david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

dimanche 28 juillet 2013

M. Didier Goux, Sade, Flaubert et les Goncourt



   Dans un billet dont je recommande la lecture :  http://didiergouxbis.blogspot.com/2013/07/sade-lanti-bisounours-radical.html
 pour la pleine compréhension de mon propos, mon éminent et érudit ami M. Didier Goux, dont la plume incisive autant qu'élégante masque parfois une discrète plaisanterie, affirme, avec un sérieux papal, que "Sade est le troisième grand écrivain du XVIIIème siécle".
   Cette médaille de bronze décernée à l'auteur de l' Histoire secréte d'Isabelle de Bavière, reine de France , étonnera moins lorsque j'aurais rappelé que, sauf erreur de ma part, M. Goux tient l'abbé de Voisenon pour le deuxième auteur du même siècle grâce à son polisson Le sultan Misapouf et la princesse Grisemine , la première place revenant à l'abbé du Laurens, à qui l'on doit nombre de livres interdits, dont Le Balai, poème héroï-comique en XVIII chants, Le compère Mathieu ou les Bigarrures de l'esprit humain (4 vol.) et surtout La chandelle d'Arras,poème en XVIII chants, dont M. Didier Goux aime à citer ces beaux vers :
 "Oh! Le Curé savait bien s'aviser...
 "Dame Margot est femelle entendue;
 "Morbleu! Sur elle on peut se reposer:
 "Teint à ravir, croupe grasse et dodue!"
  en ajoutant : Hein! Ca enfonce Racine!"
   J'avoue que je ne suis moi-même pas étranger à la plaisanterie, surtout si elle est de nature éditoriale,  aussi, en un temps que j'étais fort lié avec M. Jean-Jacques Pauvert, admirateur intransigeant , biographe appliqué et premier éditeur sérieux de Sade, je lui demandai de concocter un recueil de citations du grand écrivain maudit, permettant ainsi à la lectrice pressée, mais curieuse de s'instruire, d'en découvrir la pensée tout en évitant la fatigue de tourner trop de pages. M. Pauvert eut l'obligeance d'effectuer ce travail, qui fut publié sous le titre Osons le dire , expression qu'affectionnait le divin marquis.
  Je n'ai rappelé ce souvenir que pour montrer que je n'ignore pas totalement l'auteur de Dorci, ou la bizarrerie du sort , et j'en reviens maintenant aux enthousiasmes de M. Goux, enthousiasmes s'appuyant sur les autorités de Gustave Flaubert et des frères Goncourt  (conversation particulière).
  Flaubert et les Goncourt ?
  J'y fus voir.
  Dans l'Index de la Correspondance de Gustave Flaubert ( édition Pléiade), j'ai décompté quinze occurrences Sade , en sept mille pages de texte..., dans l'Index du Journal des Goncourt ( édition Bouquins) , vingt-huit occurrences Sade , en trois mille pages ( plus remplies de signes que les pages Flaubert).
   J'ai lu, consciencieusement.
  Le 15 juillet 1839, Gustave Flaubert ( alors âgé de dix-sept ans) écrit à son ami Ernest Chevalier : " O mon cher Ernest, à propos du marquis de Sade , si tu pouvais me trouver quelques uns des romans de cet honnête écrivain, je les payerais son pesant d'or. J'ai lu sur lui un article biographique de J. Janin (...)".
   Le 17 juillet 1853, à Louise Colet : " Je ne serai jamais (je l'espère) ni un aliéné ni un de Sade."
  Le 30 mai 1857, à Théophile Gautier : "Arrive. Je t'attends. Je m'arrangerai pour procurer à mes hôtes un De Sade complet! Il y en aura des volumes sur les tables de nuit!" (Commentaire d'un invité : "Est-ce vrai? Peu importe!" – nous n'en saurons pas plus.).
  Le 1er août 1858, dans une lettre à Eugène Delattre, Sade est cité parmi les "objets de première nécessité " à emporter en vacances.
  Ailleurs, le nom de Sade passe, sans plus. Et est-ce tout ? Oui, c'est tout, pas un jugement, pas un commentaire, pas une analyse.
  Et les Goncourt ? L'essentiel des citations est antérieur à 1865 et là encore, c'est juste un nom qui passe ("on philosophe sur Sade") , toujours ni jugement, ni commentaire, ni analyse, et c'est seulement le 14 septembre 1889 qu'Edmond, désormais seul, écrit : " Parcouru  LES MALHEURS DE JUSTINE de Sade. L'originalité de l'abominable livre, je ne la vois pas dans l'ordure, dans la cochonnerie, je la trouve dans la punition céleste de la vertu." (Mais le titre est inexact. Quelle édition – tronquée ? fidèle?-- Edmond a-t-il (enfin...) parcourue? Silence).
  En fait , la plupart  des références à Sade faites par les Goncourt concernent  Flaubert.
  Novembre 1858 : " Flaubert, une intelligence hantée par M. de Sade, auquel il revient toujours, comme à un mystère qui l'affriole.(...) et s'écriant, toujours à propos de Sade : " C'est la bêtise la plus amusante que j'aie rencontrée!"
   29 janvier 1860 : " Puis causerie sur de Sade, auquel revient toujours, comme fasciné, l'esprit de Flaubert: "C'est le dernier mot du catholicisme, dit-il.(...) c'est l'esprit de l'Inquisition (...) l'horreur de la nature. Il n'y a pas un arbre dans de Sade, ni un animal."[Mais je lis dans Aline et Valcour , ouvert au hasard : "Je me laissai choir au pied d'un chêne."]
  9 avril 1860 : " C'est étonnant, ce de Sade, on le trouve à tous les bouts de Flaubert comme un horizon. Il affirme qu'alors , il ne l'avait pas lu." [Je souligne].

5 commentaires:

  1. Pour ce qui est de la poésie, j'aime bien celui-ci : http://koltchak91120.wordpress.com/2011/05/30/un-peu-de-poesie-dans-ce-monde-de-rut-ou-foutre-de-la-presomption-dinnocence-culbutons-troussons-la-gent-ancillaire-plutot-que-de-sacrifier-au-saint-patron-des-hautrus/

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  2. Bon, évidemment, si même Gustave et Edmond sont contre moi…

    La prochaine fois, je vous lancerai sur San-Antonio, on verra si vous faites autant le fier !

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  3. Je cherche déjà les occurences "dard" dans le Journal de Julien Green.

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