Dans un
billet dont je recommande la lecture : http://didiergouxbis.blogspot.com/2013/07/sade-lanti-bisounours-radical.html
pour la
pleine compréhension de mon propos, mon éminent et érudit ami M. Didier Goux,
dont la plume incisive autant qu'élégante masque parfois une discrète
plaisanterie, affirme, avec un sérieux papal, que "Sade est le troisième
grand écrivain du XVIIIème siécle".
Cette
médaille de bronze décernée à l'auteur de l' Histoire secréte d'Isabelle de Bavière, reine de France , étonnera moins lorsque j'aurais rappelé que, sauf
erreur de ma part, M. Goux tient l'abbé de Voisenon pour le deuxième auteur du même siècle grâce à
son polisson Le sultan Misapouf et la princesse
Grisemine , la première place revenant à l'abbé du Laurens, à qui l'on doit
nombre de livres interdits, dont Le Balai, poème héroï-comique en XVIII chants, Le
compère Mathieu ou les Bigarrures de l'esprit humain (4 vol.) et surtout La chandelle d'Arras,poème en XVIII chants,
dont M. Didier Goux aime à citer ces beaux
vers :
"Oh! Le
Curé savait bien s'aviser...
"Dame
Margot est femelle entendue;
"Morbleu! Sur elle on peut se reposer:
"Teint à
ravir, croupe grasse et dodue!"
en ajoutant
: Hein! Ca enfonce Racine!"
J'avoue que
je ne suis moi-même pas étranger à la plaisanterie, surtout si elle est de
nature éditoriale, aussi, en un temps que j'étais fort lié avec M.
Jean-Jacques Pauvert, admirateur intransigeant , biographe appliqué et premier
éditeur sérieux de Sade, je lui demandai de concocter un recueil de citations
du grand écrivain maudit, permettant
ainsi à la lectrice pressée, mais curieuse de s'instruire, d'en découvrir la
pensée tout en évitant la fatigue de tourner trop de pages. M. Pauvert eut
l'obligeance d'effectuer ce travail, qui fut publié sous le titre Osons le dire , expression qu'affectionnait le divin marquis.
Je n'ai
rappelé ce souvenir que pour montrer que je n'ignore pas totalement l'auteur de
Dorci, ou la bizarrerie du sort , et
j'en reviens maintenant aux enthousiasmes de M. Goux, enthousiasmes s'appuyant
sur les autorités de Gustave Flaubert et des frères Goncourt (conversation
particulière).
Flaubert et
les Goncourt ?
J'y fus
voir.
Dans l'Index
de la Correspondance de Gustave
Flaubert ( édition Pléiade), j'ai décompté quinze
occurrences Sade , en sept mille pages de texte..., dans l'Index du Journal des Goncourt ( édition Bouquins)
, vingt-huit occurrences Sade , en
trois mille pages ( plus remplies de signes que les pages Flaubert).
J'ai lu,
consciencieusement.
Le 15
juillet 1839, Gustave Flaubert ( alors âgé de dix-sept ans) écrit à son ami
Ernest Chevalier : " O mon cher Ernest, à propos du marquis de Sade , si
tu pouvais me trouver quelques uns des romans de cet honnête écrivain, je les
payerais son pesant d'or. J'ai lu sur lui un article biographique de J. Janin
(...)".
Le 17
juillet 1853, à Louise Colet : " Je ne serai jamais (je l'espère) ni un
aliéné ni un de Sade."
Le 30 mai
1857, à Théophile Gautier : "Arrive. Je t'attends. Je m'arrangerai pour
procurer à mes hôtes un De Sade
complet! Il y en aura des volumes sur
les tables de nuit!" (Commentaire d'un invité : "Est-ce vrai? Peu
importe!" – nous n'en saurons pas plus.).
Le 1er août
1858, dans une lettre à Eugène Delattre, Sade est cité parmi les "objets
de première nécessité " à emporter en vacances.
Ailleurs, le
nom de Sade passe, sans plus. Et est-ce tout ? Oui, c'est tout, pas un
jugement, pas un commentaire, pas une analyse.
Et les
Goncourt ? L'essentiel des citations est antérieur à 1865 et là encore, c'est
juste un nom qui passe ("on
philosophe sur Sade") , toujours ni jugement, ni commentaire, ni analyse, et
c'est seulement le 14 septembre 1889 qu'Edmond, désormais seul, écrit : " Parcouru LES MALHEURS DE JUSTINE de Sade.
L'originalité de l'abominable livre, je ne la vois pas dans l'ordure, dans la
cochonnerie, je la trouve dans la punition céleste de la vertu." (Mais le
titre est inexact. Quelle édition – tronquée ? fidèle?-- Edmond a-t-il
(enfin...) parcourue? Silence).
En fait , la
plupart des références à Sade faites par
les Goncourt concernent Flaubert.
Novembre
1858 : " Flaubert, une intelligence hantée par M. de Sade, auquel il
revient toujours, comme à un mystère qui l'affriole.(...) et s'écriant,
toujours à propos de Sade : " C'est la bêtise la plus amusante que j'aie
rencontrée!"
29 janvier
1860 : " Puis causerie sur de Sade, auquel revient toujours, comme
fasciné, l'esprit de Flaubert: "C'est le dernier mot du catholicisme,
dit-il.(...) c'est l'esprit de l'Inquisition (...) l'horreur de la nature. Il
n'y a pas un arbre dans de Sade, ni un animal."[Mais je lis dans Aline et Valcour , ouvert au hasard :
"Je me laissai choir au pied d'un chêne."]
9 avril 1860
: " C'est étonnant, ce de Sade, on le trouve à tous les bouts de Flaubert
comme un horizon. Il affirme qu'alors , il
ne l'avait pas lu." [Je souligne].
Pour ce qui est de la poésie, j'aime bien celui-ci : http://koltchak91120.wordpress.com/2011/05/30/un-peu-de-poesie-dans-ce-monde-de-rut-ou-foutre-de-la-presomption-dinnocence-culbutons-troussons-la-gent-ancillaire-plutot-que-de-sacrifier-au-saint-patron-des-hautrus/
RépondreSupprimerMerci pour ces beaux vers...
SupprimerBon, évidemment, si même Gustave et Edmond sont contre moi…
RépondreSupprimerLa prochaine fois, je vous lancerai sur San-Antonio, on verra si vous faites autant le fier !
Je cherche déjà les occurences "dard" dans le Journal de Julien Green.
RépondreSupprimerÇa ne devrait pas vous prendre trop de temps…
Supprimer