Sans
véritablement m'ôter le sommeil, cette question ne manque pas de me turlupiner
: comment Mme la comtesse de Genlis raconte-t-elle dans ses Mémoires écrits vers 1806, alors qu'elle
est devenue avec ostentation grenouille de bénitier, sa liaison scandaleuse et
doublement adultère avec le duc de Chartres ( bientôt duc d'Orléans, en
attendant de finir sur l'échafaud sous le nom de Philippe-Egalité une vie de
débauches honteuses, trahisons abjectes et crimes inouis ) ?
La lecture
du tome premier ( sur dix...) des Mémoires ne m'apporte aucune réponse, la
Comtesse commençant son récit au 25 janvier 1746, jour de sa naissance; nous
avons donc une enfance, des affaires de famille, de la musique ( très tôt, elle
maîtrise à ravir tous les instruments) , un mariage à 17 ans avec M. de Genlis,
une plaisante rencontre avec Jean-Jacques Rousseau, des premières couches... j'abrège – page 160
du tome deux, enfin cette phrase : " J'écris tout ceci très péniblement,
parce que c'est rendre compte d'une des plus grandes fautes de ma vie."
Mme de
Genlis entreprend-elle ici, après cet exorde, de nous narrer comment elle tomba
dans les bras, et sur le sofa, le divan, le lit, du duc de Chartres ? Que nenni
– cette grande faute est ( pour le
moment ? ) d'avoir accepté une place de dame auprès de Mme la duchesse de
Chartres.
Un petit
retour en arrière est ici nécessaire .
Mme de
Genlis était souvent reçue par le duc d'Orléans, au Palais-Royal ou à
Villers-Cotteret, elle y avait été présentée par sa tante, Mme de Montesson,
qui manoeuvrait pour se faire épouser par ce prince, bien qu'elle fût
notoirement la proie d'un sentiment violent et platonique pour le comte ( et futur duc ) de Guines. Dans cette
situation un peu embrouillée , mais conforme aux mœurs du temps dans leur
version vertueuse, la jeune comtesse de Genlis ( nous sommes en 1770, elle a
donc 24 ans ) joue les intermédaires au profit de sa tante , elle attise le
sentiment , à éclipses, du duc pour Mme de Montesson, et négocie auprès du duc
de Chartres pour que celui-ci ne s'oppose pas au mariage de son père. Les
difficultès s'aplanissent et le duc d'Orléans obtient que le roi , c'est Louis
XV , consente à ce mariage très au-dessous de son rang .Le souverain y a mis
trois conditions : que l'union demeure secrète, que Mme de Montesson conserve
son nom ( elle ne pourra donc être duchesse
d'Orléans ) et qu'elle ne vienne pas à la Cour.
L' union secrète est célébrée secrétement
par l'archevêque de Paris, trois semaines plus tard, tout Paris et tout
Versailles en bruissent.
Et Mme de
Genlis ? Elle avait eu la promesse d'une place de dame d'honneur auprès de
Madame, comtesse de Provence ( donc épouse du futur Louis XVIII ) , promesse
reprise quand elle fit comprendre qu'elle ne voulait pas paraître dans la
société de Mme du Barry, ancienne courtisane et maîtresse en titre du Roi.
C'est alors
que Mme de Montesson fit obtenir à sa nièce cette place de dame ( et celle de
capitaine des Gardes de Mgr le duc d'Orléans pour M. le comte de Genlis ). Nous
voici donc au moment de la faute, et
le couple Genlis au Palais-Royal ( la
pauvrette est d'abord conduite dans un ancien appartement du Régent : " Toutes
ces glaces, écrit-elle, toute cette magnificence de boudoir, me déplurent à l'excès. Je pensai que dans ces lieux
s'étaient passés les orgies de la Régence (...)".)
Et le duc
de Chartres ? Les dizaines de pages qui suivent décrivent la société du
Palais-Royal, mais point de jeune prince.
Quand sera
satisfaite m'a curiosité, si elle l'est jamais ?
C'est qu'elle est bien capable d'avoir fini par n'en parler nulle part !
RépondreSupprimerPatience patience...
RépondreSupprimerPour le moment, nous ne rencontrons que des femmes vertueuses...