Dans leur
amusant ouvrage intitulé 39 petites
histoires philosophiques d'une redoutable simplicité (Paris, 2005) qui soulève divers paradoxes (plus ou
moins) philosophiques, MM. Roberto Casati et Achille Varzi consacrent un
chapitre à une question fondamentale pour tout citoyen, ou sujet.
Ils
imaginent ce dialogue entre un argousin verbalisateur et un automobiliste garé
en "stationnement interdit" qui se défend en invoquant son ignorance
de la loi édictant cette interdiction:
"L'agent—La loi c'est la loi, nul n'est censé l'ignorer.
Lui—"Nul n'est censé ignorer la loi", c'est écrit où ?
L'agent –
Nulle part.
Lui—Donc ce
n'est pas une loi. (...) Si ce n'est pas une loi écrite, je ne suis pas tenu de
la connaître, et donc de l'observer.
L'agent—Supposez
qu'existe un corpus de lois recueillies sous la forme d'un livre. La loi numéro
Un dit : "Tous doivent lire ce livre."
Le paradoxe est évident : l'obligation de
lire le livre figure dans le livre même, qu'il faudrait donc avoir lu
antérieurement pour savoir qu'il faut le
lire. Et supposer un autre code, supérieur et fondateur, qui exprimerait cette
obligation ne résoud rien – puisque cette obligation de connaissance figurera
toujours dans un texte qu'il faudrait lire avant de l'avoir lu...
L'agent se sort, ou croit se sortir, de cette
difficulté par un argument d'autorité existentiel:
"—Que nul ne soit censé ignorer la loi
est une condition de l'existence de la loi et donc d'une société comme la
nôtre. Ce n'est pas une règle, mais une façon de faire, une pratique; une
"forme de vie", comme disait Wittgenstein. (...) Naturellement on
peut toujours faire une révolution conceptuelle
et essayer de changer la forme de vie."
C'est là
l'argument traditionnel de M. Etat, qui fonde moralement et juridiquement son
existence sur le seul fait qu'il existe : cela est, et il est bon que cela
soit, parce que cela est.
Il en va de
même pour le prétendu contrat social,
que nul n'a jamais signé ou accepté, parce que jamais ne lui en furent montré
les termes, ni ne lui fut proposé d'y adhérer ou de le refuser.
Si,
philosophiquement, juridiquement, moralement, rien ne fonde ni ne justifie
l'obligation de connaître la loi, il n'en va pas de même dans la pratique , où
un brutal rapport de forces entre M.
Etat et le citoyen pousse ce dernier,
par prudence, à se soumettre à des lois qu'il est censé connaître.
Mais
peut-il , dans le fait, connaître les dizaines de milliers de lois , taxatoires
ou prohibitives, dont le volume s'accroît chaque jour ?
Anecdote.
L'un de mes
amis emploie pour l'entretien de sa propriété diverses personnes, dont le
salaire est déductible de ses impôts. Faisant sa déclaration de revenus, il
reporte très exactement dans la case
ad hoc du document destiné au fisc le montant que l'organisme d'Etat par où
transitent les salaires de ces personnes lui a indiqué de reporter dans ladite
case, sans restriction ni éventuelle ventilation.
Quelques
mois plus tard, il reçoit du fisc un redressement
sous prétexte que le salaire de l'un de ces employés n'est déductible que
partiellement, en vertu d'un article du ... code du travail. ( Redressement
agrémenté non d'une pénalité, en raison de sa bonne foi, mais d'une majoration pour "manque à gagner de
l'administration").
Ce n'est
donc pas telle ou telle loi que nul n'est censé igorer, mais la loi, tout qui englobe la totalité des
lois existantes , y compris celles qui, a priori, semblent hors sujet , et le
malheureux qui, pour se soumettre aux spoliations de M. Etat , aurait pris la
peine de lire les milliers de pages du code
général des impôts ne sera pas à l'abri des coups de bâton, pour avoir
négligé les multiples autres codes de ceci ou de cela.
Sortant des
nuées philosophiques, je demanderais volontiers à M. Etat comment , dans la vraie vie, un individu peut connaître
toutes les lois, mais à cette question, je pense que j'aurais pour toute
réponse un " cela ne me regarde pas."
Suivi d'un impérieux : "mais que ma volonté soit faite."
"[...] que ma volonté soit faite". Il y a du Peillon là-dedans. Foie d'nantais.
RépondreSupprimerFoie de Nantais? Rectifié au muscadet, donc?
RépondreSupprimerlE foiE, lA foi (sans E)...fichue orthographe française...
Popeye
Conservé au muscadet, bien sûr. Pour le reste, c'est une coquetterie de nantais -usée jusqu'à la corde, une fois ;-)
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