Un
homme, hier, un homme dont les convictions sont aux antipodes des miennes, a
été jeté en prison sur l'ordre d'employés du ministère dit de la
"justice" , sans qu'aucun jugement ne l'ait condamné, sans qu'aucun
tribunal ne lui ait infligé de peine, en violation flagrante de ce que semble dire la trop fameuse
"déclaration des droits de l'homme etc.", texte pervers en sa
première rédaction et maintes fois remanié, amendé, trafiqué selon les humeurs
du temps et revêtu désormais de l'autorité
métaphysique de l'impératif catégorique pour justifier, au nom de la
liberté, les plus cruelles et infâmes atteintes à cette même liberté, texte qui
désormais n'affirme des droits que pour ajouter les restrictions qui permettent
de les bafouer.
C'est
donc une loi qui, une fois de plus, a
fait d'un homme légalement et juridiquement innocent un captif enchaîné , une loi votée par les très-humanistes et compatissants législateurs
socialistes en décembre dernier, loi
qui autorise de placer en détention provisoire
(c'est la dénomination légale de l'incarcération sans jugement et sans
fixation de durée au seul gré des
détenteurs du pouvoir ) quiconque s'est rendu coupable du crime impardonnable
d'avoir professé une opinion, une certaine opinion ici nommée apologie du terrorisme.
Et qu'est
une apologie du terrorisme ?
Est-ce
faire l'éloge des principes de Maximilien de Robespierre ( aujourd'hui honoré
d'une station de métro) qui, pour
éviter toute équivoque, appelait son système de gouvernement Terreur, et ses éxécutants terroristes ?
Est-ce
faire l'éloge de l'action des bolcheviks russes qui pratiquérent
systématiquement les attentats
terroristes pour s'emparer du pouvoir, action louée ad nauseam par les
dirigeants d'un parti communiste français
qui n'existe encore que grâce au soutien complice de l'actuel gouvernement socialiste ?
Est-ce
faire l'éloge de l'héroïsme des glorieux résistants
qui, comme le "colonel Fabien" (également honoré d'une station de
métro) tuèrent d'une balle dans le dos un officier allemand en promenade, afin
de chasser l'occupant par le terrorisme ?
Est-ce
faire l'éloge des innombrables massacres et tortures commis par les membres du
FLN d'Algérie dont le terrorisme est ajourd'hui célébré avec une sorte
d'émotion amoureuse par l'ensemble de la
classe politique française ?
Est-ce
faire l'éloge des meurtres perpétrés par des militants sud-africains, dont l'un
des chefs est aujourd'hui, bien que toujours à peu près vivant, littéralement
canonisé ?
Non, car
ces éloges, qui sont en même temps des
apologies, couronnent de lauriers des terroristes
vainqueurs (ou qui furent victorieux sous les applaudissements des
démocrates éclairés), et ce succès met leurs panégyristes à l'abri des foudres
de la loi, qui ne s'abattent que sur qui a échoué, ou dont le triomphe est
encore incertain.
Et
débarrassons-nous de l'argutie qui pourrait vouloir distinguer terrorisme de terroriste, faire l'apologie de ce dernier est néceessairement
faire l'apologie du principe affirmé de son action , qui se nomme terrorisme.
Une autre
argutie consisterait à identifier apologie
avec incitation
, faribole, je peux faire l'apologie de la gourmandise – et ce serait pour des
raisons esthétiques—sans souhaiter inciter quiconque à succomber à ce péché. Je
veux pourtant bien admettre qu'une apologie peut inciter, mais c'est là le
danger de toute parole – et quel enfant n'a pas été incité à commettre une
action, non parce qu'il en entendit l'apologie, mais par les mots mêmes qui la
lui interdisaient?
L'apologie
est une parole, et peu importe son objet,
peu importe qu'elle s'applique à une religion, à des mœurs sexuelles ou des
goûts culinaires, la prohiber est une négation criminelle de ce droit
fondamental de l'homme, fondamental et toujours violé : la liberté
d'expression--la liberté de dire ce qui appartient de plus personnel à tout
être humain: sa pensée.
Quittons
maintenant les principes au profit de la pratique – dans le monde réel, celui
où règnent les inquisiteurs, que peut, que pourrait..., signifier exactement apologie ? Au sens propre, le mot veut dire
aussi bien justification qu'éloge, ce qui n'est pas la même chose, et dire ce
qui sépare justification d'approbation, ou éloge de complicité
m'entraînerait trop loin, mais l'expérience, qui montre comment la
jurisprudence élargit les champs d'application de tout texte coercitif, laisse
deviner que tout mot de simple sympathie
pourra être condamné comme apologétique.
Il y a
quelques années, j'écrivis un roman, publié en 1995, dont les tristes héros
sont des terroristes, des terroristes très-nihilistes et très-meurtriers.
J'ai, comme
il se doit pour un romancier, une grande sympathie pour les personnages que je
crée, et surtout, peut-être, lorsque je les juge haïssables, je soigne leurs
discours ( d'autant plus lorsqu'ils sont contraires à mes convictions ) dans lesquels
ils justifient et louent leurs actions, bref , si ce roman n'est pas une
apologie du terrorisme (puis, ce n'est ni un essai, ni un traité), il contient
de nombreuses apologies du terrorisme.
Serais-je un
criminel?
Vous avez oublié les terroristes de l'Irgoun, un hasard certainement.
RépondreSupprimerJe ne prétendais pas à l'exhaustivité.
RépondreSupprimerDonc si j ai bien compris , on n'est plus terroriste dès lors que la cause que l on défend violemment l'emporte sur ses ennemis. Bon, ben voila, il ne nous reste plus qu à terrorister les socialistes et bientot la réaction aura sa place au panthéon.
RépondreSupprimerPour l apologie, si votre raisonnement est bon pour la gourmandise, puis-je en faire de même avec le cannabis ? Non. Hélas ? allez savoir.
Si si, faites cet éloge !
Supprimer(puis nous vous ferons porter des oranges)
Vous avez entièrement raison. Je me demande où ça s'arrêtera et même si ça s'arrêtera jamais. On devient tellement habitué à la censure et à l'arbitraire qu'on finit par ne même plus les remarquer. Merci de nous réveiller !
RépondreSupprimer...mais vous faites partie des (rares) déjà éveillés !
SupprimerMais non, vous n'êtes pas un criminel!
RépondreSupprimerIl me semble qu'une apologie peut se révéler paradoxale et induire un doute. Je pense à l'Apologie de Raymond Sebond, qu'il faudrait peut-être que je relise, mais il me semble que Montaigne finissait par contredire Sebond. Ça n'en reste pas moins une apologie.
Il est toujours plaisant, et utile, de relire Montaigne.
SupprimerMerci pour ce billet.
RépondreSupprimerOn songe aux braves militants gauchistes qui scandaient il y a peu "un flic, une balle, justice sociale !" ; on songe à nos autres bons rappeurs dont les textes appellent de même à des mesures rigoureuses contre nos institutions.
Où est la nuance légale dans leurs messages, pourtant sans nuance, qui ne leur vaut pas le même traitement que le triste sire du moment ?
Terroriste = résistant du camp d'en face.
RépondreSupprimerLes terroristes que vous évoquez , sont tous de gentils tenants du gauchisme voire des anti-colonialiste et autres luttes contre l'Occident, c'est pour cela que ces hommes ont le droit à la reconnaissance éternelle d'une certaine intelligentsia.
RépondreSupprimerVotre l'explique d'ailleurs parfaitement.
Il ne fait pas bon être leurs alliés beaucoup s'en sont mordus les doigts même si comme Nestor Ivanovitch Makhno les ont aidés à vaincre les armées blanches de Denikine et Wrangel.
Il eut la chance de ne pas être assassiné.