Lorsque je
commençai à sortir de l'enfance ( vers treize ans ? douze ? ), j'abandonnai la
lecture de Jules Verne, Conan Doyle ( comme m'avait fait peur Le chien des Baskerville ! ) et Maurice
Leblanc ( comme m'avait effrayé L'île aux
trente cercueils ! ) au profit de Balzac, Stendhal, Malraux et alii.
Je
rencontrai des mots dont le sens m'était inconnu et, parfois, passaient des
personnages historiques qui m'étaient peu familiers.
Je pris donc
l'habitude d'avoir à portée de main un Petit
Larousse illustré -- en ce temps,
c'était encore un dictionnaire de langue très-honnête, et la partie
biographique , bien que succinte, fournissait au moins des dates, ce qui
permettait d'inscrire dans la chronologie l'homme, ou la femme, moyennement
illustre mais mystérieux ; pour les cas plus difficiles, je me rendais dans le
bureau de mon père, et m'adressai au Grand
Larousse en six volumes pour que fût satisfaite ma curiosité.
Naquit
ainsi en moi l'habitude de chercher par mes propres moyens, et d'étendre ma
recherche à des vocables, ou des individus, voisins, bref, je commençai à
maîtriser une méthode assez efficace pour accroître mes modestes connaissances
( et, lorsque l'on a appris à chercher, l'on a aussi appris à trouver ), que
j'étendais de cercle en cercle.
Bien sûr,
les éditions que je lisais étaient dépourvues
de notes.
Heureux
temps !
Aujourd'hui,
les gros éditeurs ( je ne nommerai
aucun de ces épiciers ), après avoir constaté que, grâce à l'anti-enseignement
public, les lecteurs se raréfient un peu plus chaque jour, ont réagi ,
commercialement, en publiant leurs dernières éditions de textes classiques , ou
même de toute œuvre vieille de plus de trois décennies, avec l'espoir qu'elles
seront inscrites au programme, i-e achetées quasi-obligatoirement
par des écoliers ou étudiants semi-illettrés et dégoûtés par leurs maîtres du
moindre sens de l'effort.
Et, pour que
ces textes soient ( à peu près) compris
des chères têtes diverses, ils
ont agrémenté tout mot jugé rare, obsolète ou peu usité d'une note qui en
fournit le sens , par ex. pour "bouffarde" , "tacot" ou
"châle" (autres exemples par milliers ). Pour les noms propres, un
maigre digest d'un dictionnaire
étique fait l'affaire.
(Je ne dis
rien ici des notes qui sont un
commentaire , ce verbiage mérite un entier billet, quand je serai
d'humeur).
Ainsi, notre
jeune lecteur ( entre quinze et trente ans s'il doit s'initier à Balzac...) obtient-il à peu de frais une définition unique, qui n'est pas toujours
pertinente ni appropriée, mais surtout, il est amputé de la nécessité de
s'informer par lui-même, d'éveiller dans cette recherche sa curiosité, bref d'apprendre à apprendre.
Comme j'ai
eu de la chance de naître il y a plus d'un demi-siècle !
PS. Et Pipipedia ? C'est un autre topique.
« Comme j'ai eu de la chance de naître il y a plus d'un demi-siècle ! »
RépondreSupprimerMoi aussi, mais ce fut de justesse !
Chercher un mot, en trouver un autre, se mettre à lire, suivre un renvoi vers un nom, se mettre à lire, oublier le mot que l'on cherchait au départ.
RépondreSupprimerIl n'y a que les pages de papier pour faire ça. Et surtout les vieilles pages. Les dictionnaires actuels sont des traîtres. Orsenna qui fait le malin : "je veux que kiffer entre dans la langue française !" Et avec des vendus pareils quelle bouffarde s'est faite éjecter du Larousse 2013 pour que le grotesque nomophobe y trouve une place ? (mot indispensable et qu'on emploie chaque jour, mot essentiel pour la survie de notre langue, mot dont je n'avais jamais entendu parler avant que le Larousse ne l'inventât). Bientôt les belles éditions d'antan se vendront à prix d'or (mon beau, mon vaillant petit Larousse 82 qui m'a tant appris et que je manipule aujourd'hui avec mille précautions, pauvre vieille chose).
Merci pour cet éloge du papier...
RépondreSupprimerEn ce moment, proche de moi, j'ai un petit Larousse de 1906 , qui est très bien, une réédition faite par Larousse il y a quelques années ( un acte de contrition ? ) et qui se trouve peut-être encore facilement.
Ça se trouve en effet. Me voilà tenté...
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