La
lecture de la Correspondance de Marcel
Proust, dans la très-érudite édition de M. Philip Kolb, me passionne,
fascine et réjouit, non parce que j'y trouverais un éclairage de la Recherche -- l'œuvre de génie porte en elle toute sa
lumière -- , et encore moins pour la stupide croyance qu'il faut connaître l'homme
pour comprendre et juger son ouvrage –je suis, moi aussi, Contre Sainte-Beuve – mais (il y a d'autres raisons) pour les
mystéres qu'elle recèle.
Cette Correspondance,
ce sont les lettres retrouvées,
celles qui sont perdues semblent avoir été extrêmement nombreuses, et nous ne
possédons que rarement les réponses des destinataires, si bien que nous voyons
se nouer des affaires dont le dénouement nous restera à jamais ignoré, et que
nous rencontrons des conclusions d'intrigues dont nous sont cachées les prémisses.
Citons.
Au printemps 1909, Marcel Proust écrit à son
ami intime Robert de Billy:
"J'attendais (...) pour pouvoir vous
annoncer que le petit instrument était en lieu sûr. Or il m'arrivait enfin mais
d'un modèle extrêmement savant, muni de deux bourses d'un prix exorbitant pour
la mienne, d'une forêt de poils, etc. Ce réalisme répugnant et dispendieux ne
m'a pas semblé faire l'affaire. N'était-ce pas plutôt un plus idéaliste
succédané que voulait la veuve de l'homme de Dieu. La forme grossièrement
imitée elle saurait mieux l'imaginer elle-même
dans le plaisir offert par un instrument plus élémentaire et meilleur
marché qui prétendrait plutôt suppléer, voire à imaginer, qu'à décrire. Bref,
j'ai renvoyé cette pièce d'anatomie. Et l'autre, le simple, toujours annoncé,
qui me fit envoyer à sa recherche de jeunes cohortes dans des lieux trop bien
faits pour elles, je ne l'ai pas encore reçu. Comme il eût été plus expéditif
de m'offrir moi-même. "On ne bande pas tous les jours", comme me
disait le duc de Castries, mais enfin j'aurais pu changer parfois les tristes
vigiles de celle qu'un conte de La Fontaine avait fait sœur de charité, et dont
votre poétique, habile aux transpositions nécessitées par les coutumes
luthériennes, a fait la veuve d'un pasteur. J'ose espérer enfin que je lui
ferai parvenir le "Bonheur des Dames" avant que vous ayez reçu ce
poulet."
Indiscutablement,
le "petit instrument" est ce que les Anciens nommaient olisbos et les modernes godemiché, mais qui est la lubrique et
ecclésiastique veuve? Aucune indication, hélas, ne nous permet de dévoiler son
identité. Et qui sont ces "jeunes cohortes" que Proust (qui en ce
temps ne sort jamais de sa chambre) envoie à la recherche d'un objet dont la
vente est clandestine, puritanisme bourgeois oblige, et ne se trouve guère que
dans les lupanars? Et la proposition de consoler lui-même l'inconnue ne jette-t-elle
pas un doute sur une homosexualité,
dont Proust s'est toujours défendu avec la plus extrême vigueur ?
J'attends, et espère, qu'un proustien aguerri vienne résoudre ces
piquantes énigmes.
étonnante lettre en effet. On y apprend même que la vente par correspondance existait déjà à cette époque et que l on pouvait ainsi retourner a l'envoyeur livraison non satisfaisante.
RépondreSupprimerOui, je crois qu'elle existait, et pas nécessairement pour des objets dont l'achat dans un lieu public serait gênant, mais surtout pour la mode. Le Printemps éditait un catalogue d'une centaine de pages dans les années 1870.
RépondreSupprimerLa vente par correspondance que pratiquait le magasin Au bonheur des dames (vers 1860) est longuement décrite par Zola dans le roman de ce nom.
SupprimerEt ici, il ne s'agit pas de vpc, mais d'émissaires...
Je crois que Zola s'est inspiré du Bon Marché qui si je ne m'abuse fut le premier grand magasin français.
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=cWEGZl2094Y
Exact, amiral!
SupprimerSi on ne peut même plus se fier à la pédérastie de Proust, maintenant…
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