david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

dimanche 10 novembre 2013

Du stéréotype et de l'homme nouveau



  Un billet de M. Corto critique avec verve (et un peu de colère ) , les projets de bidules étatiques créés pour "valoriser les innovations existantes en matière de déconstruction du genre et des stéréotypes".
  Ces bidules ont pour fonction accessoire, mais utile, de donner des places agréables à des clients du gouvernement, ou à des individus que ce gouvernement souhaite faire entrer dans sa clientèle  -- la démocratie fonctionnant, comme la plupart des sociétés humaines,  grâce à un clientèlisme issu de la Rome antique, et aujourd'hui adapté aux valeurs républicaines.
  Regardons leurs fonctions essentielles.
  La première , la déconstruction du genre, c'est-à-dire le masculin et le féminin, demandera pour parvenir à son terme que soient pratiquées sur la totalité de la population les opérations chirurgicales nécessaires à l'ablation de divers organes soit mâles soit femelles et ainsi réaliser l'idéal d'une humanité enfin asexuée, ce n'est pas impossible, mais demandera un peu de temps.
  La seconde s'en prend aux stéréotypes.
  Un stéréotype est la représentation d'un groupe d'objets ( ici : des êtres humains ) en fonction de caractéristiques apparentes de la majorité d'entre eux.
  Ainsi , quiconque se rend dans des ateliers de réparation d'automobiles, et n'y voit que des hommes, se forgera dans son cerveau ce stéréotype : les mécaniciens sont des hommes.
   Ou, en regardant dans une maison de la presse qui achète les revues consacrées au point de croix, l'observateur pensera que la broderie est pratiquée par les femmes.
   D'autres exemples de stéréotypes me viennent à l'esprit, je ne les dirai pas, les lois sur la liberté d'expression interdisant de les énoncer – en attendant que les progrés de la science et de la législation permettent de débusquer et châtier quiconque les pense.
   Le vice du sétréotype est sa nature globalisante (holistique) , donc réductrice – tous les mécaniciens ne sont pas des hommes, tous les amateurs de broderie ne sont pas des femmes – une majorité, si vaste soit-elle, n'est pas un tout.
   De plus, la construction du stéréotype repose sur des caractéristiques et des fréquences relevées à un certain instant, or, les comportements humains ne cessent d'évoluer, et ce qui était globalement exact hier ne le sera plus demain  (ou perdra toute pertinence ) – le stéréotype est éphémère et, même s'il peut subsister durant des siècles, il finit par disparaître de lui-même, sans intervention gouvernementale, lorsqu 'il cesse de représenter une réalité devenue évidemment autre.
  Son avantage, et raison de son existence, est de permettre d'informer a priori, avec plus de probabilités d'exactitude que d'erreur : lorsque j'entre dans l'atelier d'un garage, il y a plus de chances que cette forme courbée sur un moteur soit un homme plutôt qu'une femme et que je puisse donc dire, sans prendre le temps de réflèchir ou mieux regarder : bonjour, monsieur, plutôt que : bonjour, madame .
  De tous les biens, le temps est le plus limité, donc le plus précieux, et le stéréotype, qui nous évite de rechercher nous-même une information, a donc une utilité certaine pour nous guider dans nos rapports avec les autres humains. ( Il arrive que le stéréotype nous trompe, mais cela étant, par définition, moins fréquent que les occurrences où il dit vrai , le solde de son utilisation demeure positif).
  Ces stéréotypes, nés spontanément d'observations, peut-être parfois maladroites ou trop hâtives mais toujours tentatives de description du réel, et que les humains ont inventé pour faciliter leur existence, M. Etat et ses clients ont donc décidé de les détruire. Comme ils disposent de moyens de propagande – l'école et les medias – d'une puissance naguère inconnue, sans doute y parviendront-ils, et réaliseront-ils le grand projet de leur idéologie : la création d'un homme nouveau.
   En 1932, l'écrivain stalinien Maxime Gorki écrivait (in Du vieil homme et de l'homme nouveau ) :  "Le but des hommes nouveaux est de libérer les masses laborieuses des vieux préjugés et superstitions de race, de nation, de classe, de religion, de créer une fraternité universelle."
   Cet homme nouveau apparut en Russie soviétique dans le camp de travail Dzerjinski où , sous la férule de l'instituteur communiste Anton S. Makarenko ( 1888-1939) furent transformés quelques centaines de prisonniers que l'on appela fièrement tchékistes.
    En les contemplant, Makarenko vit chez eux : " un langage, des démarches logiques, une forme nouvelle d'émotion intellectuelle, de nouvelles dispositions de goûts, de nouvelles structures nerveuses, et le plus important de tout, une nouvelle forme d'utilisation de l'idéal."
   Sans doute l'homme nouveau que préparent les déconstructeurs de stéréotypes ne sera-t-il plus appelé tchékiste, mais humaniste, ou citoyen, et les camps où il naîtra prendront-ils une autre forme, mais les gardiens-éducateurs sont déjà en place, sous les ors des palais républicains.

   *  Citations extraites de La mythologie scientifique du communisme ( Paris, 2000) , de l'excellent historien roumain Lucian Boia, qui a vécu le communisme en action.

4 commentaires:

  1. Puisqu'on parle de communisme, je ne sais pas si vous connaissez ce mien billet (qui n'est que le relais de celui d'un ami) : http://koltchak91120.wordpress.com/2009/11/10/le-mur-est-tombe-et-le-communisme-a-mute/

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    1. Très excellent billet, merci Koltchak.
      La réalité est que ici le communisme est toujours présent, impuni et sans repentance.

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  2. Terra Nova , agitateur d'idées au service du PS, a réussi avec le succès que l'on sait à convaincre les socialistes de ne plus s’intéresser aux ouvriers mais de plutôt miser sur les minorités agissantes, la diversité et toussa...
    Aujourd'hui, Terra Nova, en parfaite cohésion avec Peillon, préconise que" les forces du progrès " se focalisent sur la petite enfance, dès 2 ans, pour construire et éduquer les citoyens de demain... Dans leur dernier rapport, ils ne parlent pas d'homme nouveau, mais ça y ressemble furieusement.

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    1. Demain, ils le fabriqueront dans le ventre des mères --socialismus in utero...

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