"Les
polygynes en pivotat comme en alternat comportent autant d'affections qu'en
indique leur degré, ainsi un digyne ne peut pas soutenir plus de 2 pivotales,
un pentagyne ne peut pas soutenir plus de 5 pivotales, comme dans ses alternats
il ne peut guère aimer plus de 5 femmes à la fois; l'omnigyne pourra, outre ses
assortiments d'alternat, estimés à 7 maîtresses polygames, aimer encore 7
pivotales plus une en titre sur-unitaire ou surpivotale."
Une
fois posés ces principes, contemplons-en les premiers effets, que nous trouvons
dans le chapitre intitulé : "
Echelle et mécanisme des quadrilles polygames puissanciels" :
"Les
Fées qui sont à l'affût de toutes les sympathies (...) ne manqueront pas de
réunir en cour d'amour les 10 personnages qui déjà se connaissent , puis après
une séance et un souper, il arrivera que les 4 amants de Cloris prendront une
inclination pour les 4 amantes de Télamon, savoir les 2 amantes monogynes de
Télamon pour les 2 pivotaux de Cloris et les 2 amants monogynes de Cloris pour
les 2 pivotales de Télamon et qu'en même temps Cloris et Télamon , entraînés
par l'impression générale, se passionneront l'un pour l'autre. Il y aura
infidélité générale et consentie de toutes parts, car on n'est pas jaloux dans
ces liens polygames de l'harmonie; ils ont pour but d'en venir au quadrille
régulier où l'on alterne en combinaison générale."
Ce programme pour la réalisation d'amours
et accouplements de groupe, doctement exposé en termes philosophiques nuancés
d'esprit géométrique, se trouve au centre du Nouveau monde amoureux
que Charles Fourier (1772-1837) écrivit vers 1819, et n'acheva pas; ses
disciples, qui craignaient que cette apologie d'une extrême liberté sexuelle,
allant jusqu'à refuser toute prohibition de l'inceste, n'offusquât de prudents
phalanstériens, en occultérent l'existence, et c'est seulement en 1967 que son
texte intégral fut publié par Mme Simone Debout-Oleszkiewicz, qui l'agrémenta
d'une préface fort longue et d'une lecture aride.
J'éprouve,
envers Charles Fourier, le même attrait que je ressens pour Jean-Pierre
Brisset (que Jules Romains fit couronner
Prince des Philosophes) et tous ces fous
littéraires qui écrivirent des milliers de pages pour prouver, avec une
impeccable logique, des théories reposant sur des prémisses proprement
délirantes. Fourier se distingue de ses confréres en fabrication de syllogismes
hallucinés par le succès que rencontra son socialisme géométrique, les
communautés qui en naquirent, je les considère avec une sincère sympathie, car
l'on ne peut qu'aimer nos semblables qui sacrifient leur existence à réaliser
l'impossible en oubliant toute réalité ( et, dans leur cas, sans nuire à
autrui), nous regrettons que ces communautés échouérent avant de parvenir à
cette harmonie universelle promise
par le Maître, qui précisa qu'on en connaîtrait la perfection par la pousse
d'une queue au derrière des humains.
Un aveu
maintenant : je n'ai pas réellement lu
les 496 pages du Nouveau monde amoureux,
cela m'eût demandé l' effort que je renacle à accorder à Damascius, Heidegger
et autres profonds penseurs et mon
humeur primesautière peine à élucider de trop nombreux néologismes recouvrant
de trop obscurs énoncés, mais en seulement parcourant,
je trouve cet innocent aveu:
"J'avais
35 ans lorsqu'un hasard , une scène où je me trouvais acteur me fit reconnaître
que j'avais le goût ou manie du saphisme, amour des saphiennes et empressements
pour tout ce qui peut les favoriser."
Comme était
aimable le socialisme, avec Charles Fourier!
*Dans le
même ouvrage, Fourier traite l'abominable massacreur Robespierre de
"bourreau maniaque" aux "infâmes préceptes"—merci.
Plusieurs femmes dans la même maison, c'est un truc pour devenir fou . comme disait, je ne sais plus qui : " Tu as une épouse et une belle mère, arrêtes toi là, le plein d’emmerdes est fait".
RépondreSupprimerJe vis avec une épouse et deux filles et bien depuis je bois plus que de raison, heureusement que j'ai viré la belle mère sinon je serais ad vitam æternam sous un tonneau de bière, joindre l'utile à l'agréable.
Ce sont des coups à être mis en bière !
SupprimerVous ne nous dites pas comment on détermine si on est digyne, pentagyne ou omnigyne et où on on trouve des pivotales en quantité suffisante.
RépondreSupprimerMerci pour l'éclat de rire !
Quel équilibre, quelle mesure, quelle poësie, quel respect des justes proportions en matière d'orchestration et d'assemblages improbables... chez cet utopiste, français !
RépondreSupprimer«... Plutôt que de chercher péniblement à mettre le fouriérisme en pratique, cherchez ce qui, de l'Harmonie, est déjà réalisé dans ce monde et, ces îlots tendanciels, étendez-les à tout le système social, lâchez les tristes amours de Civilisation mais ne menacez pas, ne fût-ce que d'une heure, vos capacités de jouir et de survivre et aussi ne vous installez pas jamais dans un état, si merveilleux soit-il, devenez des êtres de transition, de passage, soyez la dissolution plutôt que le lien, passez rapidement d'un être à un autre, d'une position à une autre, changez le monde toutes les deux ou trois heures, soyez le sourire sans chat plutôt que le chat sans sourire, que chacun de vos actes demeure aléatoire, indécidable, flottant, et en toute chose favorisez l'ambivalence car l'Utopie n'est pas un message. Alors, à ces conditions peut-être, vos jouissances deviendront la continuation de l'écriture fouriériste par d'autres moyens. » Fourier (c) Seuil.
Pascal Bruckner : « Nous voulons le Nouveau Monde amoureux tout de suite » (1975).
« Comme les bourgeois phalanstériens auraient peur du bonhomme Fourier, s'ils savaient le lire ! »
Ernest Cœurderoy : Hurrah!!! ou la Révolution par les Cosaques, 1854.
In Anthologie de la subversion carabinée par Noël Godin.
Que « la crapule en délire » (Proudhon) rêve de lendemains orgiaques, au son du canon, ne m'a jamais particulièrement emballé. Mais ne curetonisons pas trop, et sourions un peu en cette période bien maussade.
Merci pour ces citations.
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