La scène se passe dans le grand bureau
carmin d'un palais présidentiel, dans un pays qu'ignorent toutes les cartes, en
un temps uchronique.
Le
Président, aidé par son aide de camp, achéve sa quotidienne revue de presse,
laissant tomber sur une table basse de style Richard III les derniers numéros
des gazettes qui font l'opinion, Cancans
hebdo, Ragots Mag, Rumeurs secrétes...
--Dix-neuf
photos de vous, Président, commente l'aide, et dans une bulle, un abstract de votre dernier discours.
--Oui, ils
ont choisi : "Je n'admettrai pas". C'est bien, c'est ... percutant. Bon,
-- il regarde sa montre made in chez nous—presque
dix heures, encore une bonne journée de travail terminée, que puis-je faire?...
La chasse à la starlette me distrayait, mais je crains que le peuple n'ait pas
compris la nécessité pour un Chef du repos du guerrier....
--Il y a
dans l'antichambre un individu, Président, je souhaite que vous le receviez.
--Vous
voulez me faire faire des heures sup'?, et le Président rit, d'un bon rire
complice, pour montrer que, malgré son élévation, il a conservé son sens de
l'ironie, et même de l'auto-dérision.
Quelques
minutes plus tard, l'aide introduit un homme de taille moyenne, au visage
ordinaire, vêtu d'un habit couleur de muraille.
--Je vous présente M. Nemo Nobody, annonce
l'aide, puis il se retire, en prenant le soin d'appuyer sur le gros bouton off qui désactive les divers micros
enregistreurs installés par divers services et conseillers qui n'existent pas.
--Asseyez-vous, Monsieur, dit le Président,
puis il allume une cigarette électronique, en offre une à son visiteur, et une
bucolique odeur de romarin, de trèfle et de serpollet se répand dans la pièce.
"Si vous pouviez, Monsieur, me dire...
l'objet de votre visite ?
--Je suis monteur d'affaires, Président.
--Ah... Euh...
--Permettez-moi de vous expliquer.
"Vous
avez des ennemis?
--Des
ennemis, moi? Certes non! J'agis dans le meilleur intérêt de tous, et même des
femmes, des zhandicapés et des uranistes, j'aime tout le monde, tout le monde
m'aime.
--Des
adversaires?
--Voyons...
jadis, à l'école, j'eus une presque querelle avec un condisciple au sujet de la
théorie de la valeur et d'un paragraphe de Ricardo, mais j'ai fait donner à ce
pinailleur une ambassade, il est désormais un allié.
--Et des
concurrents ? Pour le prochain grand jeu des urnes ? Quelque insolent qui disputerait
votre trône?
--Ah...
Euh...Oui...J'ai ouï qu'ancien Président souhaiterait redevenir Président, on
pourrait dire qu'il y a là une sorte de nuisance, un peu troublante.
--C'est là
que j'interviens, dit le visiteur.
"Je
dispose d'un réseau de magistrats,
d'argousins et de plumitifs, je leur suggére une infraction qui aurait pu, éventuellement, peut-être, avoir été
commise par un proche de votre
concurrent, une enquête est ouverte, il y a des perquisitions, des garde-à-vue,
des mises en examen, à chaque étape, la presse amie distille, sussure, insinue,
c'est là ce que l'on appelle une affaire,
à laquelle on accole le nom de votre concurrent – c'est Durand, n'est-ce pas ?
Eh bien, réseaux sociaux, choses
imprimées et spectacles télévisuels ne retentiront que de la nouvelle affaire Durand qui deviendra
vite le scandale Durand.
--Mais, il
faut qu'il y ait matière à incrimination...
--Pffftt...
N'avez-vous pas lu votre Code pénal? Les motifs d'inculpation y fleurissent
comme le muguet en mai.
"Avez-vous recommandé distraitement l'oncle d'un ami pour une place
? C'est du trafic d'influence.
Suggéré de passer un marché à une entreprise dont vous avez hérité d'une tante
trois actions il y a vingt ans? C'est une prise
illégale d'intérêt. Le trésorier d'une de vos campagnes électorales a-t-il
reçu dix zlotys d'un individu à la
réputation sulfureuse? Recel de blanchîment! Et je ne vous dis rien de
l'abus de biens sociaux et de son recel, ni de...
--Oui oui,
je vois.Mais, ces gens..., votre réseau..., pourquoi feraient-ils ce que vous
leur demandez?
--Pour les
raisons qui font agir tous les êtres humains, Président.
"Certains sont motivés par l'argent que je peux leur distribuer, ou
l'espoir d'un avancement, d'une promotion, même d'une simple décoration.
D'autres veulent seulement se donner du mouvement croyant ainsi charger de sens
une existence médiocre, ou exercer contre plus grand qu'eux le pouvoir qui leur
a été négligemment attribué, quelques
uns veulent satisfaire leur haine envers la cible que je leur désignerai,
d'autres encore, héritiers de Savonarole, sont des fanatiques qui veulent
servir une justice dont eux seuls ont posé les règles, sans parler de ceux qui,
humiliés ou rejetés par Pierre se vengeront sur un Paul innocent, et plusieurs
de ces raisons peuvent, comme toujours, se mêler dans le même cœur.
"Peu
importe pourquoi ils se jetteront sur leur proie, Président, je sais qu'ils le
feront, cela suffit.
--Mais, ces
affaires que vous créez, ne risquent-elles pas de...., comment dit-on..., de se
dégonfler? De disparaître?
--Bien sûr,
et même d'être vite oubliées. Mais, si nous nous mettons d'accord sur le
contrat que je vous propose, j'en créerai d'autres, ce sont autant de piques
plantées dans le cuir de votre concurrent, et à s'en débarrasser, il épuise ses
forces, au lieu de vous affronter, il s'échine contre les argousins, les
magistrats, les plumitifs, et le jour du grand combat, vous n'aurez plus à face
vous que l'ombre misérable d'un opposant déjà vaincu.
Le
Président signa le contrat et, rassuré sur son avenir, chercha sur wwww.chaudesactrices.com
la future compagne de ses nuits calines.
Très joli résumé de la semaine
RépondreSupprimerMerci.
SupprimerMais ce sera également pertinent pour la semaine prochaine, et la suivante, et....
Très bon billet. Et j'aime bien la nouvelle photo.
RépondreSupprimer