Grand
brouhaha politico-médiatique à propos de la saillie d'un histrion alzhémérien
qui fait dans la diatribe-de-gauche comme il fait sous... – non, ne sombrons
pas dans cette facilité vulgaire qui est tout le talent de cet individu --,
saillie consistant en une brève insulte adressée à une sorte d' andouille, mais
femme, second couteau oublié de
l'ancien règime, qui trouva en cette apostrophe une occasion inespérée pour que
son nom apparaisse sur les réseaux
sociaux et autres organes d'information.
Ne cèlons
rien de ce fait-divers qui chasse des
Unes de papier et d'écran la méconnaissance de la natation par certaines
peuplades : l'ersatz de comique a traité la fantomatique ex-sous-ministresse de
conne.
Drame et
scandale.
Aussitôt, la
créature outragée annonça qu'elle portait plainte
en justice, selon le réflexe pavlovien qui entraîne désormais que tout
propos vaille à son auteur de subir les foudres de la loi, ajoutant que le mot
prononcé était une atteinte "aux droits des femmes " -- mais sans suggérer que sa forme masculine
pût être une atteinte aux droits des
hommes --, tandis que le bateleur se disculpait en excipant de sa verve rabelaisienne.
Un peu
d'histoire et d'étymologie éclairera cette grave affaire.
Rabelais
ignore conne, il ne connaît , de ce
substantif, que le masculin originel, qu'il écrit masqué dans la fameuse
contrepéterie topographique : A
Beaumont-le-Vicomte, dans laquelle le mot , loin d'être péjoratif, conserve
pleinement son sens gynécologique.
Con vient en effet du latin cunnus,i, s.m., qui signifie vagin , et est attesté en ce sens chez
Horace (première Satire) et Cicéron (
Lettres familières), tandis que
l'aimable dérivé cunnilingus se rencontre
chez Martial.
Comment ce
mot charmant, qui ne devrait être prononcé qu'avec respect et vénération,
a-t-il pu prendre un sens si péjoratif qu'il n'est plus qu'une injure ? ( Et
qu'il ait été récemment supplanté en son sens véritable par l'animal chatte est une autre histoire).
Dans son
indispensable Dictionnaire des injures
(Paris, 1967), M. Robert Edouard consacre un chapitre de quinze pages ( Remontons aux sources ) à tenter d'éclaircir
les prolégomènes et aboutissement de cette évolution sémantique, il s'en acquitte
avec plus de fantaisie que de rigueur scientifique , mais établit que con-injure n'est apparu que vers 1920,
dans le langage des voyous de barrière, conne
devant attendre les années cinquante pour se manifester – nous sommes assez
loin de Rabelais, mort en 1553.
Notons
aussi que chez nos amis anglo-saxons le substantif cunt a tardé encore plus pour acquérir une identique couleur
péjorative, mais ne nous lançons pas dans la linguistique comparée.
Bref, il serait
parfaitement légitime que les femmes se plaignissent qu'un vocable désignant de leur anatomie la
part la plus sacrée ( et qui, jusqu'à l'apparition des gender studies, permettait de les distinguer aisément du mâle de
l'espèce ) ne serve plus qu'à outrager, en revanche la forme féminine conne a acquis une autonomie qui,
faisant oublier ses origines, la met au niveau de ses synonymes idiote ou crétine, qui ne peuvent être des injures lorsque ces mots décrivent
la simple réalité intellectuelle de la personne à qui ils furent adressés.
Dans
le procès qui s'annonce, d'augustes magistrats devront donc déterminer si le
degrè d'intelligence de la plaignante est tel qu'il ne fut proféré à son égard
que la constatation d'un fait, ou si elle a été victime d'une simple erreur
d'appréciation, pour le comique-de-gauche, nul besoin d'un tel examen, il y a
belle lurette que son propre discours l'a jugé.
* Le Dictionnaire de M. Edouard contient neuf
mille trois cents gros mots pouvant
servir d'injures, et de grasse pâture
pour les tribunaux.
Pour un billet à la con, c'est un billet à la con…
RépondreSupprimerRares en effet sont ceux qui connaissent l'origine du mot con et c'est donc bien de le rappeler à vos lecteurs.
RépondreSupprimerCela donne à espérer de savoureux échanges entre le juge, qui sera amené à se prononcer sur la réalité de l'injure, et la "conne " de l'histoire.
Osera-t-elle dire: " monsieur le juge, en me traitant de la sorte, c'est le vagin (ou la chatte) de toutes les femmes que monsieur Bedos insulte "
Et dire que j'ai utilisé ce mot (au sens propre) dans le titre d'un de mes romans -- je comprends maintenant que je ne fus pas compris....
SupprimerCorto, je crois que vous exagérez ! il me semble que tout le monde connaît le double sens de ce mot ! Y compris ceux qui, comme vous, sont peu familiers de l'organe ainsi désigné…
SupprimerA l'instar de la majorité d'entre nous, Corto 74 a pourtant bien dû passer par là à un moment de sa vie, non ?
SupprimerC'est bien sûr ainsi qu'il faut entendre le titre du fabliau "Le chevalier qui fit les cons parler". J'ai supposé que la chose était claire pour toutes mes lectrices, qui sont une élite.
RépondreSupprimerChatte! Ne serait-ce pas un jeu de mots dérivé de chas, la petite ouverture?
RépondreSupprimerDîtes-nous, cher hôte! Le dictionnaire des injures auquel vous faîtes référence est-il aisément disponible en neuf ou faudra-t-il, pour cet intéressant ouvrage s'en remettre à la traque de l'occasion...
RépondreSupprimerTraquez traquez...., chez abebooks ou rarebooks , utiles portails des libraires d'ancien
SupprimerDommage que contribuable ne soit pas que strictement réservé aux dames et autres jouvencelles à l'exclusion de toute autre personne... :-)
RépondreSupprimer"la fameuse contrepéterie topographique : A Beaumont-le-Vicomte".
RépondreSupprimerJe n'ai jamais pu décrypter les contrepèteries. Auriez-vous l'amabilité de le faire pour m'éclairer?
Inversez le M de Beaumont et le C de Vicomte...
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