La nouvelle n'a pas fait la Une des gazettes,
elle est pourtant d'une gravité exceptionnelle.
Hier, prononçant tantôt une radicale
interdiction et tantôt l'obligation de retrait de vente, un magistrat jugeant
en référé a condamné cinq ouvrages à
être détruits sur ce moderne bûcher qu'est le pilon, inévitable tombeau de livres soudain proscrits.
Ces
cinq ouvrages sont des rééditions
d'œuvres publiées jadis ou naguère, rééditions effectuées par une sorte de
trublion illuminé et obsessionnel, dont je ne doute pas que les intentions
aient été perverses, et même malfaisantes, et de l'espèce que l'on combat plus
victorieusement par le mèpris que par des réfutations propres à rouvrir
inutilement un débat à l'issue depuis longtemps tranchée, et en la défaveur de
ces élécubrations.
J'ai déjà
traité ici de la liberté d'expression,
dans un billet d'octobre dernier contre la persécution de sites internet, je ne peux que répéter que cette liberté cesse
absolument d'exister dès qu'elle est
restreinte – j'ai lu qu'à la tribune de l'Assemblée le premier commis du
Président avait hier affirmé que toute opinion dissidente de sa propre
idéologie perdait le statut d'opinion pour n'être plus qu'un délit (applaudissements...), inutile de
commenter.
Parmi les
œuvres victimes de la force injuste de la
loi figure Le salut par les Juifs
de Léon Bloy.
Dédié à
Raïssa Maritain , épouse du philosophe chrétien Jacques Maritain, Le salut par les Juifs fut publié en 1892, réédité en 1906, 1924, 1933 et se trouve
au tome IX des Œuvres de Léon Bloy
(Paris, 1969 ) publiées par le Mercure
de France, filiale de la maison Gallimard, ce n'est donc pas un texte
clandestin, ni même marginal.
Ecrit en
réaction contre le "crime" qu'était pour Léon Bloy la publication de La
France juive d'Edouard Drumont et son antisémitisme maniaque, Le salut par les Juifs est une œuvre
paradoxale, mystique et inscrite dans une perspective eschatologique , œuvre difficile dont l'exacte compréhension
demande un effort d'attention et une connaissance approfondie de la pensée de
l'auteur de La femme pauvre , je ne sais si cet effort a été fait par l'actuel
rééditeur, ou par M.le juge des
référés.
Quoiqu'il
en soit, ce livre de Léon Bloy a échappé à l'interdiction totale, et ce sont seulement quelques pages qui en ont été
censurées – il pourra donc être une nouvelle fois publié, mais amputé d'un
certain nombre de phrases , je ne sais s'il sera permis d'indiquer ces coupes, ou
si le texte devra donner l'apparence d'une continuité trahissant l'auteur.
Redisons
cela : il est aujourd'hui, par une singulière clémence, permis de publier Léon Bloy, mais un Léon Bloy réécrit, mis en conformité avec l'idéologie ( et
les lubies) régnant en l'an 2013.
Seulement Léon Bloy ?
Il existe
des dizaines de milliers d'ouvrages
contenant des phrases qui désormais " ne sont pas des opinions mais des
délits", ouvrages écrits de l'Antiquité à des jours récents, et phrases
qui bien souvent ne sont pas même des opinions mais propos banaux, simplement conformes
aux mœurs de l'époque , livres dûs à des génies, de grands écrivains, des
auteurs agréables ou d'oubliés tacherons, mais hommes et femmes qui pensaient
comme on pensait en leur temps, avec les mots de leur temps, et non, ô scandale
! , selon les desiderata impérieux du premier commis et des sycophantes
subventionnés.
Certes,
cela va être un rude labeur, mais je suis certain qu'après un si exemplaire
début sera entrepris en grand l'œuvre nécessaire de nettoyage et élagage selon
les goûts du jour de ces textes témoignant encore de la réalité des êtres
humains de jadis .
Les
républicains guillotineurs voulaient du
passé faire table rase, leurs héritiers, disposant de plus de moyens, vont
le reconstruire, le rendre non seulement acceptable mais identique au présent qu'ils
voudraient imposer et, faisant être ce qui n'a jamais été ils pourront nous
montrer un passé non réinventé mais proprement inventé -- textes, corrigés, à l'appui.
Réécritures façon 1984 avec 29 ans de retard. Comment s'en étonner ?
RépondreSupprimerFort heureusement la résistance passera par le net où les ouvrages interdits par cette république, qui a la prétention d'incarner la France, sont téléchargeables librement, dans le texte d'origine.
RépondreSupprimerPar exemple : https://archive.org/details/lesalutparlesju00bloygoog
Cher M.Koltchak, il ne faut lire que de vrais livres, imprimés.
SupprimerIl n'y en a malheureusement plus, ils ont tous été interdits…
Supprimer"Le salut par les juifs" a été publié dans la collection de poche 10/18 il y a quelques années, sans que cela pose aucun problème. Celui dont vous ne citez pas le nom a dû croire qu'il s'agissait d'un brûlot antijuif (en fait, il ne s'est pas aperçu — et les juges non plus apparemment — que c'est exactement le contraire) et l'a annexé dans sa collection automne hiver du prêt à porter antisémite. Cela dit, n'importe quel lecteur un peu débrouillard peut se procurer le livre dans une autre édition...
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RépondreSupprimerQuelques précisions utiles.
RépondreSupprimerPour être complet, il serait juste de préciser que c'est à la demande de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) que l'interdiction pour antisémitisme d'un livre et la censure partielle de quatre autres aura été jugée aux référés à Bobigny en ce funeste 13 novembre 2013.
Anthologie des propos contre les Juifs le judaïsme et le sionisme de Paul-Éric Blanrue devra être retiré de la vente dans un délai d'un mois. Il ne s'agissait en gros que d'une réédition du Monde contre soi déjà publié aux Éditions Blanche en 2007, avec préface du prix Renaudot 2013, Yann Moix. Les dieux sont farceurs.
Certains passages de quatre autres ouvrages, La France juive, d'Édouard Drumont, Le Salut par les juifs, de Léon Bloy, Le Juif international, d'Henry Ford et La Controverse de Sion, de Douglas Reed devront être retirés.
Est-ce aux ligues et aux coteries, aussi diverses qu'influentes, de décider de ce qui est bon ou pas pour nos âmes sensibles ?
L'amour d'Anastasie m'anesthésie.
Je n ai pas tout compris: Savez-vous pourquoi un magistrat ( lequel ? ) s'est ainsi prononcé ? Traitait-il une plainte ? Déposée par qui ?
RépondreSupprimerJe vais donc aller chercher. Faut que je fasse tout ici...
Oups ! je viens de voir que Dany, plus haut a répondu à mon interrogation: La Licra, donc tout s'explique
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RépondreSupprimerLa vraie littérature va finir par coûter cher sur les quais de Seine devant Notre-Dame.
Un peu comme un bon pot au feu dans une gargote d'ailleurs tous les deux introuvables.
L'époque est au faux, aux faussaires, et, pire, à l'inquisition.
Et la blanquette ?
SupprimerQu'est devenue la blanquette ?
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RépondreSupprimerDans mon commentaire je parlais bien du roman de Balzac et de rien d'autre.
N'importe quelle édition le précise en bas de page du passage en question.
Un jour nos censeur interdiront "Tintin au Congo", pourtant il ne s'agit pas de littérature.
RépondreSupprimerIl me semble que la couverture ait déjà été censurée..
SupprimerBonjour.
RépondreSupprimerJe tombe par hasard sur ce billet (et ce blog). Quel beau sujet que la défense de cette chère liberté d'expression; merci pour ce texte, et pour ces commentaires librement exprim....oh, wait.
Peut-on m'expliquer la présence de "Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog." en dessous de certaines opinions ? J'avoue être quelque peu perdu...