J'aime les
animaux, certains d'entre eux sont ma famille, et même, plus je lis les
journaux, plus je tends à les préférer aux hommes.
Certes, je
ne cache pas que ma tendresse est inégalement
octroyée, et que ma sympathie est plus grande pour les félins que pour les
frelons, que si je regarde avec plaisir un timide chevreuil brouter à l'orée du
bois, je botterais volontiers l'arrière-train du sanglier qui dévaste nos
pelouses, et retourne la terre à puissants coups de groin dans l'espoir de
trouver des vers (miam miam...).
Mais enfin,
j'accroche à la balustrade d'un balcon des boules de graisse pour les mésanges et
les pic-épêches, donne de fraîches salades à nos cygnes et des pommes du verger
à nos ânes –ce sont là des gâteries, qui s'ajoutent à une herbe ou un fourrage
abondant—quant aux ravageuses souris, je les piège dans une petite cage et les
exile dans une futaie plutôt que les occire, ce qui serait la besogne des
chats, s'ils ne préféraient pâtée ou croquettes.
Pour
d'autres créatures du bon Dieu, que je ne connais que par de lointaines visites
à des zoos ou par des images, fixes ou animées, mon amour est réel, mais tient
un peu du préjugé, de la représentation que je m'en fais plus que d'une réelle
connaissance.
Ainsi des éléphants dont je ne partage pas
l'intimité et qui viennent rarement égayer notre demeure, mais que j'ai trouvés
si touchants et calins dans les films de Tony Jaa, sublime artiste martial, et
le cruel destin de l'éléphanteau victime de la cupidité de méchants dans Tum yum goong (a.k.a. The protector, Thailande, 2005 ) est une
séquence bouleversante qui m'a fait venir les larmes aux yeux.
Quant aux rhinocéros, je leur voue toute
l'affection que l'on doit aux mal-aimés, innocents d'une laideur reposant sur
des critères esthétiques trop anthropomorphiques.
Le
Président, lui, vadrouillant en Afrique afin de recueillir les acclamations qui
récompensent distribution de sous, remises de dettes et prosternation devant la
momie de saint Mandela, a hautement proclamé sa passion, solidaire et
humaniste, tant pour les éléphants que pour les rhinocéros, et l'aveu de cette
flamme s'est accompagnée de l'annonce de mesures
, qui sont, comme il se doit, des prohibitions, auxquelles s'ajoute une
audacieuse absurdité.
Pour faire
bref, ce Président a décidé que toute vente d'ivoire et de corne (de
rhinocéros) déjà interdite en ex-Gaule par d'antérieurs Présidents serait
encore plus interdite, ceci afin de
lutter contre le braconnage qui menacerait l'existence même des familles
pachydermiques.
Ce braconnage
est pratiqué parce que corne et ivoire sont recherchés par des amateurs,
l'interdiction augmentée (?) ne les découragera pas, elle aura pour seul effet d'augmenter le
prix de la marchandise, et donc de rendre le trafic plus fructueux, ce qui
conduira naturellement à son extension. ( Un observateur plus attentif aurait
noté que ces amateurs sont essentiellement asiatiques, et que les lois
gauloises ne les tracassent guère, l'étourderie est présidentielle, non
mienne).
On peut
aussi remarquer que l'on croit généralement qu'il arrive aux éléphants et
rhinocéros de mourir une fois arrivés au terme de leur vie, quid alors de leurs
cornes et défenses ? Ne cherchons pas plus avant, le Président a tranché : ces
dépouilles issues d'une loi de la nature sont également frappées d'anathème.
Et
l'absurdité? Elle est dans cette promesse toute présidentielle de faire brûler le stock d'ivoire détenu en ex-Gaule, soit trois tonnes.
Un
économiste rétorquerait que mettre sur le marché ce stock aurait eu pour effet de
faire baisser le prix de l'ivoire, donc de diminuer la rentabilité du braconnage,
et cette vente aurait fait entrer des sous dans les caisses de M.Etat, qui en a
justement bien besoin, barbotant dans une saumâtre mouise.
D'autant
que d'autres services de M. Etat ont compris que, en ces temps de disette, la
vente assure mieux que la destruction de nécessaires rentrées de piécettes, et
c'est ainsi que sont aujourd'hui offertes aux enchères à l'Hôtel Drouot par le
ministère de Me Cornette de Saint Cyr mille
quatre cents bouteilles de vins provenant des caves de l'hôtel de Matignon, résidence du premier commis. Cheval Blanc,
Romanée Conti , Pommard, Haut-Brion, que des crus prestigieux, et des
champagnes millésimés, et en un sacrifice nécessaire tous ces alcoolisés nectars
s'en vont partir chez de fortunés oenophiles, tandis que M. Premier commis et
ses hôtes accompagneront désormais leur steak-salade de gros-qui-tâche.
Premier
commis a-t-il voulu donner une leçon à son souverain ? Ou l'incohérence
serait-elle devenue le nouvel art de gouverner ?
C'est tout de même grandiose, ce président de France qui, comme ça, d'un coup, décide de s'attaquer tout seul au trafic international de l'ivoire. On a bien hâte de voir arriver les premières mesures concrètes dans ce domaine !
RépondreSupprimer(Ajout qui n'a rien à voir : je viens d'acheter un grand cahier Clairefontaine, m'en allant promener…)
Bien, je vois que nous sommes en phase. Ce président est vraiment extraordinaire, hier les éléphnats et les rhinos , quoi demain ? Le tamanoir guyanais, la tapir surinamien, le caîman noir, la blanche colombe ? Non mais allo quoi ! ce monsieur n'est vraiment pas fini !
RépondreSupprimerAlors qu'il ferait bien mieux de s'occuper de la disparition des merles au Plessis-Hébert !
SupprimerPeut-être quelque scribouillard annoncera-t-il un beau matin que ledit stock d' ivoire a été purifié au feu. Toute annonce ne reflétant pas exactement la réalité, surtout avec ses bateleurs aux commandes...
RépondreSupprimerNotre cher président devrait plutôt brûler sa tour d'ivoire dans laquelle il demeure depuis son élection mais là, je crois que nous avons le droit de réver
RépondreSupprimerBah, ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée que de tout brûler. Imaginons un grand autodafé rue de Solferino. C'est plein d'éléphants aux dents longues...
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