Quand M. Alain Delon déclare, dans une
interview, que "il est contre-nature que les couples homosexuels aient des
enfants", l'ensemble des medias reprend ces propos, d'ailleurs en les
déformant pour provoquer le lynchage, mais ceci est une autre histoire, en les
qualifiant de dérapage.
Lorsque
M. Tony Abbott, nouveau Premier ministre d'Australie, parle durant sa campagne
électorale des "femmes qui, au foyer, vaquent à des tâches
ménagères", le quotidien vespéral et de
référence que la gauche mondiale nous envie, précise que M. Abbott a dérapé , et ajoute que ce politicien (
qui, par une remarquable coïncidence, semble être de droite ) est coutumier de
tels dérapages.
Le substantif dérapage est un néologisme ( âgé de quelques décennies) formé sur
le verbe déraper , terme de marine
qui désigne "une ancre qui, bien que mouillée, n'est plus fixée au fond et
laisse dériver le vaisseau" (Littré).
Par extension, le dérapage s'applique à un véhicule, de préférence automobile, qui ,
contre la volonté de son conducteur, quitte sa trajectoire pour zigzaguer sur
la route, ou même en sortir pour terminer sa course dans un fossé, contre un
arbre ou sur un passant.
Dans le
langage médiatique actuel, voyons d'abord ce que dérapage n'est pas : ni la langue qui fourche, ni le lapsus, qui
sont pourtant des propos émis contre la volonté du locuteur, ne sont des
dérapages – quand M. John Kerry prononce le nom de Saddam Hussein au lieu de Bachir
el-Assad , aucun journaliste n'écrit qu'il a dérapé.
Le dérapage
médiatique implique fondamentalement un jugement de valeur moral, et même éthique – en qualifiant de dérapage tel ou tel propos tenu par telle ou telle personnalité, ce
mot a été choisi avec soin pour signaler
au lecteur, ou à l'auditeur, que ce propos est contraire à l'idéologie
dominante , et que par conséquent il est nécessairement condamnable.
Dérapage n'est pas un euphémisme ( comme jeune, sensible, divers, etc. ) mais une métaphore qui évoque une route droite,
qui est celle du bien, et dont celui qui s'écarte ne peut être qu'un suppôt du
mal.
Le
vocabulaire médiatique n'est pas
innocent, ni neutre ( value free );
pour ceux qui l'utilisent, peut-être parfois plus par par psittacisme
qu'intelligence..., donc précisons : pour ceux qui l'utilisent consciemment, sa
fonction est de séparer avec une netteté manichéenne deux camps ( celui du bien et celui du mal ) et pousser le lecteur ou auditeur à inclure automatiquement
tel ou tel individu parmi les bons, ou parmi les méchants.
De cela
résulte pour le réactionnaire une règle de conduite apte à lui faire gagner du
temps – chaque fois qu'il lit ou entend que M. X. ou Mme Y. a commis un dérapage, il peut, sans plus d'examen,
leur accorder toute sa sympathie.
Et pour
terminer sur une note d'une fraîche actualité : un député australien , M. Peter
Dowling, qui représente le Queensland, a envoyé à sa maîtresse, qu'il avait peu
auparavant honorée avec vigueur dans les locaux du Parlement, un message
téléphonique accompagné d'une photographie de son pénis trempant dans un verre
de vin rouge.
Le membre
viril de l'honorable parlementaire aurait-il dérapé ?
Ce monsieur commet une grave erreur c'est dans un verre de vin blanc que l'on trempe son membre viril car c'est ainsi qu'on peut de nouveau le remplir à la façon d'un stylo plume.
RépondreSupprimerje sors sans déraper.
Impeccable démonstration !
RépondreSupprimerMerci !
RépondreSupprimerExcellente analyse ! Je suis souvent étonné de voir qualifié de dérapage des propos de simple bon sens. Cela est logique dans la mesure où on n'hésite pas à nous fourguer pour du bon sens de totales inepties.
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