Quelle
joyeuse excitation!
Entourés
de la foule des militants qui entrent et sortent des vastes bureaux de notre quartier général, les bras chargés de
depêches, messages de soutien, affiches rutilantes et victuailles de chez le
bon traiteur, nous dictons des ordres à nos responsables de quartiers, nos
consultants en marketing, nos organisateurs de visites sur les marchés tout en
souriant aux caméras de CNN ou de la BBC, tandis que notre trésorier comptabilise
le bel argent qui, pris dans les poches des contribuables pour les gros billets
et venus de la générosité de nos supporters pour la menue monaie, arrive à
flots continus (bien que toujours en quantité insuffisante –nous avons des
frais, et aussi des ruses).
Discrètement, notre tête de liste
s'est enfermé dans les toilettes de marbre rose avec une sémillante secrétaire
afin de lui confier une mission urgente, d'anciens adversaires, distancés au
premier tour, viennent nous prêter
allégeance en échange de promesses de places, des intellectuels engagés et des
artistes intermittents , sentant tourner le vent de la subvention, veulent,
pour les uns, nous flatter de portraits hagiographiques dans des news
magazines, et, pour les autres, concourir à notre victoire en donnant un
concert-happening apte à nous concilier jeunes chômeurs, prolétaires
revendicatifs et bourgeois éclairés.
Ce tableau
d'une grande armée en bataille est, hélas, trop idyllique, il a déplacé une réalité en un autre espace, transporté
la réalité d'une oubliée campagne
(tant pis pour l'ambivalence...) en celle, plus flamboyante, d'une grande
ville.
Car ici,
entre vallons, étangs, prairies et forêts, force est de reconnaître que
l'oreille ne perçoit pas le fracas des troupes militantes, que l'œil ne voit
pas de forêts de micros et que, dans les mains tendues ne tombe nulle obole
(obligatoirement prélevée sur autrui).
Ici, nous
avons dû, avec nos colistiers, nous cotiser pour régler l'impression de notre
unique affiche, qui fut apposée sur le panneau réglementaire que nous
contraignîmes le maire sortant, notre
concurrent, à sortir d'une grange en maugréant et qu'il fit placer par le
cantonnier municipal ( et à mi-temps) à l'abri des regards de très éventuels
passants, de même que nous partageâmes les frais d'envoi aux électeurs de notre
profession de foi et de nos bulletins de vote – car, en nos bourgs et villages,
non seulement rien des dépenses de propagande n'est remboursé mais ce qui
ailleurs est à la charge de M. Etat l'est ici à celle des candidats (où est
passée sainte Egalité ?).
Oublions
ces fiduciaires mesquineries, réjouissons-nous d'avoir pu tenir dans la salle
des fêtes une réunion publique où nous eûmes le plaisir de recevoir deux électrices (les mâles étaient aux
champs, ou devant leur téléviseur) et qu'un entrefilet nous fut consacré dans
la gazette locale, en sortant de ce débat, je glissais à d'amicaux moutons broutant
dans un prè voisin les réponses préparées pour les questions qui ne furent pas
posées. En d'autres temps, c'est au café du village que se fût poursuivie la
discussion, mais, victime de la télévision et des contrôles d'alcoolèmie,
l'établissement a fermé il y a trente ans, comme tous les commerces ruraux, et comme demeurent closes les
portes de l'église, que ses prêtres ont désertée, mais à son ombre, le
cimetière se porte bien et accueille fréquemment de nouveaux clients, car on
enterre plus que l'on ne baptise.
Ainsi va ,
en notre campagne, la campagne électorale.
Avec ce qu'il est tombé, pensez à mettre des bottes, avant de partir en campagne…
RépondreSupprimerChez nous, Monsieur, il ne pleut ni n'a plu.
SupprimerChez moi le maire sortant, qui est une femme de paille pour l'ex édile devenu ministre, refuse l'accès aux grandes salles municipales à son opposant. Pour ce faire, elle argue la venue de je ne sais quelle association, ou autre prétexte fumeux. Bien sûr, le soir venu la salle en question est vide du moindre occupant. Et puis il y a le jeu de la chausse-trappe, c'est le sujet de mon dernier billet. J'envie les campagnes électorales de campagne, on s'y fait peut-être tartir, mais le climat est sain.
RépondreSupprimerClimat sain?
SupprimerPlus par manque de moyens que de volonté.
car on enterre plus que l'on ne baptise.
RépondreSupprimerEt c'est bien, résumé dans cette chute, l’essentiel de nos problèmes. Car pour qu'il y ait remplacement, grand ou petit, il faut bien qu'il y ait eu au préalable disparition.
Tous mes vœux.
Merci!
SupprimerJ'espère que ce passage reflète la réalité : " Discrètement, notre tête de liste s'est enfermé dans les toilettes de marbre rose avec une sémillante secrétaire afin de lui confier une mission urgente" car il souligne la confiance qui règne entre les sexes en milieu rural.
RépondreSupprimerHeu..., non... c'était dans un phantasme de grande ville.
SupprimerMais je vois une brebis qui semble s'ennuyer...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerPersonnellement, je pense que l'abus de contrôles d'alcoolémie n'est pas pour rien dans la dislocation du lien social.
RépondreSupprimerFort juste, Corto !
Supprimer(Hic!)