C'était juré
–croix de bois, croix de fer etc.—plus jamais je n'achèterai le journal (sauf les magazines de musique rock,
cinéma, horlogerie, trains américains, galipettes en quadrichromie, ventes aux enchères etc., qui ne sont pas des journaux).
Mais des
allusions insistantes, des références troublantes, des renvois à des textes qui
m'étaient inaccessibles ont provoqué en moi un malaise, un sentiment
d'inculture dont la persistance devint violence, si bien que je trahis mon
serment et acquis auprès d'un libraire flamand non pas un, mais deux numéros (
quitte à être parjure, autant l'être avec faste) du Mercure galant , portant les dates de juin 1697 et novembre 1698.
Ce journal,
dédié à Monseigneur le Dauphin, parut , avec privilège, de 1672 à 1724,
d'abord trimestriel et , très vite, mensuel.
Son
éditeur, le libraire Michel Brunet, sis Grande
Salle du Palais [de Justice, à Paris], précise dans un Avis que le Mercure est toujours imprimé au début de chaque mois.
Pour les abonnés qui habitent à la Campagne, les envois se font avant la mise
en vente, mais "comme ils seront plusieurs jours en chemin, Paris ne
laissera pas d'avoir le Mercure longtemps avant qu'il soit arrivé dans les
Villes éloignées, mais aussi les Villes ne le recevront pas si tard qu'elles
faisoient auparavant." Ainsi, la capitale et la Cour conservent la primeur
de l'information, sans que les provinciaux soient trop désavantagés.
Chaque
livraison se présente sous forme d'un élégant volume in-12 ( trente sols relié
en veau, --ce que sont mes exemplaires--, vingt-cinq sols en parchemin).Le
nombre de pages varie en fonction de l'actualité : 286 pour juin 1697, 308 pour
novembre 1698. Il y a des planches dépliantes pour des airs de musique , ainsi
ai-je pu déchiffrer la partition de cet air
nouveau : "Moutons chéris d'une fière Bergère....". Le plan des attaques lors du siège d'Ath
est annoncé dans la Table de juin 1697, il manque à mon exemplaire, ce que mon
marchand d'outre-Quiévrain avait omis de signaler.
Et
maintenant, quelles sont les nouvelles?
Tournons
les pages de juin 1697.
Après la
harangue faite au Roi par l'envoyé de Tripoli ( qui s'obstine à appeler Louis
XIV Très Puissant , Très Auguste et Très
Clément Empereur de France, l'assure de son amour respectueux, vit dans
la crainte de lui déplaire, le traite de Héros de l'Univers, et promet de gracier quelques esclaves), nous
trouvons les ordres de bataille (la
guerre de la ligue d'Augsbourg n'est pas terminée) des armées de M. le Maréchal
de Villeroy, de M. le Maréchal de Boufflers, d'Allemagne et de Catalogne, ainsi
qu'une lettre de M. Hemery , touchant une
maladie dont on n'a point encore ouy
parler, l' Etat des vaisseaux qui sont devant Barcelone et le Journal du siège de Barcelone (dont le
duc de Vendôme s'emparera).
Nous
apprenons aussi que le Roi fait voir ses
écuries à Madame la Princesse de Savoie (arrivée en France pour épouser le
duc de Bourgogne, petit-fils du Roi, et en qui Saint-Simon verra l'espoir de la
restauration d'une véritable monarchie...), que M. le comte de Neucheze est reçu Chevalier de S. Lazare , et avons le récit du Voyage de Monseigneur [le Dauphin] à Raincy, chez M. le marquis de Livry , qui n'a rien épargné pour rendre cette maison magnifique. Le salon est
"le premier qui ait été fait en France aussi spacieux, et il est encore
aujourd'hui un des plus grands que l'on voye". La fête fut somptueuse,
pendant le dîner, la musique si excellente que Monseigneur fit recommencer le
concert , puis il eut le plaisir de la
chasse et le lendemain," pendant que ce Prince était au jeu [il
disputait une partie d'hombre], un loup vint se présenter à la veuë à la porte
du Chasteau, comme pour inviter ce Prince à une seconde Chasse , dans laquelle
il aurait contribué à ses plaisirs [est-il certain que ce loup souhaitât
vraiment apporter cette contribution, fâcheuse pour son avenir?]".
Il y a dans
cette livraison, parmi des critiques de livres nouveaux, de nombreux autres
articles, dont la lecture est, en toute objectivité, plus instructive et plus
enrichissante que celle des ridicules imbécillités dont se nourrit la presse de
l'an 2013.
Aussi je
rêve de posséder la collection complète du Mercure
, soit environ six cents volumes, hélas, de misérables considérations financières
risquent de nuire à la réalisation de ce désir.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerLa lecture de la presse de 2013 est pourtant utile, même si hélas on n'y trouve nulle part des chansons comme "Moutons chéris d'une fière Bergère". On y lit toutefois des équivalents.
RépondreSupprimerVotre refus des journaux m'a fait me souvenir de la pièce "Edouard et Agrippine" de René de Obaldia dont je vous soumets l'extrait suivant :
RépondreSupprimer"AGRIPPINE.. Tu as lu le journal du soir ?
EDOUARD. Voyons, Agrippine, tu sais bien que je ne lis plus aucun journal depuis neuf ans !… J'ai ici la collection complète du « Petit Gaulois », de 1920 à 1923, tout y est, tout... Tu ferais mieux de conserver ton argent pour t'acheter des caramels.
AGRIPPINE. « Le Petit Gaulois »! « Le Petit Gaulois ». Nous de sommes plus au temps des petits Gaulois !
EDOUARD. Mais si, Agrippine, c’est là où tu te trompes. Depuis Clovis, l’homme n'a pas changé d'un clou. Toujours les mêmes histoires.
AGRIPPINE. Ah oui! vraiment! Le mariage de la princesse Tusor, devenue cow-girl par amour, avec Boby, le chasseur d'éponges, ça se trouve peut-être dans « Le Petit Gaulois » !!!
EDOUARD, très doucement. Mais oui, certainement. Il suffit de bien chercher, Agrippine.
AGRIPPINE. Et les quintuplés ? Les quintuplés de l'Okloama qui sont venus sept au monde ? Deux en plus à la dernière minute, et v'lan! et qui se sont mis à compter les cinq autres !… Avoue qu'on ne voit pas ça tous les jours?
EDOUARD. Dans le temps, toutes les familles étaient de neuf enfants, Agrippine."
Je suppose qu'on peut de même tout trouver dans "Le Mercure galant"...
Et même un peu plus.
SupprimerPeut-être aurais-je accepté de lire aujourd'hui "Le monde galant" ou "Libération galante"...
Et qu'a-t-il de particulièrement galant votre Mercure ? (je ne prends pas tout pour (vif) argent comptant !)
SupprimerNe révélons pas les secrets d'alcôve.
Supprimer