"Auteur plus prôné que savant, plus
savant qu'homme d'esprit, plus homme d'esprit qu'homme de génie; Ecrivain
incorrect, Traducteur infidèle, Métaphysicien hardi, Moraliste dangereux,
mauvais Géomètre, Physicien médiocre, Philosophe enthousiaste, Littérateur
enfin qui a fait beaucoup d'ouvrages sans qu'on puisse dire que nous ayons de
lui un bon livre. Telle est l'idée qu'on peut se former de M. Diderot, quand on
l'apprécie en lui-même sans se laisser éblouir par les déclarations des
avortons de la Philosophie, dont il a fait entendre, le premier, les hurlements
parmi nous.
"(...) Ce n'est pas qu'on ne trouve dans
ses Ouvrages des étincelles de lumières, des maximes fortes, des traits hardis,
des morceaux pleins de feu & de vigueur; mais ces découvertes ne se font
que par intervalles, et souvent les intervalles sont très longs. On est obligé
de marcher long-temps dans les ténèbres, avant d'appercevoir des lueurs; de se
repaître de fumée, avant de trouver un peu de nourriture solide; de s'engager
dans un labyrinthe raboteux, avant de rencontrer un espace de chemin droit et
praticable. Peut être cet Auteur s'est-il persuadé que l'obscurité dans les
pensées & dans le style serait propre à donner du prix à ses productions;
mais on a décidé depuis long-temps que nous étions dispensés de le comprendre,
parce qu'il est évident qu'il ne s'est pas toujours compris lui-même."
Extrait de : Les trois siécles de la Littérature françoise, ou Tableau de l'esprit de
nos écrivains, depuis François I
jusqu'en 1773; par ordre alphabétique par l'abbé S*** de Castres [Sabatier], (Amsterdam, MDCC.LXXIV, nouvelle édition,
corrigée & augmentée considèrablement).
Cet ouvrage est en tout point excellent, et
mérite de figurer dans la bibliothèque de tout honnête homme.
Quant à Denis Diderot, qui doît sa gloire
imméritée aux théatreux et cuistres républicains, il est ici très exactement
jugé.
Naturellement, le bon abbé fait commencer la littérature française avec François Ier. Enfin, en 1774, c'était pardonnable.
RépondreSupprimerLe curé d'Ars parlait aussi très mal de Diderot.
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