En allant
chercher le courrier dans ma boîte aux lettres, et au volant de ma voiture
joyeusement polluante, même si elle ignore le diesel, j'aperçois mon voisin qui farfouille dans une sorte de
regard avec une espèce d'instrument aratoire.
Je descends
de mon véhicule, en laissant tourner le moteur afin d'orner l'atmosphère
champêtre de jolies et fines particules,
m'approche, m'enquiert de la nature , et de la raison, de cette activité
hydro-agreste.
Le long de
la clôture de cette propriété voisine court un mince ruisselet qui, toujours à
l'intérieur de ladite propriété, traverse une modeste structure en ciment (c'est
le regard) où se trouve une sorte de
portillon qu'il est possible d'ouvrir ou fermer , un peu comme une
écluse, en modèle très réduit (la contenance de la chose est inférieure à un mètre cube).
Pourquoi
tantôt ouvrir et tantôt fermer? C'est là de ces mystères que seule une
naissance indigène permet d'élucider, toujours est-il que, jusqu'à une date
récente, mon voisin ouvrait et fermait à son gré, et selon le besoin.
Or il advint
que passa près de la clôture, en l'absence du propriétaire, une bête
malfaisante nommée écolo. Laquelle,
détentrice de droits lui permettant
de s'ingérer dans les affaires d'autrui et d'en violer le bien, enjamba un fil
de fer et pénétra chez mon voisin afin de mieux regarder le regard, qui est à
ciel ouvert.
Ce fut un
spectacle d'horreur que découvrit l' écolo, et qu'il ne trépassa
pas sur le champ prouve que la bonne
conscience environnementale accroît la résistance aux stress, traumas et
défaillances cardiaques.
Dans le
fond du regard, à peine recouverts d'un peu d'eau, stagnante et pourtant
claire, gisaient les cadavres (sans vie, je précise) d'une demi-douzaine de
grenouilles.
Il faut savoir
(relire Buffon...) que ces aimables batraciens apprécient les milieux
aquatiques, particulièrement lorsque, à la suite de torrides accouplements, est
venu le moment de frayer, qui est à
peu près comme mettre bas pour les
femelles humaines.
L'historien
peut alors reconstituer le cours des évènements : attirées par H2O, des
grenouilles étaient entrées dans le regard, en y sautant ou en suivant le
ruisselet (il y a là incertitude), puis,
après avoir terminé leur petite affaire, y étaient demeurées prisonnières, le
portillon étant fermé. Alors, manque
de nourriture ou blues de la parturiente, les pauvrettes avaient quitté cette
vallée de larmes pour un monde meilleur.
A peine
remise de la contemplation du charnier, l' écolo s'aperçut que c'était pire que ce qu'il avait d'abord cru, car les défuntes n'étaient pas
d'ordinaires grenouilles, mais des grenouilles appartenant à une espèce rare,
menacée d'extinction , ergo hyper-ultra-protégée, comme le bigorneau zébré, le
cloporte des neiges ou la punaise caquetante.
Aussitôt,
la canaille écolo se précipita dans son automobile pour se rendre à la mairie,
où elle exposa aux autorités l'abomination que sa vigilance citoyenne lui avait
permis de découvrir.
Et peu
après , mon voisin reçut une lettre recommandée à en-tête de la république française lui enjoignant,
conformément à une flopée de lois, décrets , règlements et oukases, d'ouvrir ou
fermer le portillon de son regard aux seules dates décidées par une
administration bienveillante (pour certaines grenouilles).
Or, il se
trouve que, en fonction de pluies abondantes qui charrient de la terre, ou de
l'automne qui fait tomber les feuilles..., ce regard se bouche, et que libérer
un flux d'eau courante peut le déboucher, oui, mais si mon voisin est râleur,
il est également de tempérament soumis à
la puissance publique, aussi, conformément
aux injonctions de M. Etat, ferme-t-il le portillon quand il faudrait l'ouvrir
(et inversement...), puis, muni d'une pelle ou d'une fourche-bêche,
débouche-t-il laborieusement ce qui se nettoyait tout seul.
En faisant
très attention à ne pas heurter une araignée d'eau ou un têtard vagabond.
Une possible solution : demander le détournement du ru vers la propriété de l'éco-citoyen vigilant de manière à ce que ce soit lui qui écope des responsabilités qu'il impose aux autres.
RépondreSupprimerLa seule solution est d'enfermer l'écolo avec les grenouilles, qui s'en nourriront.
SupprimerSeraient-ce des grenouilles transgéniques ? Car à ma connaissance l'espèce n'est pas carnivore. Il y a là un loup qu'il convient de lever.
SupprimerEn voilà un sujet rigolo où je vais pouvoir me vautrer dans des idées stupides, votre voisin devrait de suite bâtir un grand parc d'attraction dénommé "Frog-land"; et là bingo tout le monde serait quant à l'écolo il en sera le féroce cerbère afin de protéger ses grenouilles adorées.
RépondreSupprimerMerci pour ce commentaire, cher Grandpas!
SupprimerSujet de caniveau, ça...
RépondreSupprimerLe Page.
Il me semble qu'une mesure de salut public serait d'instaurer pour tous les écolos le port obligatoire d'une étoile verte, ou alors une faucille et un marteau entrelacés de couleur verte, ou encore une crécelle en bois (équitable), enfin bref d'un signe distinctif aisément reconnaissable qui permettrait aux honnêtes gens de s'écarter de cette engeance maudite dès qu'elle approche.
RépondreSupprimerBonne idée!
SupprimerComment osez-vous nous faire rire avec un si triste sujet ? Heureusement que des citoyens responsables comme votre voisin tiennent compte des injonctions qui leur sont faites !
RépondreSupprimerLa méthode de l'écolo est affligeante mais sur le principe il a entièrement raison.
RépondreSupprimerDe même qu'il est irresponsable de tirer des perdrix en train de couver ou des laies en train de suiter, condamner par négligence répétée des grenouilles en train de frayer n'est pas plus finaud si on peut faire autrement sans grands désagréments pour sa routine.
Ce qui me paraît tout aussi aberrant dans cette histoire est de recourrir à une lettre recommandée pour se qui mériterait un échange amical autour d'une bonne bouteille, par exemple.
J'aurais été très content que l'on tirât sur des laies mettant bas, et d'être débarrassé de cochons qui font chez moi d'ahurissants dégâts.
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