conclusion pertinente..., il inspira, expira, et murmura :
--Ah
ben..., ah ben ça alors.
Maintenant, il savait, envisagea donc d'aller se recoucher... une voix intérieure
lui souffla qu'il ne suffisait pas de savoir, mais que, par sa fonction, et
pour son image, il devait agir, et
d'un geste souverain, il appuya sur le bouton d'une sonnette de cuivre doré.
Une porte s'ouvrit, un homme en uniforme salua.
--Appelez-moi mon Premier commis,
commanda-t--il de cette voix impérieuse
qui inspirait le respect au menu peuple.
Quelques
minutes s'écoulèrent , le Président but une gorgée de jus d'orange sensible, et
l'aide de camp lui tendit le smartphone présidentiel aux armes de la
République.
--C'est
vous, Premier commis ? Oui, un peu frais pour la saison... non, la météo
n'annonce pas de pluie... ah? du soleil à Tahiti ? Bon bon... Z'avez lu le
Journal? Non non, c'est en Une...Quoi, vous commencez toujours par les mots
flêchés ?!
Quelques minutes s'écoulèrent pour que Premier
commis terminât sa grille, le Président, d'un auriculaire expert, extirpa un
peu de cérumen de son oreille gauche, puis :
--Z'avez compris maintenant ? Oui, oui, nous
sommes espionnés ! C'est... inadmissible... inacceptable...Quoi ? Indigne ? Bon,
convoquez les télés, je vais parler. Oui, tout de suite... Quoi... quoi, ma
précédente intervention?... pas l'effet escompté ? les sondages ? Ah, flop...
Que je ne monte pas en première ligne... plutôt le commis aux affaires
étrangères... oui... d'autant que je suis assez pris ce matin... un touitt de
Concubine à lire... Allez, organisez-moi tout ça...Mais avec fermeté, hein ? La
fermeté, ne l'oubliez jamais, c'est ma seconde nature.
Et c'est
ainsi, selon le récit exclusif des envoyés spéciaux accrédités pour révéler les
plus intimes secrets élyséens que le Président décida de faire réagir à la révélation de la perfidie de l'allié
américain.
Bien
qu'émanant des sources les plus autorisées ( le
quotidien-vespéral-de-référence
grassement subventionné) , ce récit, je ne sais pour quoi, m'inspire des
doutes ( doutes par ailleurs déjà exprimés par de talentueux éditorialistes
tels que MM. Corto et Jacques Etienne).
Avec un sens de la
prémonition dont je me félicite, j'avais moi-même intitulé un récent billet Un clou chasse l'autre, et ce tumulte autour d'une affaire d'espionnage un
peu blette ne serait-il pas le clou
destiné à chasser des esprits citoyens le clou
du fiasco qui couronna l'épopée de la rayonnante Leonarda ?
Les
frétillants énarques qui, nuit et jour, conseillent au Président ces habiles interventions qui
font l'admiration des commentateurs du Zimbabwe ou de Papouasie, ne lui
auraient-ils pas suggéré une manœuvre nouvelle pour faire oublier une
antérieure manœuvre, qui n'eut pas exactement le succès espéré ?
Et que ce
nouveau scoop soit, en fait, vieux de quelque six mois, n'est-ce pas pour
prouver le sérieux d'un gouvernement qui a pris le temps de réfléchir, de peser
le pour et le contre, avant de réagir
?
Et que, au
moment du premier dévoilement de l'indiscrétion yankee, le Président eût menacé
de faire abattre l'avion transportant le dénonciateur de ladite indiscrétion (
qui avait heureusement choisi un autre moyen de transport), n'est-ce pas la
marque d'un pouvoir qui sait montrer sa force pour ne pas avoir à s'en servir?
(Seuls de vils réactionnaires apologistes de la saint Barthélémy auront relevé
l'incohérence , et même la non-pertinence de cette dernière
interrogation).
Peu
importent les méandres des raisonnements qui ont conduit à l'éclosion de cette
nouvelle affaire, seul importe
qu'elle ait éclos, et que pendant vingt-quatre heures elle ait chassé des
medias toute autre affaire, et le Président soupira de satisfaction – il avait
gagné vingt-quatre heures de repos, de paix et de tranquillité, mais, jusqu'à
l'an de la retraite, jusqu'à l'an 2017, combien encore de vingt-quatre heures à gagner, combien ainsi de nouvelles affaires à sortir?
Il prit sa
calculette.
*** Et sur le fond de la chose ?
--Quia
nominor leo , répondit, avec un sourire de mépris, l'allié américain.
C'est dans les vieux pots qu'on mitonne les meilleurs scoops.
RépondreSupprimerEt de voir comment tous les médias se sont jetés sur cette terrible affaire d'espionnage sans qu'aucun n'émette seulement l'idée que tout cela sentait le réchauffé... C'est formidable ou comment à coup de subventions et d'abattement fiscal spécial journalistes ( 7650 euros tout de même) on arrive a faire du plus beau métier du monde un ramassis de carpettes
RépondreSupprimerEh ! oh ! foutez la paix à mes 7650 € d'abattement, vous !
Supprimer@Didier Goux: Quoi même un ghost-writer touche cet abattement ??? Fucking World !
SupprimerEt ainsi, sans honte, M. D.G. ôte le pain de la bouche de la pulpeuse Leonarda...
SupprimerMerci de faire durer le plaisir.
RépondreSupprimerC'est le Président-que (etc.) qu'il faut remercier !
RépondreSupprimerUn gag par jour !
Et jusqu'en 2017!