De quoi
demain sera-t-il fait?
Soucieux de
résoudre ce petit mystère, et pensant sans doute que plonger dans le passé
dévoile l'avenir, l'excellent Boulevard
Voltaire a demandé à des essayistes et chroniqueurs : "Sommes-nous en
1968, 1958 ou 1788 ? ".
Si M. Alain
Finkelkraut n'a pas joué le jeu, en répondant un froidement réaliste :
"Nous sommes en 2013" tuant tout suspense, je vais cependant m'y livrer, pour rappeler certaines réalités
historiques méconnues, notamment d'un agitateur neo-bolchevik qui a déclaré
hier que "nous sommes en 1788".
En mai 1968
se déroulèrent des manifestations étudiantes , jadis nommées monômes, provoquées par une brutale
évolution des mœurs, surtout sexuelles, et des lectures hâtives d'idéologues
aussi contestataires que confus; le Président eut l'étourderie de d'abord regarder
ailleurs, il se reprit, et tout rentra dans l'ordre antérieur.
En mai 1958,
en raison du drame algérien et du discrédit absolu où avaient sombré
institutions et personnel politique, un coup d'Etat militaire entraîna un
changement de règime (et, plus ou moins, de personnel).
En 1788, il
apparut un blocage du pouvoir , dû à l'opposition systématique des
parlementaires à toute tentative de réformes proclamées nécessaires par le
souverain et ses ministres.
Ce sont là
des situations fort différentes, aux suites encore plus dissemblables.
En 1968,
politiquement, il ne se passa rien, socialement en revanche se mirent en place
des mutations, plus destructrices que libératrices, dans l'enseignement, les
arts et lettres et les conduites des hommes, mutations qui trouvent aujourd'hui
leur pleine récompense.
En 1958, se
remit en marche un pays affaibli, simplement parce qu'était revenue dans le
cœur des hommes la confiance en l'avenir.
En 1788, il
ne se passa qu'agitation verbale et brouillonnes gesticulations ministérielles,
mais l'année suivante, en trois mois, furent détruites monarchie, institutions
et société.
En ce qui
concerne les gens qui agissent, il
n'y avait guère, et même quasiment pas, de révolutionnaires
en 1788, peu en 1958 et pléthore en 1968. Je n'en conclurai pas que l'absence
de révolutionnaires favorise les révolutions et que leur présence les empêche.
Plutôt que
considérer les années en huit (chiffre porte-bonheur pour les Chinois..) ,
d'autres commentateurs à visées divinatrices préférent évoquer et invoquer la chute de l'Empire romain d'Occident ( à
cause de panem et circenses). Il me
faut donc encore rappeler qu'il ne se produisit pas une telle chute pour
l'excellente raison qu'il n'y eut jamais d' Empire
romain d'Occident, mais un Empire
unique gouverné par deux Empereurs , l'un siégeant à Rome (puis Ravenne), l'autre à Byzance. En 476, le barbare Odoacre,
officier de l'armée romaine, déposa l'Empereur Romulus Augustule, se fit
proclamer roi, tout en reconnaissant l'autorité de l'Empereur de Byzance qui
lui accorda en retour la dignité de patrice. Ce coup d'Etat fut le point d'orgue
d'une longue dissolution politique, commencée plus de deux siécles auparavant,
et dont les enseignements ne peuvent se situer que dans la longue durée...
Il serait tout aussi pertinent, pour prédire
2014..., de regarder la disparition de l'Empire des Gupta, en Inde, ou la
dégénérescence de l'Empire Ottoman, ou encore, si l'on veut rester en ex-Gaule,
de scruter deux révolutions négligées des actuelles
pythonisses, celles de 1830 et 1848, où l'on vit des groupes sociaux ( i-e la grande,
puis moyenne, bourgeoisie ) intriguer pour s'emparer du pouvoir politique grâce
à un changement de régime propre à satisfaire leurs ambitions.
1788, 1830
etc. (oublions la farce de mai 68) , ce qui a fait qu'il y eut alors révolution fut
qu'il y eut remplacement des institutions – j'ignore ce qui se passera demain
et n'en ai même pas le soupçon, mais je ne vois nulle part aujourd'hui ( à
l'exception de groupuscules d'ultra-gauche peuplés de permanents syndicaux )
d'hommes et de femmes réclamant l'abolition de l'actuel ordre politique, je n'entends que criailleries pour réclamer des
privilèges ou des exemptions, et que cela soit accordé sans que par ailleurs
rien ne change, sans que soit détruit ni même amendé le système qui a engendré
ce que l'on peut nommer mécontentements, ou injustices, ou encore
dysfonctionnements et même (en exagérant...) révoltes, sans que quiconque
semble vouloir, plutôt qu'attaquer les effets, s'en prendre aux causes.
Oui, nous
sommes en 2013, et seulement en 2013. Pour ce qui est de l'an prochain, il
reste un mois à attendre ( et sans doute un peu plus pour un bouleversement
spectaculaire).
N'empêche, vu le temps depuis lequel on nous le promet, un nouveau mai 68 ne serait que justice. Quitte à ce que le gouvernement en subventionne les acteurs...
RépondreSupprimer@ Jacques, "Quitte à ce que le gouvernement en subventionne les acteurs..." Et pis quoi encore ? Il y a bien assez d'intermittents du spectacle dans le PAF pour en plus subventionner des acteurs.
SupprimerEn 1789, les agents du duc d'Orléans payaient les émeutiers -- en monnaie, en vin et en filles (ce dernier point serait désormais interdit).
SupprimerDrôle, j avais dans l esprit un billet sur , à peu près, le même sujet: Ce fameux grand soir qu'on serait tous à attendre mais qui ne vient pas. Deux fois dessus, j ai remis l'ouvrage ce matin.
RépondreSupprimerCent fois sur le métier... , cher Corto.
SupprimerLire et relire Kojève... Il ne se passera plus rien, et il n'y a plus qu'à apprendre - et réapprendre - le grec. Le reste, écrit-il tel quel, sera fait de jacasseries d'insectes.
RépondreSupprimerComme vous, je ne sais de quoi demain, sera fait, mais nous constatons que nos institutions sont à bout de souffle. Alors sommes-nous à la veille d'une révolution ou d'une contre-révolution, je ne suis pas madame Irma. Dieu seul le sait !
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