La mort
d'un homme-dieu est un événement rare, hors du commun, et il est dans l'ordre
des choses que gens de politique et de medias lui consacrent, dans leurs
discours et écrits, une place éminente, comme pour les heurs et malheurs d'une
bande de joueurs de ballon ou une expédition guerrière et bienveillante en
terre exotique.
De cet
homme-dieu, je ne connais guère que sa re-création dans un divertissant film de
M. Clint Eastwood, Invictus, (USA,
2009 ); M. Morgan Freeman, acteur d'un talent supérieur, en incarnait le
personnage avec une vigueur bonhomme attirant infailliblement la sympathie,
cela me marqua, et demeure.
Dans le monde réel, cet homme fut déifié pour
incarner la fin d'une période de l'humanité, d'un long mouvement de l'Histoire
de notre espèce.
Les
lignes qui suivent rappelleront ce chapitre clos, sans aucun
jugement de valeur.
Il y a bien
longtemps, l'homme européen , qui se trouve être un homme à peau blanche (à peu
près) , s'en alla à la découverte d'autres continents, il y découvrit des
hommes alors inconnus, qu'il appela sauvages,tant
était grande la distance qui séparait leurs états respectifs, pour les uns,
état de civilisation, pour les autres, état de nature, ou de quasi-nature.
L'homme
blanc y vit une supériorité, sa
supériorité, qui, au fil des ans et des siècles, devint suprématie, autrement dit conquête et
domination.
Que ces
conquête et domination fussent morales ou immorales, que cette supériorité fût
fondée ou non sur des critères universels, que la suprématie fût établie, ou
non, sur de seuls avantages militaires n'est pas mon propos, mais cela fut.
Le vent
tourna, et dans les cœurs et les âmes des hommes blancs apparurent de nouvelles
idées (pour leur généalogie – Bartolomé de las Casas ? l'abbé Raynal ? à
voir...), qui les convainquirent d'une égalité, non cette égalité vraie venant
d'une nature commune, mais une égalité née d'a-prioris philosophiques et abolissant toute distinction de valeur et
de mérite entre divers peuples.
L'homme
blanc crut cela, et se retira des continents conquis, renonçant à sa
suprématie, puis à toute affirmation de son (éventuelle) supériorité, allant
jusqu'à nier qu'elle eût, dans le passé, existé.
Cependant,
sur un bout de territoire austral, des humains à peau blanche décidèrent de
maintenir supériorité et suprématie sur d'autres humains à peau plus sombre,
ils le firent par des lois, pratiques et mesures d'apparence mesquine, injuste,
et stupide.
Cette
attitude empêchait le dogme nouveau d'être véritablement universel, et suscita
en retour une indignation , elle, véritablement universelle.
Et tous les
peuples se liguèrent pour que fût détruite la dernière suprématie blanche. Le processus qui y mena est
connu, je relève seulement qu'il fût jugé nécessaire que cette destruction
apparût comme l'effet d'une longue lutte, et surtout qu'un homme, dont l'image
et le nom en seraient l'oriflamme, en fût le héros (et le hérault).
Pourquoi la
future vedette du film de M. Eastwood fut-elle choisie pour ce rôle plutôt que
tel autre individu ? Simplement pour s'être trouvée là au bon moment ?
Ou pour avoit été jugée plus intelligente, plus habile et d'humeur assez pacifique pour diriger un radical changement
de pouvoir en évitant de menaçants massacres ?
Les
historiens futurs, s'il s'en trouve, établiront les faits et jugeront, mais
quelle que soit la valeur, authentique ou mensongère, de cet homme, la réalité
est qu'il sera à jamais la dernière figure illustrant la dernière page d'un
long chapitre du passé humain --presque
cinq siècles...--, et la première page d'un nouveau.
Ainsi
sera-t-il immortel, comme il se doit pour un dieu.
***Pour les
détails de la sublimation d'un homme en une autre nature, lire L'apocoloquintose du divin Claude de
Sénèque. Apocoloquintose est formé
comme apothéose, à cette différence
que ce n'est pas un dieu que devient l'heureux mortel, mais une citrouille ou
coloquinte. Espérons que le héros ci-dessus évoqué ne soit pas victime d'un tel
accident.
qui les convainquirent d'une égalité, non cette égalité vraie venant d'une nature commune, mais une égalité née d'a-prioris philosophiques et abolissant toute distinction de valeur et de mérite entre divers peuples.
RépondreSupprimerCette fameuse égalité qui fait que ce bout d'Europe australe revient aujourd'hui à sa sauvagerie primale.
Invictus est diffusé ce soir sur France 2. Suis curieux de voir comment Eastwood a bien pu dessiner Mandela.
RépondreSupprimerTendrement. Chaleureusement.
SupprimerBravo !
RépondreSupprimerTrès beau billet.