Comment un chef d'Etat soucieux de conserver sa
place en dépit des aléas de la démocratie
peut-il se débarrasser d'un rival?
Une
méthode simple consiste à lui faire couper le cou, une autre à le faire
emprisonner, il y a à cela des inconvénients.
L'usage
fréquent de la décapitation, fréquence hélas nécessaire car il surgit toujours
des ambitieux voulant être calife à la place du calife..., entraîne une sorte
de banalisation, d'entrée dans les mœurs du procédé, et le risque qu'un revers
de fortune voie monter sur l'échafaud celui qui en fut l'ardent pourvoyeur (cf.
le sort de Robespierre, Saint-Just et autres aimables humanistes).
Quant à
l'incarcération, elle a trop souvent pour effet d'orner la tête du prisonnier
de l'auréole du martyr, et d'en faire, à sa libération, l'élu d'un peuple pour
qui avoir subi un supplice est une vertu, un gage de compétence et un
certificat d'intelligence (cf. nombreux messieurs africains).
Heureusement, grâce aux progrès de la science politique et au labeur des jurisconsultes, il existe désormais
une arme propre pour éliminer légalement un adversaire.
Vient d'en
être victime un ancien chef de gouvernement transalpin qui , après des années de procédure (notons ce point) ,
a été déclaré par d'impartiaux magistrats dorénavant inéligible à toute fonction politique (un peu comme chez nous lors
de l'épuration de 1944-1946, avec des nuances).
C'est un tel
processus qui vient d'être mis en œuvre par Président envers ancien-Président (appelons-le : Rival).
Divers codes
répriment une multitude d'actions, conduites et pensées humaines, ainsi que la
plupart des échanges libres et volontaires, et il serait étonnant qu'un
individu quelconque n'eût point, à quelque moment de sa vie, contrevenu à l'un
de ces interdits, a fortiori celui qui s'occupe de multiples affaires et
rencontre une foule de ses semblables, de moralités diverses.
Reste donc
à lancer contre Rival, aux fins d'enquête sur ses fréquentations (louches), ses allées et venues (suspectes) et
son compte en banque (inexpliqué), une police politique nommée financière – car l'on sait que tout ce
qui a trait à la finance est nécessairement sulfureux--
, à faire publier par des plumitifs amis des extraits, tronqués, hors contexte,
de documents saisis par les argousins,
ou obtenus par des voies inavouables (et à l'existence niée), puis à confier le
dossier ainsi constitué , et déjà jugé
par l'opinion, à d'intransigeants magistrats qui, n'écoutant que leurs
préjugés et leurs haines, auront le sentiment d'accomplir le plus impérieux des
devoirs en condamnant un ennemi politique à cette inéligilibilité qui assurera des nuits tranquilles à Président.
En son
principe, le procédé est sans faille, il a néanmoins un défaut. En raison des
grandes possibilités de recours qu'offre le systéme judiciaire, il faut
plusieurs années (voir ci-dessus l'exemple romain) pour que soit fulminée une
inéligibilité définitive, ou qui, du
moins, soit effective lors de la prochaine grande
élection.
On
comprendra donc pourquoi c'est dès l'installation de Président dans un joli palais
que furent déclenchées les premières
escamourches contre Rival, et pourquoi elles grossissent aujourd'hui, en prélude
à d'attendues inculpations.
Nous n'en
sommes donc qu'aux préliminaires d'une vaste entreprise, suivront de minces péripéties et de légers
rebondissements, nous en connaissons l'issue, et ne nous y intéresserons pas.
Excellent démontage d'un mécanisme qui permet de restaurer la morale dans les affaires publiques (ou de supprimer un rival, ce qui, quand on appartient au camp du bien, revient au même). Hélas, cela ne dissipe pas TOUS les nuages qui peuvent assombrir un horizon prometteur de réélection. Il n'est pas interdit de penser que puisse surgir, de là où on ne l'attend pas, un nouveau rival que l'on n'aura pas tout le loisir d'éliminer...
RépondreSupprimerEh non, tout cela fait bien du tracas...
SupprimerPouvons-nous raisonnablement nous désintéresser du spectacle de guerre de gang de type mafieux au plus haut niveau de l'Etat, censé œuvrer pour le bien commun. On va les laisser s'étriper jusque l'un des deux l'emporte? Je refuse ce scénario de mauvais film qui a pourtant un grand succès auprès des médias. Il faut se débarrasser de ces vermines de tous bords; un nouveau rival, avec mission de nettoyeur serait le bienvenu, mais les gangs verrouillent et dézinguent tout nouvel entrant. Je pense que seule la faillite générale, suivie d'un chaos total permettra de remettre tout à plat. Je l'attends, je l'espère.Je ne vois pas d'autres solution dans le cadre de nos institutions actuelles.
RépondreSupprimerPenthièvre
OK pour le chaos, mais vivrai-je assez pour jouir du specracle de la civilisation qui en sortira?
SupprimerAprès la chute de Rome, cela a pris un certain temps.