Un commentaire
de M. Matière-de-France m'a incité ce matin à reprendre Les belles esclaves de
Jean de La Varende, très grand écrivain qu'il est conseillé de lire et relire
pour se souvenir qu'il y eut jadis quelque chose nommé honneur. Mme de Chateauroux est absente de ce volume, mais y figure
Mme du Barry, en des pages qui tracent un admirable portrait de cette femme
charmante et loyale qui après avoir, en 1790, trouvé refuge à Londres où elle
aidait de sa fortune les Emigrés, revint à Paris sous la Terreur pour périr
sous le couperet de la racaille républicaine. De sa mort, Jean de La Varende
donne un récit sublime.
Mais
c'est dans la fange qu'est puisé le matèriau modelant pour les manuels de
l'histoire officielle l'image de la maîtresse royale, et plus particulièrement
dans un libelle intitulé Anecdotes sur Me
la comtesse du Barri publié à Londres ( ? – ou ailleurs... ) en 1776 sous
le voile de l'anonyme. Barbier attribua d'abord ce texte au fameux
maître-chanteur Thévenot de Morande ( qui y est pourtant traité d'escroc )
puis, dans une édition ultérieure de son précieux Dictionnaire des ouvrages anonymes il le donna à Pidansat de
Mairobert. Je ne trancherai pas : Morande et Pidansat furent de notoires et
prolifiques fabricants de libelles, les
érudits partagent entre ces deux hommes, au grè du vent, les volumes qui n'ont
pas de père avoué, ces petits mystères m'amusent, et j'en reparlerai sans les
résoudre.
Ces anecdotes sont copieuses – 408 pages
dans mon édition – et elles mélangent les calomnies aux faits avérés, dans la
proportion canonique d'un cheval de mensonges et inventions pour une alouette
de vérité.
Elles
suivent le schéma classique mêlant le sexe à l'argent volé et gaspillé -- naissance ignoble de père inconnu, mais on
peut en supposer un, qui fut un moine..., vente du pucelage, assortiment de
galanteries et franche prostitution puis, après la présentation à Versailles,
luxe babylonien et octroi de faveurs scandaleuses aux individus les plus vils,
la routine.
L'auteur se
surpasse pour les derniers jours du Roi. Craignant que son amant ne se contente
plus de ses caresses de courtisane, Mme du Barry se résoud à lui offrir une
malheureuse fillette, enfant du peuple, fille d'un humble menuisier, qui ne
sera pas une rivale.
Citons
Pidansat, ou Morande, peu importe:
"On fit
venir cet enfant, on la décrassa, on la parfuma, on l'introduisit dans le Lit
de ce Paillard auguste. Ce morceau aurait été de dure digestion pour lui , si
l'on ne l'eût aidé par des confortatifs violents, ce qui lui fut pour le moment
d'un secours bien doux & lui procura plus de plaisir que n'en éprouve
ordinairement un Libertin sexagénaire."
Hélas..."On ignorait alors qu'elle eût le germe de la
petite-vérole, qui ne tarda pas à se développer chez elle de la manière la plus
cruelle, puisqu'elle en mourut promptement." Louis a été contaminé, et va
bientôt mourir à son tour.
Bien sûr, ce
récit est une totale invention, mais une invention à alibi moral
: après la mort de son amant, Mme du Barry doit quitter la Cour, victime de
sa ruse licencieuse. ( Le crime ne paie pas...).
Je préfère
La Varende.
J'imagine que ce genre de libelles n'est pas fréquemment réédité. Vous devez avoir des étagères couvertes de tomes vénérables.
RépondreSupprimerCes tomes ne sont pas tous dignes de vénaration ( bien que publiés sous le règne de l'infortuné Louis XVI )mais fort utiles pour comprendre l'époque.
SupprimerJ'en reparlerai, quand il fera moins chaud.
Un fidèle lectrice, Mme Valérie T., me demande de vous faire passer un message. Elle aimerait que vous développiez le sujet des confortatifs violents.
RépondreSupprimerM. François H. ignore-t-il les modernes pharmacopées?
RépondreSupprimerJe réalise que Mme T. s'est peut-être méprise sur le sens précis de violent dans ce contexte...
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