Toujours
soucieux de manifester par medias interposés sa bienveillance envers ses sujets, et dans le plus infime
détail, M. Etat vient de faire publier un rapport,
ou étude, ou document, ou griffonage (ces
termes sont synonymes) établi par une haute
commission, ou haut comité, ou haut conseil, ou haut aréopage (même remarque) composé(e) de spécialistes, experts,chercheurs
(idem, encore) auxquels s'ajoutent, dans le cas présent, de hautes personnalités et d'aléatoires
quidam pêchés dans le menu peuple.
L'objet de
ce rapport ( pour simplifier), est de faire progresser, sans trancher mais en
suggérant des propositions aptes à devenir des avancées législatives, la question, déjà débattue sans succès, de l'euthanasie, du suicide assisté, de la fin de
vie, et diverses désignations d'un passage de l'existence vers le néant (
ou le paradis, l'enfer, etc.).
Rien de
plus grotesque que l'expression fin de
vie : on ne peut savoir qu'un individu s'est trouvé en fin de vie qu'une fois qu'il est mort, car s'il semble que la mort
soit un évènement certain, sa date, elle, est incertaine ("Vous ne savez ni le jour ni l'heure"...),
et l'on peut aussi bien dire qu'était en fin
de vie depuis sa soixante-quinzième année un monsieur mort, en bon état, à
quatre-vingts ans que l'était en son dernier matin une demoiselle de vingt ans
tuée l'après-midi par une chute de tuiles.
Pour le
reste, jeté en vrac dans ce pseudo-débat avec la confusion propre à ces
agitations essentiellement spectaculaires ( i-e : destinées à fournir un
spectacle), il s'agirait à la fois du suicide en dernier ressort et de la
possibilité accordée à des bourreaux, ou médecins,
d'expédier ad patres un agonisant dont on
n'espère plus rien et dont l'entretien devient onéreux.
En fait,
toute l'affaire se résoud à la question, prudemment occultée, de la propriété de soi, que l'on peut
considérer de trois manières.
La plupart
des religions affirment que toute vie humaine appartient à Dieu, et que lui
seul en dispose, quiconque partage cette croyance s'en remettra aux interprètes
de la parole divine, les prêtres, pour déterminer s'il doit vivre ou mourir,
décision qui ne regarde en rien M. Etat.
D'autres
êtres humains, parmi lesquels je me range, ont la conviction que leur vie leur appartient, qu'ils ont le
droit d'y mettre fin selon leur bon plaisir, et qu'il est légitime et moral
(mais hélas non licite) de prier un tiers ( médecin, charcutier, philosophe...)
de leur tirer une balle dans la tête pour ensuite dévorer leur carcasse. Cette
position, je le répète, est la mienne, il est donc évident qu'elle est fortement
combattue, et sa mise en oeuvre prohibée par tout plein de lois.
La
troisième attitude, qui prévaut, est celle de M. Etat qui considère que la vie
de ses sujets lui appartient, qu'il est seul maître de la préserver ou de la
détruire, pour la raison essentielle que M. Etat se sent d'autant plus riche et
fort qu'il posséde plus de sujets, et qu'il est toujours plus amusant (sinon
plus reposant) de régner sur des millions d'individus plutôt que quelques
dizaines (d'où l'interdiction du suicide dans diverses cités antiques, comme
Massilia, innombrables autres exemples).
Cette certitude
de propriété de la vie de ses sujets par M. Etat s'exprime par toutes sortes de
lois destinées, plus à tort qu'à raison, à protéger cette vie, telle
l'obligation de mettre une ceinture d'esclave pour s'asseoir dans une
automobile, l'interdiction de consommer certaines substances arbitrairement
déclarées stupéfiantes, ou la condamnation au feu de l'ouvrage Suicide, mode d'emploi, qui contenait
des conseils utiles pour quitter commodément ce monde, et échapper
définitivement à M. Etat.
Bref, dans
la société actuelle, c'est M. Etat , et lui seul, qui s'est arrogé le droit de
dire, très éventuellement..., quand et comment (attendrissante concession...) un être humain peut choisir de mourir plutôt que vivre.
L'affaire
n'est pas nouvelle, elle a resurgi parce que l'on en discute en d'autres
contrées, ou en raison de larmoyants documentaires télévisuels , ou pour le
plaisir de faire papoter, et a pour charme essentiel d'être absolument
insoluble dans les termes où elle est enfermée—c'est-à-dire de vouloir la
résoudre par une loi.
Ce n'est en
effet pas la même chose que la cas d'un M. Durand , assez mal portant et fort
âgé, mais capable de se plaindre d'intolérables souffrances et d'exprimer
clairement son désir d'être piqué pour en finir ( mais ces souffrances
n'ont-elles pas annihilé sa volonté, son libre-arbitre ?) et d'une Mme Dupont
réduite à l'état de légume à la date de péremption dépassée, et dont l'arrosage
(ou maintenance sous perfusion ) commence à peser à ses
proches et obérer la cassette de M. Etat
-- dans ce dernier cas, c'est un autrui
qui recevrait le droit d'envoyer Mme Dupont
ad patres, ce qui est un meurtre (
qui peut être légitime).
Une
solution serait d'autoriser chaque sujet à écrire, un jour de pleine conscience
et de belle humeur, un document par lequel il autoriserait une personne de confiance
dûment nommée à le tuer dans certains
cas qui peuvent advenir ( et dont l'énumération ne pourra jamais être exhaustive). Mais si la personne de confiance trahit la
confiance ( dans l'espoir d'un héritage, ou autre motif...) ? Ou si ce sujet ne
trouve quiconque à qui remettre son destin ? Tant pis : il est impossible de
tout prévoir, tout régler --ainsi vont
la vie, et la mort.
Pour ma
part, et ce à quoi je suis prioritairement intéressé, si je n'ai le bonheur de
trépasser subitement d'un arrêt brutal de ma machine corporelle, je sais que,
malgré toute volonté que j'aurais pu exprimer librement, si je dois me trouver
en triste état et livré aux médecins et fonctionnaires assortis, il en sera
comme eux le voudront, et que même dans mon agonie, je sentirais m'étreindre
les griffes de M. Etat.
Mes deux parents étant mort en état d'inconscience et ayant pu suivre leur (plus ou moins) longue agonie, je serais assez d'avis que l'on puisse signifier son désir, en pareil cas, que soit mis fin à ses jours. De même, au cas où une longue (et douloureuse) maladie viendrait sans espoir de guérison àme frapper, j'aimerais qu'il soit possible qu'on me fournisse le matériel nécessaire pour abréger mess souffrances. Quitte à n'en pas faire usage (car c'est au pied du mur qu'on voit le maçon). Maintenant, il arrive que le coma survienne avant qu'on ait pris ses dispositions...
RépondreSupprimerPas plus tard qu'hier soir nous devisions gaiement avec Nicole de ce sujet ainsi que des soins palliatifs qui peuvent également poser problème car, comme me le signalait un jour un anesthésiste, effacer la douleur permet de mieux voir son inéluctable déchéance, ce qui n'est pas toujours aussi joyeux qu'on peut l'imaginer.
En résumé, je pense qu'il faut dans la mesure du possible laisser à l'individu sa responsabilité avec pour corolaire l'impossibilité de poursuivre ceux qui l'auraient aidé à accomplir sa volonté.
quant aux trois positions, j'ai la même que vous, j'avais une fois commis un texte dans lequel je disais en conclusion : "certains à devoir agir hors des cadres moraux et législatifs que sont les religions et le code civil."
RépondreSupprimerhttp://ilikeyourstyle.net/2010/11/22/contre-une-loi-favorisant-leuthanasie/
Du temps où je vivais en France, j'avais toujours dans mon portefeuille, dûment glissés avec mon permis de conduire, un formulaire de l'ADMD et une autorisation de prélèvement d'organes. Maintenant, mon permis indique que je suis donneuse. Je n'ai donc aucun souci à me faire, si je me vautre sur la route, on me dépècera vite fait. Quant aux malheureux qui ramasseront les morceaux, s'ils savaient ce que je bois et je fume...
RépondreSupprimerVous fumez ?
SupprimerBravo et continuez!
Ben voui... Ce serait balot de mourir en bonne santé.
SupprimerJe ne suis pas tout fait d'accord avec votre première manière. La Bible ne condamne nulle part le suicide.
RépondreSupprimerLe suicide comme meurtre de soi même est tardif dans le christianisme. Augustin, pour des raisons largement politiques alors que l’Église s'installe et que l'argument du martyre lui est opposé par des églises concurrentes pour la contester.
D'ailleurs Paul s'interroge sans arrière pensées sur le fait de savoir si "persister en la chair" est une bonne idée ou si il ne serait pas plus judicieux de rejoindre le créateur sans tarder. Il tranche pour persister mais pas du tout pour des raisons d'interdit moral (il se doit à ses ouailles)
Quant aux sociétés antique, c'est à ceux qui ne disposaient pas de la propriété de leur corps qu'il était interdit de se suicider, les esclaves ....
Nathan B
Je n'ai ,nommé aucune religion.
SupprimerEt dans diverses cités antiques, c'était bien le suicide des citoyens qui était interdit.
Quant aux esclaves , n'étant pas sujets de droit, leur interdire le suicide par une loi n'aurait eu aucun sens.
"la propriété de leur corps"
Supprimer"Mon corps m’appartient !" et autres fadaises de la même eau, n’est-ce pas là, la plus belle imbécillité progressiste qui soit ? L’âme et le corps étant indissociables, jusqu’à preuve du contraire (rassurez-moi), nous sommes notre corps. Vouloir appliquer une catégorie juridique comme le droit de propriété au corps humain n’est rien d’autre qu’un non-sens juridique par confusion du sujet de droits et du droit lui-même.
Ne pourrait-on pas considérer une quatrième manière de voir la notion de propriété en estimant que notre vie appartient aussi à ceux qui nous entourent : épouse, mari, enfants, grand parents, amis ?
RépondreSupprimerIl est permis de considérer ce que l'on veut, cher Corto, mais dans la réalité, ne comptez pas que M. Etat puisse abandonner aux familles ( horreur!) une propriété qu'il croit sienne.
SupprimerPourquoi Cain a-t-il tué Abel ?
RépondreSupprimerPour voir qui gagnera..
Il es amusant de constater que les adversaires les plus féroces de la peine de mort, sont tout aussi de fervents défenseurs de l'avortement et du suicide assisté.
RépondreSupprimerIl est vrai qu' un fœtus à naître ou un malade agonisant ne voteront plus par contre un assassin lui peut toujours être reconnaissant en déposant dans l'urne, le bon bulletin.
Je suis mesquin, diront certains et alors?
Une question me chatouille la luette: "Pourra t on pratiquer le suicide assisté sur un Président de la République dont le peuple est mécontent? "; c'est une question anodine mais on a encore le droit de rêver.