14 juillet,
jour de deuil.
14 juillet,
il y a deux cent vingt-quatre ans.
Une horde
de brigands avinés, entraînée par des meneurs soudoyés par les agents du duc
d'Orléans, premier Prince du sang, suivie de ces éternels badauds qui font nombre parce que tout bruit
les attire, s'en va assièger la Bastille, forteresse imprenable.
Les
brigands ont pillé les armureries et l'hôtel des Invalides, ils ont des fusils,
un petit canon. M. de Launay, gouverneur de la forteresse imprenable, décide de
les disperser en faisant tirer une salve de mousquets et un modeste coup de
canon, ces intimidations ne sont pas meurtrières et intimident peu, la meute
avance et l'on a l'obligeance de la laisser franchir le petit pont-levis.
Oublieux de
son devoir et incertain d'une garnison qu'il s'est trop peu soucié de
commander, M. de Launay décide de négocier
avec les émeutiers et, en échange de la promesse de vie sauve pour sa troupe et
lui-même, il capitule -- comme peut capituler le commandant d'une
ville après des mois de siège... -- , fait baisser le grand pont-levis , le
troupeau s'engouffre, vainqueur sans combat.
Jamais la
Bastille n'a été prise , elle a été
livrée par son gardien.
M. de Launay
est entraîné dehors ; dans sa liesse, le peuple l'insulte, le frappe, le
massacre; on le décapite et, mise au
bout d'une pique, sa tête est portée jusqu'à l'Hotel-de-Ville ; elle n'est pas
seule, tout en chantant, les vainqueurs ont également tranché le cou de
quelques gardes, par souci d' égalité.
C'est de
l'anniversaire de cette lâche tuerie que , près d'un siécle plus tard, des voyous
parlementaires ont fait la fête nationale.
-- Que non ! m'objecte un pinailleur , notre
pure fête nationale ne célèbre pas le
14 juillet 1789, mais le 14 juillet 1790, jour de la fête de la Fédération.
Misérable
hypocrisie, car que célébrait-on ce
14 juillet 1790 ? Ce fut, nous dit le très-républicain Pierre Larousse, la
" solennité commémorative de la prise de la Bastille."
Ce fut aussi la plus grotesque des mascarades.
Il avait
été décidé de creuser au Champ de Mars, lieu des festivitès, un gigantesque
bassin. Les ouvriers paressaient..., alors on vit accourir en masse pour remuer
le sol le tout-Paris patriote et , mêlés aux travailleurs qu'animait le chant du Ca ira (dixit Larousse ), étudiants,
séminaristes, chevaliers de Saint-Louis, moines et nonnes, nobles et dames de
la Cour s'évertuaient à pousser la
brouette.
Le 14
juillet, alors que le ciel déchaînait des averses, prit place sur une vaste
estrade le Roi, ce malheureux Louis XVI qui jamais ne sut ce que règner
signifie, il s'assit sur un fauteuil brodé de bleu et or, à sa droite, sur un
fauteuil placé à même hauteur vint
sièger le Président de la prétendue Assemblée Nationale.
Au centre
du Champ de Mars s'élevait le colossal autel
de la Patrie, de forme carrée et pyramidale, haut de cent pieds, on y
accédait par quatre gigantesques
escaliers , et il était gravé de multiples inscriptions patriotiques, célébrant l'Egalité, la
Loi – et le Roi.
"A
l'heure, nous dit encore Pierre Larousse, où, un an auparavant, était tombée la
Bastille, cent pièces de canon tonnèrent " , et l'évêque d'Autun, M. de
Talleyrand-Périgord, monta à l'autel pour célèbrer le sacrifice divin dont il
ricanait.
Il pleuvait
encore et, dans la foule, on entendait : "Le bon Dieu est donc aristocrate
!".
Ce fut une
Fête très-humide et très-belle, elle n'était qu'un mouvement de l'engrenage qui
s'était mis en marche un an plus tôt, et qui allait broyer hommes, femmes,
institutions et tout ce qui avait fait la grandeur d'un pays qui , désormais,
ne célèbre plus que sa mort.
L'argutie traditionnelle d'après laquelle on célèbre la fête de la Fédération m'escagasse les oreilles à moi aussi.
RépondreSupprimerMais je ne pense pas que le citoyen moyen et bachelier connaisse ladite argutie, et la "fête de la fédération" , ni quoi que ce soit d'ailleurs.
SupprimerIl convient, à mon avis, de radicaliser ce raisonnement. et explique qu'aujourd'hui, nous n'avons fait que commémorer le 14 juillet de l'année dernière.
SupprimerL'avantage est que l'on pourrait faire aussi bien la même chose pour le 3 février (car il y a bien eu, je m'en porte témoin) un 3 février l'année dernière), le 25 mai ou le 14 décembre.
Cinglant résumé où je suis heureux de ne pas avoir vu traîner le mot de révolution à laquelle nos républicains associent paresseusement la méprise de la Bastille. Cette virée de soudards avinés et toutes les équipées sans culottes qui suivirent n'ont aucun rapport avec le puissant mouvement du tiers qui depuis la lutte pour les liberté municipales à partir du XIIe siècle fut le vrai ferment de l'abolition des privilèges, qui n'a pas signé la mort d'un pays mais le surgissement de ses ombres. J'ai relu le Guyot/Lacroix consacré à l'Histoire des prolétaires et je relis Augustin Thierry pour confirmer mes intuitions.
SupprimerJe compatis, nous c'est le 1er août, et le serment du Grütli c'est pas du flan, on a des photos.
RépondreSupprimerSeriez-vous helvète ?
RépondreSupprimer'' ce fut une fête très humide et très belle...''
RépondreSupprimerL'an dernier, ce fut pareil
Humide