Jugements
critiques sur de remarquables écrivains.
"Perrot, (M). Maître Poète &
Tailleur à Paris. Il donne dans la Tragédie & voici deux Vers de lui
très-connus & très-pathétiques:
Hélas,
hélas, hélas & quatre fois hélas,
Il lui
coupa le cou d'un coup de coutelas.
M. Perrot
fait aussi l'Epître & la fugitive : peu d'Auteurs ont pris de si justes
mesures en parlant des hommes & des animaux, témoins les Vers suivants :
................Mais tandis qu'on le leurre,
Le chat
passe emportant une livre de beurre;
Brusquement on se lève, on court après le chat,
Qui tout
saisi d'effroi se sauve et casse un plat. "
"Nougaret ( M. Pierre de ) . Son Vidangeur sensible a été comparé plus
d'une fois à La brouette du Vinaigrier
. Voilà la vraie & la belle nature; c'est là qu'il faut la chercher. Ces
deux Pièces donneront à la Postérité une
idée plus juste de l'espèce humaine que les prétendus chefs-d'œuvres de Racine
et de Molière."
"Barthe (M. l'abbé), de la Société Anacréontique d'Arras
, excessivement connu par une Fable sur deux carrosses. Les propos que se
tiennent ces deux carrosses sont prodigieux; il n'y a guères dans toute la
littérature que les chevaux d'Achille qui soient dignes de converser avec les
carrosses de M. l'abbé Barthe. Voyez
l'Illiade."
"Gazon (M.) , si connu par ces deux Vers
sur Voltaire:
Avec tous
les talents ce poète naquit
Dès qu'il
put s'exprimer, il montra de l'esprit."
"Brutè (M. l'abbé). On sait quel bruit fit
dans le temps son Epître à sa sœur,où il dit, en parlant de Racine & de
Rousseau :
Le
charme de leurs Vers sublimes & parfaits
M'inspire la fureur d'en forger de mauvais.
Mais ce
n'est qu'une plaisanterie de l'Auteur, qui a voulu tendre un piège à notre
goût. M. l'abbé Brutè est, afin qu'on le sache, un de nos grands poétes."
Citations
extraites de : Le petit Almanach de nos
Grands-Hommes, année 1788 (sans lieu, 238 pages) dont l'auteur est Antoine
de Rivarol.
Ces grands hommes sont des littérateurs
inconnus, nuls et ridicules sur lesquels Rivarol, qui fut peut-être le plus
spirituel, et le plus fin, des écrivains
français, a décidé d'exciter sa verve (habituellement paresseuse).
Etrange
entreprise, car, en 1788 déjà, il était difficile de goûter pleinement une
satire frappant des textes que presque personne n'avait lus, et dont les
auteurs étaient ignorés ( et ils le sont encore plus, si possible,
aujourd'hui), entreprise dont le caractère paradoxal avait dû suffire à séduire
Rivarol, qui prit certainement plaisir à intéresser son lecteur à un objet sans
intérêt.
Avantage
annexe : cette publication ajouta au nombre de ses ennemis.
Au moins, cet abbé Brutè se rend justice.
RépondreSupprimerPersonnellement, je trouve les vers du sieur Perrot très-beau (je me mets comme vous à relier adverbe et adjectif par un tiret !).
RépondreSupprimerIl est facile de feindre prendre la juste louange pour une antiphrase mais seuls les mauvais esprits le font.
Notons au passage la robustesse et l'habileté d'un chat capable d'emporter une livre de beurre.
Ils sont même très-beauX !
SupprimerLe tiret après très était d'usage constant au XVIIIème siécle --je ne sais pourquoi, à force de tomber en désuétude, il disparut.
SupprimerJe crois me souvenir que Balzac l'utilise encore, mais pas systématiquement. Me trompé-je ?
SupprimerÉcrire et publier sont vraiment des vanités imbéciles…
RépondreSupprimerVanitas vanitorum et tout ça... Mais bon, il faut bien s'occuper, non ?
SupprimerNe serions-nous donc que de vaniteux imbéciles?
SupprimerJe ne le pense pas.
Vous, non ! Mais moi, parfois, je me demande…
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