Un édile
méridional vient de tenir sur une population nomade, mais séjournant sur le territoire de sa commune le
temps de commettre quelques menues dépradations et recevoir de plus
copieuses allocations, des propos exprimant
ce que pensent ses administrés, et même la grande majorité des citoyens qui ne
sont pas membres de l'oligarchie, ni intellectuels ou artistes subventionnés,
et ne demeurent pas à Passy ou Saint-Germain-des-Prés (qui ne vivent pas dans les beaux quartiers, comme écrivait Aragon).
Selon les
mœurs du temps, un espion sans doute muni d'un smartphone enregistra les propos, sans en percevoir l'ironie, puis
les diffusa urbi et orbi de sorte qu'ils atterrirent à la Une de medias perpétuellement indignés.
Aussitôt,
vigoureusement manié par les petits chefs de son propre parti, le fouet
s'abattit sur le malheureux maire, qui fut en même temps voué aux gémonies, au
gibet, aux galères et à l'estrapade, à l'éxécration des bien-pensants et à la damnatio memoriae – sans oublier une
menace d'exclusion du paradis de l'opposition consensuelle.
J'ai assez
dit, et pas plus tard qu'hier, combien il est aujourd'hui imprudent de parler, tant la liste des sujets
interdits s'accroît à chaque minute, mais mon mauvais esprit me pousse à citer
des propos désobligeants, dénigrants, et même racistes, attaquant des personnes non-humaines, catégorie que vient d'inventer le
gouvernement indien, en lui assurant les nécessaires protections légales.
J'emprunte
ces textes qui, j'en frémis...,
contiennent des jugements de valeur et établissent de très inégalitaires
hiérarchies au traité Sur les facultés des aliments de Galien
de Pergame (131-vers 210) dont la Collection
des Universités de France vient de publier une excellente édition et
traduction due à M. John Wilkins (Paris, 2013).
"Difficile à digérer, et mauvaise pour le cardia, [la graine de
chanvre] fait mal à la tête et a un suc mauvais."
"Crue,
[la citrouille] est désagréable, elle est tout à fait mauvaise pour le cardia
et ne se digère pas. Par conséquent, même si on se force à manger de la
citrouille par manque d'un autre aliment, comme on y est déjà résigné, on
sentira une lourdeur froide et accablante dans le ventre; le cardia se troublera
et se mettra à vomir, seul moyen de l'affranchir des symptômes qui le
contraignent."
"Quant
aux pains qu'on appelle "cachés" parce qu'ils sont cachés dans les
cendres pour la cuisson, les cendres leur apportent quelque chose de mauvais [c'est moi qui souligne]."
"Les
melons sont moins humides que les pastèques, ils ont un suc moins mauvais, sont
moins diurétiques et passent moins en bas. Ils ne peuvent ni provoquer la
nausée pareillement aux pastèques ni s'altérer vite dans le ventre."
"Toutes
les dattes se digérent mal et font du mal à la tête si on en mange beaucoup.
Certaines produisent la sensation d'irriter l'orifice du ventre, ce qui fait
qu'elles font plus mal à la tête."
Abominable
passé, heureusement révolu, éradiqué, aboli grâce aux lois humanistes, passé où il semblait anodin ( et peut-être même
utile...) de critiquer et comparer,
sans se soucier des stressants
traumatismes éprouvés par les victimes
que critiques et comparaisons rélèguaient à une place inférieure.
Aujourd'hui,
le pain caché , la citrouille et la pastèque pourraient revendiquer , et
obtenir, un traitement anti-discriminatoire (ainsi que des dommages-intérêts
pour les associatifs qui s'en sont
faits les héraults) et bénéficier ainsi de cette égalité qui, dans l'actuelle démocratie, place certaines catégories
, humaines, animales, végétales et bientôt sans doute minérales, très au-dessus
de leurs semblables.
***Je prie Pierre Corneille d'accepter mes excuses
pour avoir, en titre de ce billet, détourné l'un de ses plus célèbres vers
alexandrin.
Mon Dieu, voudriez-vous dire que... ou penseriez-vous à... et ...
RépondreSupprimerOh mon Dieu !
Excellent titre!
RépondreSupprimerLes dattes font mal au cul, par conséquent elles font mal à la tête ? Il avait la tête dans le cul, votre Galien.
RépondreSupprimerUn peu de respect...
RépondreSupprimerGalien fut le plus grand médecin de l'antiquité, et un savant d'un rare génie.