david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

lundi 4 novembre 2013

Otages et rançons : le dessous des cartes



   Le dénouement heureux, mais aux causes obscures, d'un fait-divers exotique, suivi du dénouement malheureux, aux causes également obscures, d'un fait-divers tout aussi exotique, a entraîné de bruyants débats sur le thème : faut-il, ou non, payer la rançon exigée par des preneurs d'otages ?
  Cette alternative brutale a entraîné des réponses dictées tour à tour, ou simultanément, par la morale et l'utilitarisme.
  Et, plus généralement, par une forte propension à ignorer ce qu'est réellement le problème posé.
   Dans les sociétés occidentales, il a été établi depuis quelques décennies une sacralisation de la vie humaine, décrétée être le bien suprême. S'il est évident que pour tout individu ( je ne discuterai pas ici d'éventuelles exceptions ) sa propre vie est son bien suprême, il n'en est pas de même de la vie d'autrui, qui nous est généralement  indifférente. En dépit de cette évidence,  qu'il faut être très hypocrite pour nier, la sacralisation globale de la vie humaine est devenue un dogme, ou impératif catégorique..., institutionnalisé par une foule de lois, dont la première est celle qui punit pénalement la non-assistance en personne en danger.
  Cette sacralisation, et l'obligation d'assistance qui en découle, aurait dû non pas permettre de répondre à la question, mais interdire qu'elle fût même énoncée.
  Cela ne fut pas le cas.
  Comment donc se pose le problème, dès lors que la vie humaine n'est plus sacrée et qu'a disparu l'impératif catégorique ?
  Voici un argument moral : il n'est pas moral de récompenser le crime (de payer les ravisseurs).
  Et un autre argument moral : il n'est pas moral de laisser mourir une personne que l'on peut sauver avec quelques billets de banque.
  Voici un argument utilitariste : payer les ravisseurs les encourage à recommencer ( cet argument fait abstraction de la victime présente, concréte, au profit de victimes futures et virtuelles), et pour ne pas avoir encore à payer demain et après-demain, ne payons pas aujourd'hui.
  Plutôt que poursuivre ce jeu intellectuel, analysons ce que signifie un enlèvement avec demande de rançon.
  Un malfaiteur X enléve un individu Y et exige une rançon pour le libérer.
  La situation est simple : c'est à, Y , et à Y seul, qu'il appartient de décider s'il préfère payer ou mourir. Cette décision  peut être transférée à des ayant-droits ( famille ), tuteurs ( pour un enfant ) ou propriétaires ( si a été enlevé un objet) , ou encore à un employeur s'il y a entre ce dernier et Y une clause contractuelle  prévoyant l'implication financière dudit employeur en cette occurrence, et même à un tiers, si c'est à un tel tiers que le ravisseur demande des sous.
  Dans tous les cas , la décision sera d'ordre privée, et sera prise , dans un sens ou l'autre, pour des raisons telles que l'avarice, l'amour, la haine, la loyauté, le goût de la charité pour un tiers...,  etc., raisons qui ne regardent que la conscience de l'individu à qui incombe le choix de payer ou de ne pas payer.
    La décision prise ne concerne donc que les personnes impliquées, et nul n'a le droit de juger cette décision, sauf pour se livrer aux charmes de la littérature.
   Une complication paraît intervenir lorsque se mêlent de l'affaire des individus qui se font appeler gouvernement, et que par commodité je nommerai M. Etat.
   Voici un enlèvement et, pour des raisons qu'il est inutile de détailler mais relèvent souvent de l'interventionnisme irréfléchi, c'est M. Etat qui est sommé de payer la rançon.
    M. Etat est accoutumé de distribuer de l'argent pris à ses sujets en fonction de ses intérêts, par exemple en secourant une entreprise en faillite dans l'espoir de gagner des voix, et s'il peut espérer obtenir le même avantage en faisant libérer un otage, il paiera – tous les discours à propos de droit, de morale et autres balivernes n'interviendront nullement dans le processus de décision de M.Etat, sinon pour amuser la galerie.
   Quant aux sujets, ils diront éventuellement par leur vote s'ils estiment que la décision de M. Etat est bonne ou mauvaise.
  Les intérêts de M. Etat varient selon les circonstances, de ce qui est fait aujourd'hui on ne peut déduire ce qui sera fait demain, et tel qui se dit ferme le matin sera peut-être fort conciliant le soir, et M. Etat n'étant pas une entité abstraite mais un individu ( ou un groupe d'individus ) son action s'analyse comme celle de tout particulier, sans que l'on puisse en déduire une régle générale.
   Cependant M. Etat a un devoir , qui est d'assurer la sécurité de ses sujets et de punir les personnes qui ont attenté à cette sécurité.
   Lorsque se produit un enlèvement , le devoir de M. Etat n'est pas de payer une rançon, ce qu'il fera ou non selon son intérêt du jour, mais de capturer et châtier les ravisseurs –  c'est seulement sur sa capacité à capturer et châtier qu'il peut et doît être jugé.
 (Parenthése utilitariste et finale: le moyen le plus efficace de décourager des ravisseurs est de les attraper et de les rouer vifs).

9 commentaires:

  1. S'agissant de quatre employés plus ou moins direct d'Areva, qui travaillaient pour extraire l'uranium qui vous permettra, dans trois ans (compte-tenu des stocks) de continuer à tenir vos raisonnements éclairés à destinations des masses internétisées, il est possible que vous ayez oublié une ou deux étapes.

    "Cependant M. Etat a un devoir , qui est d'assurer la sécurité de ses sujets et de punir les personnes qui ont attenté à cette sécurité."

    Il faudrait savoir.
    - Ce M. Etat, il existe ou pas ? Quelques lignes plus haut, vous sous-entendez qu'il se pourrait bien que non.
    - Est-ce qu'il a un devoir fixe ou variable ? Là encore, vous indiquiez plus haut que ses buts fluctuaient selon l'humeur du capitaine. Pourquoi deviennent-ils fixes, tout d'un coup ?
    - Et comment déduisez-vous que son devoir serait, précisément, celui que vous indiquez ?

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  2. Anonyme, "[...] qui vous permettra, dans trois ans (compte-tenu des stocks) de continuer à tenir vos raisonnements éclairés ". Vous supputez, ici, il me semble. Les Toltèques étaient plus avisés que vous, au moins dans leur troisième principe.

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  3. Puis-je être éclairé sur un autre point:

    Pendant longtemps M Etat ne disait rien mais payait ( ou faisait payer par l employeur, par exemple) la rançon.
    Puis vint un nouveau M Etat qui déclara à la face du monde que parce qu'il était Lui, une nouvelle doctrine serait en vigueur: on ne paiera jamais. Nous savons bien evidemment que cela n'est que posture et que le nouveau M Etat fera comme l'ancien.

    Des deux M Etat, lequel est le plus " moral " ?

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  4. Pour ma part, je trouve que l'estrapade a un petit côté festif qui fait cruellement défaut à la roue. Ceci dit, les preneurs d'otages étant généralement mahométans, l’incération m'apparaît plus appropriée. Tous les kamikazes doublent ou triplent les couches de sous-vêtements en coton afin d'arriver au paradis avec le service trois-pièces intact. Cramés, ils devraient faire ceinture pour l'éternité. Ballot pour qui espère jouir d'une éternité de délices avec 72 houris dont le Coran n'a d'ailleurs jamais précisé le sexe.

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    1. Il ne faut pas décourager la kamikaze femelle. Pourquoi n' aurait-elle pas droit, elle aussi, à la félicité?

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