Le
dénouement heureux, mais aux causes obscures, d'un fait-divers exotique, suivi
du dénouement malheureux, aux causes également obscures, d'un fait-divers tout
aussi exotique, a entraîné de bruyants débats sur le thème : faut-il, ou non, payer la rançon exigée
par des preneurs d'otages ?
Cette
alternative brutale a entraîné des réponses dictées tour à tour, ou
simultanément, par la morale et l'utilitarisme.
Et, plus
généralement, par une forte propension à ignorer ce qu'est réellement le problème
posé.
Dans les
sociétés occidentales, il a été établi depuis quelques décennies une sacralisation de la vie humaine, décrétée être le bien suprême. S'il est évident que pour tout individu ( je ne
discuterai pas ici d'éventuelles exceptions ) sa propre vie est son bien suprême, il n'en est pas de même de la vie d'autrui, qui nous est généralement indifférente. En dépit de cette évidence, qu'il faut être très hypocrite pour nier, la
sacralisation globale de la vie
humaine est devenue un dogme, ou impératif catégorique...,
institutionnalisé par une foule de lois, dont la première est celle qui punit
pénalement la non-assistance en personne
en danger.
Cette
sacralisation, et l'obligation d'assistance qui en découle, aurait dû non pas
permettre de répondre à la question, mais interdire qu'elle fût même énoncée.
Cela ne fut
pas le cas.
Comment donc
se pose le problème, dès lors que la vie humaine n'est plus sacrée et qu'a
disparu l'impératif catégorique ?
Voici un
argument moral : il n'est pas moral de récompenser le crime (de payer
les ravisseurs).
Et un autre
argument moral : il n'est pas moral de laisser mourir une personne que
l'on peut sauver avec quelques billets de banque.
Voici un
argument utilitariste : payer les
ravisseurs les encourage à recommencer ( cet argument fait abstraction de la
victime présente, concréte, au profit de victimes futures et virtuelles), et
pour ne pas avoir encore à payer demain et après-demain, ne payons pas
aujourd'hui.
Plutôt que
poursuivre ce jeu intellectuel, analysons ce que signifie un enlèvement avec demande de rançon.
Un
malfaiteur X enléve un individu Y et exige une rançon pour le libérer.
La situation
est simple : c'est à, Y , et à Y seul, qu'il appartient de décider s'il préfère
payer ou mourir. Cette décision peut
être transférée à des ayant-droits ( famille ), tuteurs ( pour un enfant ) ou
propriétaires ( si a été enlevé un objet) , ou encore à un employeur s'il y a
entre ce dernier et Y une clause contractuelle prévoyant l'implication financière dudit
employeur en cette occurrence, et même à un tiers,
si c'est à un tel tiers que le ravisseur demande des sous.
Dans tous
les cas , la décision sera d'ordre privée, et sera prise , dans un sens ou
l'autre, pour des raisons telles que l'avarice, l'amour, la haine, la loyauté,
le goût de la charité pour un tiers..., etc., raisons qui ne regardent que la conscience de l'individu à qui incombe
le choix de payer ou de ne pas payer.
La décision prise ne concerne donc que les
personnes impliquées, et nul n'a le droit de
juger cette décision, sauf pour se livrer aux charmes de la littérature.
Une
complication paraît intervenir lorsque se mêlent de l'affaire des individus qui
se font appeler gouvernement, et que
par commodité je nommerai M. Etat.
Voici un enlèvement et, pour des raisons
qu'il est inutile de détailler mais relèvent souvent de l'interventionnisme
irréfléchi, c'est M. Etat qui est sommé de payer la rançon.
M. Etat
est accoutumé de distribuer de l'argent pris à ses sujets en fonction de ses
intérêts, par exemple en secourant une entreprise en faillite dans l'espoir de gagner des voix, et s'il peut espérer
obtenir le même avantage en faisant libérer un otage, il paiera – tous les
discours à propos de droit, de morale et autres balivernes n'interviendront
nullement dans le processus de décision de M.Etat, sinon pour amuser la
galerie.
Quant aux
sujets, ils diront éventuellement par leur vote s'ils estiment que la décision
de M. Etat est bonne ou mauvaise.
Les intérêts
de M. Etat varient selon les circonstances, de ce qui est fait aujourd'hui on
ne peut déduire ce qui sera fait demain, et tel qui se dit ferme le matin sera
peut-être fort conciliant le soir, et M. Etat n'étant pas une entité abstraite
mais un individu ( ou un groupe d'individus ) son action s'analyse comme celle
de tout particulier, sans que l'on puisse en déduire une régle générale.
Cependant
M. Etat a un devoir , qui est
d'assurer la sécurité de ses sujets
et de punir les personnes qui ont attenté à cette sécurité.
Lorsque se
produit un enlèvement , le devoir de
M. Etat n'est pas de payer une rançon, ce qu'il fera ou non selon son intérêt
du jour, mais de capturer et châtier les ravisseurs – c'est seulement sur sa capacité à capturer et
châtier qu'il peut et doît être jugé.
(Parenthése utilitariste et finale: le moyen le plus
efficace de décourager des ravisseurs
est de les attraper et de les rouer vifs).
S'agissant de quatre employés plus ou moins direct d'Areva, qui travaillaient pour extraire l'uranium qui vous permettra, dans trois ans (compte-tenu des stocks) de continuer à tenir vos raisonnements éclairés à destinations des masses internétisées, il est possible que vous ayez oublié une ou deux étapes.
RépondreSupprimer"Cependant M. Etat a un devoir , qui est d'assurer la sécurité de ses sujets et de punir les personnes qui ont attenté à cette sécurité."
Il faudrait savoir.
- Ce M. Etat, il existe ou pas ? Quelques lignes plus haut, vous sous-entendez qu'il se pourrait bien que non.
- Est-ce qu'il a un devoir fixe ou variable ? Là encore, vous indiquiez plus haut que ses buts fluctuaient selon l'humeur du capitaine. Pourquoi deviennent-ils fixes, tout d'un coup ?
- Et comment déduisez-vous que son devoir serait, précisément, celui que vous indiquez ?
Tiens, un courageux anonyme qui confond but et devoir....
SupprimerAnonyme, "[...] qui vous permettra, dans trois ans (compte-tenu des stocks) de continuer à tenir vos raisonnements éclairés ". Vous supputez, ici, il me semble. Les Toltèques étaient plus avisés que vous, au moins dans leur troisième principe.
RépondreSupprimerEt les Atlantes ?
SupprimerPuis-je être éclairé sur un autre point:
RépondreSupprimerPendant longtemps M Etat ne disait rien mais payait ( ou faisait payer par l employeur, par exemple) la rançon.
Puis vint un nouveau M Etat qui déclara à la face du monde que parce qu'il était Lui, une nouvelle doctrine serait en vigueur: on ne paiera jamais. Nous savons bien evidemment que cela n'est que posture et que le nouveau M Etat fera comme l'ancien.
Des deux M Etat, lequel est le plus " moral " ?
M. Etat n'est jamais "moral"....
SupprimerPour ma part, je trouve que l'estrapade a un petit côté festif qui fait cruellement défaut à la roue. Ceci dit, les preneurs d'otages étant généralement mahométans, l’incération m'apparaît plus appropriée. Tous les kamikazes doublent ou triplent les couches de sous-vêtements en coton afin d'arriver au paradis avec le service trois-pièces intact. Cramés, ils devraient faire ceinture pour l'éternité. Ballot pour qui espère jouir d'une éternité de délices avec 72 houris dont le Coran n'a d'ailleurs jamais précisé le sexe.
RépondreSupprimerIl ne faut pas décourager la kamikaze femelle. Pourquoi n' aurait-elle pas droit, elle aussi, à la félicité?
SupprimerC'est un mystère divin....
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