Rhéteur
invincible et humoriste délicat, le Président avait reçu de la Nature des dons
moins éclatants pour le calcul; on se souvient que, voulant célèbrer le
centenaire de la guerre de 1914, il avait posé sur un petit papier:
"1914" puis: "+100" , "résultat : 2013", et avait
décidé en conséquence de la date des cérémonies, en ce frisquet matin d'hiver,
il avait entrepris, afin de faire le bilan de l'année écoulée, d'en déterminer
le dernier jour, pour cela, il avait ajouté "365" à "0",
obtenu ainsi "362", et l'assurance que ce 28 décembre terminait cet
an 2013 qui fut pour lui... glorieux? admirable ? ou simplement, excellent?
Sur la
première page du registre de ses res
gestae, il écrivit:
*Je suis toujours vivant.
Certes,
c'était là un faible exploit, en raison des progrès de la pharmacopée et du
remplacement d'organes fâcheusement périssables par des substituts en
inaltérable matériau, mais le distinguait du commun d'avoir survécu à un attentat, commis par un
membre de l'ordre mendiant des théatreux qui, mécontent de la modicité des
aumônes reçues, avait , en roulant à un pas de sénateur se rendant en séance,
effleuré du parechoc de son véhicule la grille du parc présidentiel.
A la
seconde ligne, il mit:
*Je suis toujours Président.
Il posa son
stylo, se renversa en arrière , yeux fermés pour mieux savourer cette pensée,
oui, il était toujours Président, et il l'était pleinement – son salaire
n'avait pas diminué, ses demeures, dont nul (pas même l'accorte Leonarda) n'avait songé à le déloger pour le faire
camper en un plus modeste habitat, étaient toujours chauffées et peuplées d'une
abondante domesticité, ses courtisans, ses commis, ses gens de medias et son
Parlement éxécutaient sans broncher ses ordres, tout en en louant l'à-propos et
la justice, quant à son train de vie...
Ah! son
train de vie!
Il
continuait, contrairement à toutes les régles imposées à autrui, à faire
somptueusement entretenir Concubine numéro 2 par ses sujets, il était allé
visiter , avec son avion high cost
maintes terres étrangères, que ce fût pour bavarder avec des collègues aux
obsèques d'un saint très-sensible, recueillir les applaudissements d'indigènes arc-en-ciel, ou distribuer des faits culuturels, avions Rafale et autres
menues monnaies, il avait pu, chaque mois, chaque semaine, chaque jour, dépenser sans compter grâce au miracle
toujours renouvelé de l'emprunt-qui-ne-se-rembourse-pas, il s'était même, et
surtout, offert, ce qui n'est pas à la portée du premier smicard venu, le plaisir
de la guerre, envoyant l'élite de ses troupes conquérir déserts, jungles et
savanes, et même océans et banquises ( comme le lui avaient affirmé ses experts).
Aussi
écrivit-il:
*Fidéle au dogme des Grands ancêtres, j'ai
méprisé l'argent.
Que s'était-il passé d'autre ? Il chercha...
Il avait ouï dire que des manifestants s'étaient opposés à certain projet de
nature matrimoniale, ces passéistes avaient été ignorés et ce fut comme s'ils
n'avaient jamais existé, dans une province aisément séditieuse naquirent des
commencements d'émeute, une distribution de billets fraîchement imprimés ramena
le calme, plus grave, l'hydre raciste avait rugi de toutes ses
gueules, mais le glaive de la loi en avait coupé plusieurs têtes ( en en
conservant quelques unes pour nourrir de prochains touitts triomphants) et son
chef de la police avait fait écarteler un raciste à peau noire, coupable, selon
la belle expression de l'argousin, d'être en
dehors de la dimension créative ( ce que le nouveau code pénal punit
sévèrement, mais justement).
Le
Président commença de ronronner – quelle belle année! – mais une pensée
parasite le troubla... et... la Courbe ?
Il
réfléchit. Une courbe, et même la Courbe
, n'est autre qu'une ligne, laquelle est formée d'une suite de points. En cette
occurrence chaque point représente un chiffre ( ou un nombre, le Président
n'avait jamais bien su la différence) qui est le chiffre, ou le nombre, de ces
déplaisants individus nommés chômeurs. Pour des raisons mystérieuses, mais où
l'on pouvait voir la main de l'islamophobie, de l'homophobie, de l'hydrophobie
et autres activités subversives, ce chiffre ( ou nombre) ne cessait de changer, avec un
certain goût pour l'augmentation. Il en résultait que la Courbe tracée selon
ces chiffres (ou nombres...) allait vers le haut, et dans un moment
d'étourderie, le Président avait dit qu'il la ferait aller vers le bas.
Cette
mauvaise volonté de la Courbe alimentait d'aigres propos d'opposants mais, et
le Président considéra froidement la réalité,
était-il pour cela moins vivant, moins Président, ou privé de son train de vie
? Et qui n'était pas Président, dépourvu d'argent de poche et médiocrement
vivant?
Il haussa
les épaules – l'ithyphallisme de la Courbe n'avait aucune influence sur son
être (ni sur ses avoirs), il se promit de ne plus s'en soucier et, puisqu'était
terminée une année parfaitement heureuse, il allait consacrer les prochains
jours à lire les œuvres complètes de Louis Blanc, Auguste Blanqui et Gracchus
Babeuf afin d'y puiser l'inspiration d'actes qui feraient de 2015 (ou 2016?) un
temps d'encore plus parfaite prospérité, pour lui.
Décidément, vous êtes bien parti pour être le Saint-Simon de notre estimé Président.
RépondreSupprimerBravo!
Oh non!
SupprimerSi l'on oublie modestement la différence de talent, les personnages ici évoqués sont de pitoyables pygmées à côté des hommes et des femmes qui excitaient la verve de M. de Saint-Simon.
Vous savez rendre avec une exactitude enjouée la pensée profonde de notre glorieux Conducator (Il terrassa l'Islamisme, expulsa le Rrom bosniaque et mata le Trublion d'Oubangui-Chari, grâces lui soient rendues !). Merci d'avoir mis votre talent au service de sa gloire !
RépondreSupprimerJ'attends ma pension.
SupprimerSinon, hop, la grille du Coq -- boum!
"l'accorte Léonarda" : j'ai éclaté de rire car ce n'est pas cet adjectif qui me venait à l'esprit quand je pensais à Léonarda. Merci, Monsieur Desgranges, pour cet éclat de rire, bien rare par les temps de sinistrose actuels.
RépondreSupprimerMadame, vous me comblez.
SupprimerMonsieur Desgranges, comment voulez qu'un gars comme moi vienne faire des commentaires corrects quand il est obligé d'ouvrir un dictionnaire pour chauqe nouveau mot qu'il trouve comme par exemple: "'ithyphallisme" ; selon monsieur Google, cela voudrait dire; petite quéquette chez les grecs, je savais que ce peuple avait un problème d' orientation sexuelle maintenant je comprends mieux pourquoi mais de cela j'aurais du m'en douter car qui peut faire parader des soldats habillé en jupette ( les evzones) avec des chaussures à pompons même si ces derniers étaient de redoutables soldats.
RépondreSupprimerSinon rien à dire sur ce texte qui est pour moi de la belle littérature qui ne m'ennuie pas, ce qui est rare chez moi,n'ayant jamais atteint les 20 premières pages d'une oeuvre de littérature ancienne ou moderne.
Cher Grandpas, Google diffuse surtout des bêtises.
SupprimerLe terme qui vous intrigua, et que l'on rencontre en histoire de l'art, désigne un membre viril glorieusement dressé ...
Juste de passage pour vous signaler la naissance d'un nouveau blog décadent :
RépondreSupprimerhttp://dernierelignedroiteavantlasphere.blogspot.ch/
Joyeuses fêtes