La mise en
examen d'un célèbrissime chanteur américain coupable d'avoir prononcé une
phrase offensant je ne sais plus quelle peuplade est-européenne marque une
nouvelle étape du processus d'abolition de toute liberté d'expression, les
plaignants ne figurant pas, jusqu'à ce jour, au registre des espèces protégées.
La
phrase fut dite dans une interview donnée à un magazine américain, puis
traduite pour l'édition française de cette gazette, et voilà le délit constitué
au pays des droits de l'homme antiraciste et humaniste. Son sens, que j'ai cru
deviner assez mal fondé , et même marqué par le préjugé, importe peu, mais importe l'extension continuelle du nombre
et des catégories de victimes recevables à traîner devant les tribunaux
quiconque a le malheur de vouloir dire ce que, à tort ou raison, il pense.
Je refuse,
pour ne pas trop m'aigrir l'humeur, de lire le code pénal, ni même de
m'informer de toutes les nouvelles prohibitions, dont l'avalanche décourage le
décompte, mais crois savoir qu'il n'est désormais plus permis de porter, sur
certaines périodes historiques, un jugement divergent de la vérité officielle ,
gravée dans le bronze de la loi, et je crains que quiconque entreprendrait de
publier un éloge, mérité, de Simon de Monfort encourrait les foudres d'une
association (subventionnée ) de Cathares et autres parfaits.
Le principe de précaution enseigne que
désormais, et en de telles circonstances, le plus sage est de garder de Conrart le prudent silence, un
auteur moins prudent, et que sa plume démange, trouvera dans La persécution et l'art d'écrire de Leo
Strauss quelques idées de ruse rhétorique transposables à notre temps (si je
n'oublie pas, je reviendrai sur cet important ouvrage).
Une solution
est d'éviter d'écrire tout nom propre , de personne, de peuple, de pays, de fleuve, et
sans doute de planète et galaxie, en faisant attention à ne pas citer de fonction
permettant une identification – par exemple, un modeste "la vision de
telle ministresse de xxx me fait penser à un xxx" serait vite compris, traduit
et poursuivi par les vigilants Sherlock Holmes associatifs. Peut-on encore,
marchant sur les traces du Président de Montesquieu, tracer un tableau de notre
pays et de ses plus grotesques citoyens sous le masque de lettres persanes ? Je crains qu'il ne faille attendre une
jurisprudence pour se prononcer, mais mieux vaut n'en être pas le cobaye.
Certains
lecteurs, et amicales lectrices, ont peut-être remarqué que, relatant quelque
fait d'actualité, j'ai coutume de priver l'anecdote des noms des protagonistes ( à l'exception de sainte Leonarda, montée
depuis au ciel du Kosovo), ce n'est pas ici la crainte du gendarme qui me
guide, mais la volonté de donner à ces absurdités triomphantes un caractére
d'exemplarité , qui dépasse la triste personne de tel ou telle.
Ainsi l'humble
chroniqueur tente de s'élever à la dignité plus haute du moraliste (tout en
négligeant la gloire du martyre), et de faire vertu d'une petite lâcheté.
Peut-être
aussi aurais-je l'audace de proposer de certains textes elliptiques les clefs, que je m'en irai vendre sous le
manteau, me consolant par une fortune rapide de la soumise timidité de mes propos.
quelques idées de ruse rhétorique transposables à notre temps
RépondreSupprimerOn dit les dissidents et poètes chinois assez rompus à l'exercice de ces ruses rhétoriques. C'est dire vers quoi nous tendons de plus en plus ouvertement.
"la vision de telle ministresse de xxx me fait penser à un xxx"
RépondreSupprimerJe ne vois rien de répréhensible à ce qu'une ministresse de l'Église anglicane stimule votre libido...
Encore plus sérieusement: entièrement d'accord avec vous.
A moins que la ministresse du redressement des torts vous rappelât le ministère de la courbure de bananes ?
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