Au hasard
d'un livre reçu ce matin, dont l'auteur se propose de disserter sur ce plaisant
divertissement qu'est le cinéma (
lequel, parfois et rarement, s'élève au niveau de l'art) :
"
L'alternation définit la forme du signifiant mais non pas forcément (...) celle
du signifié -- ce qui revient à dire que
le rapport du signifiant et du signifié , dans le syntagme alternant, n'est pas
toujours analogique. Si l'on adopte comme pertinence la nature du signifié de dénotation temporelle , on
distinguera trois cas de syntagme alternant."
Ou encore,
pour commenter et sans doute même signifier la profondeur signifiante du blockbuster que fut Adieu Philippine de Jacques Rozier
et à propos d'une scène où l'on voit, dans un studio, les personnages regarder
des rushes :
"La
différence de statut diégétique entre les deux séries entrecroisées (...)
caractérise cette variation du syntagme
alterné dans laquelle l'une des suites narratives conditionne l'autre
sans réciprocité possible."
De ces
propos primesautiers et joliment sémiologiques, je compte quatre cent quarante six pages contenant chacune vraiment beaucoup
de caractères d'imprimerie ( ou signes
), que je m'abstiendrai de lire.
L'auteur de
cet ouvrage n'était pas un honnête plombier ou charcutier qui, pour se reposer
de son labeur quotidien, jetait sur le papier, le soir venu, les réflexions que
lui suggérait la vision du Camion de
Mme Duras ou du Gendarme se marie de
M. Girault, mais un fonctionnaire de l'enseignement, un universitaire, qui, pour tenir devant des étudiants destinés à devenir à leur tour enseignants,
ces profonds propos était payé par le
contribuable.
Aujourd'hui
se comptent par milliers et milliers les discoureurs de cet acabit émargeant au budget de M. Etat, sans que
personne ne semble s'interroger sur la nécessité de les entretenir.
Ils sont protégés par l'obscure vacuité de
leurs phrases et, s'il arrive que M. Toulemonde en rencontre quelqu'une, il
accusera son ignorance d'homme ordinaire de l'empêcher d'en saisir la finesse,
et n'osera prononcer ce que lui dicte pourtant son bon sens – que la phrase ne
veut stictement rien dire, à moins qu'elle n'énonce un simple lieu commun, une
ordinaire évidence, dissimulés sous des néologismes formés sur ces racines
grecques qui impressionnent le vulgaire.
Ils se
drapent aussi, comme d'une armure ( hélas efficace), dans le sacro-saint
manteau de la recherche , cette
recherche dont personne n'ose demander la finalité ( et encore moins les
résultats ) , cette recherche d'on ne sait quoi mais devenue une fin en soi, et
à laquelle porter la moindre altération ( comme une diminution de crédits... )
entraînerait des catastrophes d'une ampleur encore inconnue.
Et le
contribuable paye, non de quelques piécettes mais par milliards, pour que vive et perdure cet enseignement supérieur et
rechercheur qui offre à ses disciples pour tout débouché le choix entre le
chômage et l'entrée dans la même carrière que leurs maîtres.
La
production de charabia jargonnant et de commentaires grotesques n'est pas la
seule activité des universitaires , nombre d'entre eux sont des gens réellement
savants , capables de transmettre un authentique savoir et même de l'augmenter,
mais ils ne sont plus qu'une minorité, submergée par la majorité des faiseurs
de verbiage qui prolifèrent, cancéreusement.
Les
sujets, paraît-il, commenceraient de se révolter contre ces impôts qui les accablent ? Il semblerait même qu'ils souhaitent
moins payer ?
Mais
vont-ils jusqu'à se demander qui d'autre, si les râleurs cessaient de
payer, cesserait d'être payé?
Je leur ai
ici indiqué une piste , il y en a des milliers et des milliers d'autres, et quiconque réclame que diminuent les
recettes de M. Etat doit d'abord exiger qu'en diminuent les dépenses – et
désigner qui sera frappé par cet
appauvrissement.
Cela
pourrait avoir pour effet que celui-là même qui a tant crié pour être moins
taxé s'aperçoive qu'il ne perçoit plus ces largesses qu'il recevait sans
s'interroger sur leur origine – je reviendrai sur cette causalité, seule source
de tout le mal.
Je vois bien qu'ici la jalousie vous emporte. Ce n'est pas parce que l'alternation ne vous inspire que moyennement qu'il faut mépriser ceux qui lui réservent la place qui lui revient de droit. C'est grâce à Heigegger et à des universitaires comme celui que vous citez que l'humanité a récemment accompli tous les merveilleux progrès que nous constatons.
RépondreSupprimerD'un autre côté, si ces gens pouvaient mener leurs fascinant travaux à leurs propres frais, ceux-ci ne perdraient rien de leur valeur et nous y trouverions notre compte fiscal. Je ne doute pas un instants qu'ils pourraient vivre grassement de la vente de leurs écrits tant la demande doit en être forte.
Et sur les ventes de leurs écrits, je peux dire qu'ils gagneraient de quoi s'acheter un sandwich par an....
RépondreSupprimerVous êtes optimiste : n'ayant plus d'étudiants plus ou moins tenus d'acheter il ne leur resterait plus que les amateurs d'alternation, espèce rare, reconnaissons le.
SupprimerC'est tout de même incroyable : après deux tentatives (infructueuses) de lecture de la première citation, puis sa lecture achevée, je n'ai toujours pas envie de chercher à la comprendre. Est-ce grave, Docteur ?
RépondreSupprimerButant sur le sens d' alternation, consultation du Larousse en ligne me donna, pour sa définition, qu' il s'agissait là d' un synonyme de disjonction. Arrivé à ce mot, j'appris qu' il recouvrait quatre significations variables selon le domaine où il fût employé, dont le domaine politique! Hélas, aucune de ces significations ne me permit de comprendre la première phrase de ce fécond auteur dont la fulgurence et la richesse de la pensée me demeureront interdites probablement à jamais. Voilà le triste sort de ceux qui lurent dans un autre monde (disparu, de toute évidence) que ce qui s'énonce aisément se conçoit bien, etc...(pour rétrogrades seulement).
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