Dans le catalogue d'un libraire d'ancien, je découvre cet ouvrage : Les diners du baron d'Holbach dans lesquels se trouvent rassemblés, sous leur nom, une partie des gens de la Cour et des littérateurs les plus remarquables du 18e siècle par Mme la comtesse de Genlis.
Chic ! , me dis-je, Mme de Genlis a fort bien connu les écrivains de son temps, et ainsi va être enfin satisfaite l'une de mes marottes : apprendre, par leurs propres mots, comment parlaient entre eux les hommes les plus distingués d'un passé enfui.
Le livre est vite acheté, et aussi vite lu... Hélas, mille fois hélas, ces Dîners du baron d'Holbach... ont été écrits en 1821, et Mme de Genlis ( 1746-1830) n'est alors plus l'aimable libertine dont Lemoine nous a laissé un charmant portrait avec un sein (le droit ) prenant l'air. Elle est devenue, non pieuse, mais d'une bigoterie fanatique – on la surnomme La mère l'Eglise – et le présent ouvrage, bien qu'écrit sous la forme de dialogues, ne rapporte nulle conversation entendue par l'auteur, mais est une fabrication d'une espèce fort curieuse.
Qui oppose, d'une part, les Philosophes -- d'Holbach, d'Alembert, Diderot, Helvètius, Morellet... , et Voltaire, présent par ses dernières lettres lues à haute voix, lecture entrecoupée d'exclamations niaises et mille fois répétées : "comme il est gai! , comme il est charmant ! "—à, d'autre part, un Marquis aussi anonyme que fermement attaché à la religion catholique.
Dans la bouche des Philosophes, Mme de Genlis met des extraits de leurs œuvres publiées (c'est les faire parler comme un livre...) , citations souvent approximatives ( j'en ai vérifié quelques unes ), arrachées au contexte qui les éclaire, et de surcroît édulcorées, comme la comtesse nous en avertit par des notes telles que : " on supprime une épithète infâme", "on supprime la plaisanterie la plus basse et la plus dégoûtante", "on supprime un blasphème" .
Le Marquis, lui, répond à toutes ces abominations déistes ou athées par de fort longues tirades le plus souvent extraites des... Soirées de saint-Petersbourg de Joseph de Maistre.
Eh oui ! Dans des conversations supposées se tenir vers 1770, ce sont des textes publiés en 1821 ( et écrits après 1806 ) qui terrassent les propos impies...
Ainsi fut déçu mon espoir de lire un récit saisi sur le vif.
Pourtant, Mme de Genlis, dont l'œuvre, riche de plus de quatre-vingts volumes, lui valut une célèbrité que les éclats de sa vie eussent suffit à faire naître, eut un réel talent, et le courage, sous Louis XVI, de se proclamer femme de lettres; elle écrivit des Mémoires que je suis curieux de lire ( comment réinvente-t-elle ce temps où elle fut avide de plaisirs? ), je les possède depuis peu, mais cette œuvre est en dix volumes, et je prie que l'on m'accorde un délai de grâce pour en publier un modeste commentaire.
Je m'apprêtais à faire le malin en disant que, moi, j'avais lu les mémoires de Mme de Genlis, mais je m'aperçois, au vu de vos dix volumes, que je n'en ai lu qu'un mince digest… fort digeste, par ailleurs.
RépondreSupprimerEt ce soir, je vais attaquer Mme Sarraute...
SupprimerAttaquer Sarraute ? Et quelle sorte d'outil comptez-vous utiliser?
SupprimerFascinante et jolie personne que vous me faites découvrir là. Pour le reste, ne dit-on pas que « Quand le Diable devint vieux il se fit ermite » ?
RépondreSupprimerDe mon ermitage, amicalement.
Mais elle n'eut pas, de l'ermite, la réserve.
Supprimerça fait un moment que j'ai envie de consacrer un ou deux billets à Mme de Genlis. Je m'y mettrai dès que j'en aurai fini avec ces sacrés sarrasins.
RépondreSupprimerJ'espère vous prendre de vitesse, d'autant que les sarrasins étaient assez nombreux.
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