david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

mercredi 11 décembre 2013

Secret : mes secrets



Je ne renie pas un mot, ni une virgule, de mon billet d'hier  (ce serait bêta), mais je crains que quelques lecteurs et sémillantes lectrices en aient déduit que je prenais avec légereté espionnage malveillant, surveillance par effraction et fichage orwellien.
    Il n'en est rien.
    Bien au contraire, je prends grand soin à m'informer scrupuleusement de toutes les activités interceptrices des divers M. Etat, et des moyens de s'en défendre.
    Lorsque le courrier électronique commença à se répandre, et qu'il apparut que des agences policières en prenait connaissance, je m'équipais de l'algorythme de cryptage PGP  (Pretty good privacy...) , que j'abandonnais car son usage me causait des tracas disproportionnés par rapport à la confidentialité, nulle..., que je protégeais.
   Plus tard, alors que les medias retentissaient de plus sophistiquées attaques étatiques, je fus attiré par les solutions de chiffrement de Tor, que cette entreprise distribue gratuitement, mais comme cette même firme vend des solutions de déchiffrement à des CIA ou FBI etc., j'éprouvais à l'utilisation de ses produits une prudente réticence, que confortèrent les mésaventures arrivées à Silk road, dont les propriétaires croupissent désormais en prison.
   Et avant toutes ces belles nouvelles technologies?
   Il y a plus d'un demi-siècle, je fus plusieurs fois arrêté et conduit au poste pour avoir manifesté, ou tenté de manifester, activités qui furent enregistrées sur une fiche (en carton) de la police politique nommée  Renseignements généraux.
    Une relation bien introduite ( un député) me confirma le fait, et me révéla que ce fichage avait empêché que fût acceptée mon inscription en "corniche", en un temps où j'avais l'ambition romantique d'entrer à Saint-Cyr et de mourir à la tête de mon bataillon  pour défendre la patrie.
    Quant à mes menues activités clandestines de cette même époque, elles demeurèrent ignorées, qu'elles soient révélées aujourd'hui, et je m'en glorifierais (modestement).
    Les commentateurs actuels soulignent les erreurs étranges qu'entraîne l'illicite collecte de données, et s'apitoient sur leurs victimes. Toujours il y a bien longtemps, le Président d'alors décida de concentrer dans un camp entouré de barbelés et miradors, sans jugement ni inculpation, quelques centaines d'opposants, dont la liste fut établie par les services idoines. Dans cette liste figurait un ami, aux nom et prénom fort répandus. A une aube d'hiver, des argousins s'emparèrent d'un monsieur portant les mêmes nom et prénom qui, n'ayant jamais eu la moindre activité politique, fut désagréablement surpris de son incarcération. Lors de sa libération, un an plus tard, cet homme était devenu un militant d'opposition, tandis que la cible désignée avait poursuivi tranquillement ses menées subversives.
   Restons aux âges préhistoriques.
   Vers les années 1970, je fus associé à une sorte de club, créé en hommage à un homme mort et rangé parmi les maudits de l'Histoire. Statutairement, nous ne pouvions être plus de quinze membres , en fait nous étions douze, et loin de clamer publiquement notre existence, nous ne faisions que nous réunir cinq ou six fois par an pour déjeuner dans des lieux très privés et fort agréables ( des cercles, de l'espèce du Jockey, mais ce n'était pas au Jockey).
  Un quart de siècle plus tard, un ami me conduisit dans une librairie étrangère et parisienne où il avait ses habitudes et dont le patron, me confia-t-il, avait des liens avec la CIA. Je fus présenté à cet homme qui, après quelques échanges de small talks, me lança, souriant:
  --Vous, vous avez été membre de ... (ici, le nom du club confidentiel, qui s'était dissous vingt ans plus tôt).
   Je fus ébahi, et ne me rappelle pas ce que je répondis, et si je répondis.
   Pour le reste, les livres d'auteurs pourchassés par le pouvoir et les textes radicalement dissidents que je publiais, tout cela est public, hautement public, et il y a dans mes romans tout ce qu'il faut pour me faire pendre, par la droite ou par la gauche.
   De ces pages arrachées au livre de ma vie, qu'il ne soit pas conclu que j'éprouve un lâche désabusement face au moderne Big Brother, sous prétexte que cela a existé de tout temps; ce rappel n'a pour dessein que montrer la constance de la volonté d'asservissement et de contrôle de M. Etat, aujourd'hui, cette volonté est d'autant plus redoutable qu'elle dispose de moyens techniques naguère inimaginables, et la tyrannie qui se construit ne connaîtra nulle limite , à moins de s'attaquer à la source du mal (déjà nommée...) et non à ses épiphénomènes.

7 commentaires:

  1. " il y a dans mes romans tout ce qu'il faut pour me faire pendre, par la droite ou par la gauche"

    Faudrait-il n'y voir que des autobiographies (très) habilement maquillées ? J'en doute quand même un peu. Certaines opinions (et actions) un brin nihilistes de plusieurs de vos personnages ne sauraient être attribuées qu'à la fertilité de votre imagination (ou à votre capacité à deviner l'âme de certains malfaisants).

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  2. C'est le soustexte qui peut me faire pendre.
    L'intertextualité n'expédie qu'aux galères.

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  3. Statutairement, nous ne pouvions être plus de quinze membres , en fait nous étions douze

    Une sorte de "nommé jeudi ? Vous avez intrigué, comploté contre la république ? Et personne n'a vu que c'était une farce ?
    Nous sommes bien mal surveillés.

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  4. Finalement c'est le clandestin qui a raison, gagne à tous les coups:
    A lui on ne demande pas son statut facebook : il a quitté sa savane pour en avoir un.

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    1. Mieux: il n'a pas besoin de papiers.
      Il nous montre le chemin de la liberté.

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  5. Concernant la cryptographie, etc., tout dépend du profil de l'utilisateur. L'auteur de ce blog n'intéressant pas fort l'état, un simple VPN suffira à frustrer les fonctionnaires bienveillants qui se penchent éventuellement sur son cas. En revanche, un site comme Silk Road intéressait beaucoup de monde, et très fort. Des moyens tout à fait différents ont été alors employés - n'oublions pas que l'état n'a pas des ressources infinies.

    Pour le reste, ne soyons pas trop pessimistes. Je pense qu'il est bien plus facile qu'avant de se protéger de l'état : il y a des milliers de services différents pour passer un coup de fil aujourd'hui, alors qu'autrefois il n'y avait que les fils des PTT. Etc.

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    1. Certes , et on peut toujours diffuser des textes tirés à la Ronéo....

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